"Lorsque nous parlons de liberté, il faut distinguer, je crois, entre
liberté psychologique, c’est-à-dire notre pouvoir de faire des choix qui
ne sont pas contraints ou forcés, mais qui sont volontaires (la
volontariété), et la liberté éthique, notre capacité de choisir le
souverain bien. C’est cette dernière que les réformateurs protestants
ont voulu réexaminer à la lumière de l’Écriture sainte. Il est évident
que nul n’a de liberté au sens absolu. On ne peut agir contrairement aux
décrets divins. Même Dieu ne peut agir contrairement à sa nature (Il ne
peut pécher, mentir, etc.).
Lorsque nous regardons la révélation biblique, la liberté n’est
possible que dans le contexte de la rédemption. Que ce soit le peuple de
Dieu de l’Ancienne Alliance, par l’Exode, ou le peuple de la Nouvelle
Alliance, par la croix et la résurrection du Christ, ne sont libres que
ceux qui ont été libérés : « Si donc le fils vous affranchit, vous serez
réellement libres » (Jn 8.36).
Les réformateurs se sont insurgés avec véhémence contre l’idée
synergique du « libre arbitre » chez l’homme déchu — postlapsaire.
Le premier Adam avait cette liberté d’arbitre et avait en lui-même le
pouvoir de choisir le Souverain Bien. Mais par sa chute, il l’a perdu.
Maintenant, laissé à lui-même, l’homme déchu (postlapsaire) ne cherche
pas Dieu, il le fuit « Nul ne cherche Dieu » (Romains 3.11).
Ce n’est pas la brebis perdue qui cherche le Berger, mais bien le Bon
Berger qui cherche sa brebis « Adam, où es-tu ? ». C’est pourquoi, Luther
et Calvin ont mis de l’avant, dans la foulée de saint Augustin et de la
tradition augustinienne médiévale intégrale, la notion de « Serf
arbitre ». La servitude du péché touche toutes les parties de son être
(dépravation totale), incluant son « arbitre » (arbitrium).
L’homme ne regagne son libre arbitre, c’est-à-dire son pouvoir de
choisir Dieu, le Souverain Bien, que par la régénération opérée en l’âme
humaine par le Saint-Esprit qui applique à l’élu la rédemption du
Christ-Jésus. Étant mort spirituellement (Ép 2.1),
l’homme ne peut revenir à Dieu que lorsque le Père l’attire au Fils. Il
le ressuscite intérieurement et l’amène à « embrasser le Fils » (Ps 2).
À cette seule condition, l’homme regagne son libre arbitre qui, par la
grâce toute-puissante (en théologie augustinienne, l’expression latine adjutorium quo), lui assure infailliblement de faire le choix de Dieu, le Souverain Bien (lui donnant le vouloir ET le faire) (latin : non posse peccare), contrairement au libre arbitre adamique qui, par une grâce contingente (latin : adjutorium sine quo), ne lui conférait que le pouvoir de choisir soit le bien soit le péché (latin : posse peccare, posse non peccare).
Il n’y a de liberté que pour ceux qui sont libérés par le Christ !"
Première publication le 22 juin 2018 @ 12 h 00 min— André Pinard
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