• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


DACH 18 octobre 2020 12:48

Une mise au point qui sera utile à l’auteur dont nous encourageons les interventions et son état d’esprit.

« « Depuis le début de la guerre du Haut-Karabakh, les médias internationaux ont très souvent utilisé une rhétorique pseudo-neutre qui brouille pourtant les cartes car elle ne dit pas exactement les choses telles qu’elles sont. Ce phénomène n’est pas nouveau et pose une fois de plus la responsabilité d’informer en vérifiant et en précisant les faits avant d’en rendre compte. 

Si l’on reprend de nombreux commentaires médiatiques sur cette guerre, il ressort qu’elle met en jeu des “belligérants” qui “s’accusent chacun d’avoir déclenché les hostilités” avec d’un côté un ”État azerbaïdjanais qui veut récupérer ses territoires occupés” et de l’autre “des séparatistes soutenus par l’Arménie… Ces thèmes déployés à longueur de temps pour évoquer le conflit sont chargés de sens et procèdent d’un raisonnement volontairement incomplet ou, ce qui semble le plus fréquent, d’une ignorance malheureuse dans la mesure où elle participe sans le dire et, espérons-le, sans le réaliser, d’une désinformation fautive.

Les sciences sociales attirent l’attention sur la façon dont la réalité peut être construite avec le choix des mots employés pour la décrire. Ces derniers relèvent de “procédés interprétatifs” qui façonnent les représentations mais qu’il est nécessaire de décrypter, notamment quand ils alimentent une injustice historique et politique. Reprenons les quatre imputations sous-jacentes aux formulations citées ci-dessus.

Le sociologue William Thomas a posé il y a 100 ans l’idée que le comportement des individus s’expliquait plus par leur perception de la réalité que par la réalité elle-même.1/ “Les belligérants”. Ce terme qui désigne des adversaires engagés dans une guerre suppose deux camps opposés. S’il est juste car c’est bien ce qui se passe, il sous-entend néanmoins une responsabilité commune en passant sous silence que, dans le cas présent, une des deux parties –l’Azerbaïdjan soutenue par un pays ouvertement allié, la Turquie, et des mercenaires de Syrie payés par ce pays pour aller combattre au côté de l’armée Azérie– a initié l’attaque contre une population qualifiée d’ “ennemie”, tandis que l’autre –l’armée du Haut-Karabakh soutenue par celle de l’Arménie– ne fait que se défendre dans une guerre qui lui est imposée. Désigner les Arméniens comme un des “belligérants” les place ainsi implicitement dans le cadre sémantique d’une responsabilité et d’une volonté belliqueuse partagées ce qui ne correspond pas à la réalité des faits.2/ Deux parties qui “s’accusent mutuellement d’avoir déclenché les hostilités”. Quinze jours après le début des affrontements, cette idée qui fut régulièrement mentionnée dans les médias ne tient plus car il est désormais avéré que l’attaque a bien été préparée par l’Azerbaïdjan avec l’aide de la Turquie et son envoi de terroristes islamiques sur le front azéri avant le début des combats. Double injustice pour la petite partie arménienne, peuplée de seulement 3 millions d’habitants en Arménie et de 150.000 habitants dans le Haut-Karabakh, face aux Azéris et aux Turcs dont la supériorité numérique est notoire (10 millions d’habitants pour les premiers et 85 millions pour les seconds) et dont les investissements en matériels militaires sont très élevés, des Arméniens qui se défendent seuls tout en subissant les insinuations d’avoir peut-être initié les combats dont ils paient le prix fort en pertes humaines et à propos desquels ils demandent le cessez-le-feu et le retour aux négociations.3/ Un “Etat azerbaidjanais qui veut récupérer ses territoires occupés”. Cette autre formulation répétée en boucle dans de nombreux médias participe d’une propagande qui néglige insidieusement que ce territoire historique arménien a juste été donné par Staline à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan en juillet 1921 dans le cadre d’accords visant à satisfaire les Turcs entourant la République d’Arménie. Or les églises arméniennes de la région datent de plus de mille ans et attestent d’une terre arménienne bien avant l’avènement de la République soviétique d’Azerbaïdjan puis de la République d’Azerbaïdjan en 1991. Le retour à “l’intégrité territoriale” à laquelle les dirigeants Azéris font allusion pour justifier cette guerre ne date que de cent ans alors que les Arméniens du Haut-Karabakh ont vécu chez eux sans discontinuer depuis de nombreux siècles et ont plusieurs fois été autonomes –autonomie même confirmée en 1923 (Oblast autonome du Haut-Karabakh). Ces simples faits invitent à faire prévaloir le “droit à l’autodétermination” sur une “intégrité territoriale” sans grands fondements historiques. Évoquer cette dernière comme légitime puisque l’ONU a reconnu le territoire total de la République soviétique d’Azerbaïdjan suite à son indépendance, c’est poser le curseur de l’Histoire dans une époque tardive et prolonger l’injustice qui commença avec la division de l’Arménie et l’intégration d’une de ses parties à l’Azerbaïdjan, ce qui affaiblit de facto la petite République d’Arménie dont les ancêtres avaient pourtant tant souffert.4/ “Des séparatistes soutenus par l’Arménie”. Au vu de ce qui précède, l’usage de cette expression à propos des Arméniens du Haut-Karabakh est clairement inappropriée car elle soutient une représentation tronquée de l’Histoire. D’autres formulations médiatiques du même registre –comme “Le Haut-Karabakhplacéen étau entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan” ou “Les deux pays convoitent ce territoire” –sont également coupables d’une incroyable simplification de la réalité en plaçant dans le même sac l’Arménie qui défend ses compatriotes au Haut-Karabakh et l’Azerbaïdjan qui voudrait “récupérer ses territoires”. Résidant sur leur terre ancestrale et déjà objets de nombreux massacres y compris de la part des Azéris, les Arméniens qui réclament la reconnaissance de leur petite “République Autonomie de l’Artsakh” (Haut-Karabakh en Arménien) ne sont pas des “séparatistes”, ni ne sont coincés entre deux forces antagonistes : soutenus par leurs compatriotes en Arménie, ils sont chez eux et veulent y rester et y vivre dans leurs termes culturels et religieux.


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès