« Jouir à tout prix » : après Christopher Lasch prophétisant il y a plus de trente ans son avènement, beaucoup d’auteurs se sont penchés, tel Charles Melman, sur la métamorphose contemporaine de la subjectivité comme perversion narcissique propre au néolibéralisme. Le laisser-faire économique doit lâcher la bride aux pulsions égoïstes des individus, dont la confrontation fera naturellement l’intérêt collectif. Ainsi s’instaure, explique Wendy Brown, la nouvelle gouvernementalité d’une subjectivité calculatrice et rationnelle, autrement dit profiteuse et prédatrice. Une semblable néosubjectivité réalise une économie collective perverse, où la négativité et l’altérité n’ont plus leur place, dans la grande confusion qu’impose le règne de la loi du marché et de la technoscience : voilà la perversion ordinaire, selon Jean-Pierre Lebrun. Cette confusion est précisée par Pierre Dardot et Christian Laval : « Le sujet néolibéral est produit par le dispositif “performance/jouissance” [...]. Le double sens d’un discours managérial faisant de la performance un devoir et d’un discours publicitaire faisant de la jouissance un impératif. » Le néolibéralisme nous caresse dans le sens du désir, et c’est ainsi qu’il nous entraîne dans une compétition économique outrancière : Dany-Robert Dufour a montré la parenté qui existe entre les conceptions d’Adam Smith et celles du marquis de Sade, réduisant l’homme à un objet d’échange, et rappelé la collusion entre le marketing et une conception objectale dévoyée, comportementaliste, de la psychanalys…