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S.B. S.B. 27 août 2020 09:47

@Surya

« Personne ne tient compte du rejet que certains subissent, ou plus exactement personne ne veut l’admettre »

Je crois que vous avez tort. N’avez-vous jamais entendu parler de SOS racisme et de son omniprésence médiatique à une certaine époque. Partout, et tout le temps, dans les médias, on nous a expliqué à quel point les Français étaient racistes et à quel point les immigrés étaient rejetés, relégués, « parqués », ghettoïsés.
C’était et c’est encore en grande partie le discours dominant, le seul discours explicatif sur l’origine des problèmes, et donc ce que vous dites ne correspond absolument pas à la réalité.
Je pense que de moins en moins de gens adhèrent à ce discours car ils comprennent ou sentent qu’il est incomplet, qu’il y a d’autres racines aux problèmes anciens et enkystés que nous avons, racines auxquelles il faut remonter. D’ailleurs, ce sont des problèmes passionnants à comprendre, sauf que maintenant, ils prennent des aspects tragiques en France, et ailleurs aussi. 

Si vous vous intéressez à l’histoire des banlieues et de l’habitat social, vous pouvez lire le livre de Michel Aubouin. Quelque chose m’a frappée dans ce livre : l’auteur raconte (il y était) comment, dès le regroupement familial dans les années 70, des adolescents marocains nouvellement arrivés en banlieue en France avec leur mère pour rejoindre leur père, sont immédiatement entrés en conflit avec les filles et les profs femmes de leur établissement scolaire, se sont immédiatement montré violents avec elles, d’une violence particulière, dégradante. Pourquoi ? Il ne s’agissait pas de chômage (leurs pères travaillaient), ni de relégation et de non-mixité sociale ou ethnique (les banlieues et les collèges-lycées étaient largement mixtes à ce moment-là), ni de rejet massif de la population présente, puisque ces adolescents venaient juste d’arriver. Ils avaient simplement, et logiquement, importé leur culture, et la violence, leur violence, est venue du choc de leur culture avec une autre, libérale et individualiste, où les relations entre les hommes et les femmes, la place réelle et symbolique des femmes dans la société, n’étaient pas du tout les mêmes. C’est là où les pouvoirs publics auraient dû dire clairement « stop » et mettre certaines choses au clair avec eux et leurs parents et ne l’ont pas fait, laissant la population se dépatouiller comme elle pouvait. Ces ados ont suscité le rejet par leur comportement plus que par la couleur de leur peau ou leur origine (même si comportement et origine sont liés, sur le plan culturel, sans vouloir essentialiser mais des faits sont là). Vous pouvez appeler ce rejet « racisme », pour moi ce n’en est pas et ce rejet est logique et légitime.

Vous êtes dans ce que Hugues Lagrange appelle le déni des cultures. Si un racisme, au vrai sens du terme, et un rejet systémique peuvent être (et ils ont dû être dans un certain nombre de cas) la racine du mal, ils ne sont pas la seule. C’est plus compliqué. Un enfant peut simplement se sentir rejeté, sans l’être, parce qu’il voit bien (un enfant voit tout) qu’il y a un énorme choc, d’énormes différences de fond, entre ses parents, comment ils vivent, ce qu’ils pensent et disent, et comment on vit dans la société où il se trouve avec eux. 
« Pourquoi certains se replient sur eux mêmes et pas d’autres ? »
Tout dépend des parents en réalité. De leur capacité et/ou de leur envie de faire partie de cette société dans laquelle ils arrivent, avec sa culture et ses codes qui sont pour partie différents des leurs à l’origine, leur envie de voir leurs enfants s’y adapter pour y vivre le mieux possible, malgré les obstacles et le racisme. En fait, je suis convaincue que ce sont des ressorts psychologiques et affectifs profonds bien plus qu’économiques qui déterminent le repli sur soi ou l’ouverture à l’autre. Des enfants d’immigrés maghrébins très pauvres ont réussi et sont devenus médecins ou avocats. C’est la capacité des parents à encaisser le choc culturel qu’ils vivent dans le pays d’accueil, à le vivre sans qu’il ne provoque une sorte de dislocation mentale, qui détermine l’avenir des enfants. Plus la culture d’origine est éloignée ou contraire à la culture d’accueil, plus le choc est grand et l’adaptation difficile, donc plus le risque d’échec est grand, donc plus le rejet de la population « de souche » (? la souche, c’est le cœur plus que l’origine) grandit en parallèle. Prenez un cercle et caressez-le, il deviendra vicieux, disait je ne sais plus qui. Dans cette dimension culturelle, la symbolique de la femme (désolée, j’y reviens), est centrale. On en revient au déni des cultures d’Hugues Lagrange, et à la faute grave des pouvoirs publics de l’avoir pratiqué et de le pratiquer encore.

Pour revenir à votre anecdote sur vous voilée dans un resto parisien et les regards hostiles que vous avez reçus...ben oui, on est en droit d’avoir ce genre de regard quand on sait ça, ou que des femmes dans certains pays risquent carrément la prison si elles enlèvent ce truc sur leur tête, ou que des petites filles de 3 ans sont voilées en France, ce qui est un pur scandale de sexualiser ainsi le corps (et l’âme surtout) d’une petite fille, à mettre au même niveau que les concours de Mini Miss aux US. Eh oui, ne vous déplaise, il y a une certaine résistance au voile en France, à ce qu’il signifie vraiment quand on veut nous faire croire que c’est juste un petit bout de tissu anodin (tu parles...), mais pas qu’en France, dans la société québécoise aussi par exemple, et même...même dans les pays musulmans (Dieu est grand, finalement).

Je vais arrêter cette discussion car je n’ai plus trop le temps de m’y consacrer, et que le sujet est tellement complexe (et mondial en plus) qu’il ne se traite pas à coups de commentaires sur un forum, même si c’est plutôt agréable de discuter avec quelqu’un qui semble ouvert aux arguments des autres (j’essaie de l’être aussi). Mais il y a certains sujets sur lesquels les gens irrémédiablement ne seront pas d’accord, c’est la vie.


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