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microf 9 février 2021 12:47

Suite 5 : La Foi et la Raison Jean-Paul II

Chapitre V - Les interventions du Magistère dans le domaine philosophiqueLe discernement du Magistère comme diaconie de la vérité

Tout d’abord, le pape tord le cou à une idée reçue : citant l’encyclique de son prédécesseur Pie XII Humani generis, il dit « L’Église ne propose pas sa propre philosophie ni ne canonise une quelconque philosophie particulière au détriment des autres. ». Puis, justifie cette position « La raison profonde de cette réserve réside dans le fait que la philosophie, même quand elle entre en relation avec la théologie, doit procéder selon ses méthodes et ses règles ; autrement, il n’y aurait pas de garantie qu’elle reste tournée vers la vérité et qu’elle y tende grâce à une démarche rationnellement vérifiable. ». Ensuite, il ajoute « l’histoire a fait apparaître les déviations et les erreurs dans lesquelles la pensée philosophique, surtout la pensée moderne, est fréquemment tombée ». Précisant à nouveau « Ce n’est ni la tâche ni la compétence du Magistère d’intervenir pour combler les lacunes d’un discours philosophique déficient. Il est de son devoir au contraire de réagir de manière claire et forte lorsque des thèses philosophiques discutables menacent la juste compréhension du donné révélé et quand on diffuse des théories fausses et partisanes qui répandent de graves erreurs, troublant la simplicité et la pureté de la foi du peuple de Dieu. ».

S’inspirant des deux conciles du Vatican, le pape estime que « Le Magistère ecclésiastique peut donc et doit exercer avec autorité, à la lumière de la foi, son propre discernement critique sur les philosophies et sur les affirmations qui sont en opposition avec la doctrine chrétienne. ». Plus loin, il dit « Ce discernement ne doit donc pas être entendu premièrement dans un sens négatif, comme si l’intention du Magistère était d’éliminer ou de réduire toute médiation possible. Au contraire, ses interventions sont destinées en premier lieu à stimuler, à promouvoir et à encourager la pensée philosophique. D’autre part, les philosophes sont les premiers à comprendre l’exigence de l’autocritique et de la correction d’éventuelles erreurs, ainsi que la nécessité de dépasser les limites trop étroites dans lesquelles leur réflexion s’est forgée. De manière particulière, il faut considérer que la vérité est une, bien que ses expressions portent l’empreinte de l’histoire et, plus encore, qu’elles soient l’œuvre d’une raison humaine blessée et affaiblie par le péché. De là, il résulte qu’aucune forme historique de la philosophie ne peut légitimement prétendre embrasser la totalité de la vérité, ni être l’explication plénière de l’être humain, du monde et du rapport de l’homme avec Dieu. » puis « Et aujourd’hui, à cause de la multiplication des systèmes, des méthodes, des concepts et des argumentations philosophiques souvent extrêmement détaillées, un discernement critique à la lumière de la foi s’impose avec une plus grande urgence. Ce discernement n’est pas aisé, car, s’il est déjà difficile de reconnaître les capacités natives et inaliénables de la raison, avec ses limites constitutives et historiques, il est parfois encore plus problématique de discerner ce que les propositions philosophiques particulières offrent de valable et de fécond, du point de vue de la foi, et ce que, à l’inverse, elles présentent de dangereux et d’erroné. L’Église sait de toute façon que les « trésors de la sagesse et de la connaissance » sont cachés dans le Christ (Col 2, 3) ; c’est pourquoi elle intervient en stimulant la réflexion philosophique, afin que ne se ferme pas la voie qui conduit à la reconnaissance du mystère. »

De plus « Ce n’est pas seulement un fait récent que le Magistère intervienne pour exprimer sa pensée en ce qui concerne des doctrines philosophiques déterminées. A titre d’exemple, il suffit de rappeler, au cours des siècles, les déclarations à propos des théories qui soutenaient la préexistence des âmes, ou encore à propos des diverses formes d’idolâtrie et d’ésotérisme superstitieux, contenues dans des thèses d’astrologie, sans oublier les textes plus systématiques contre certaines thèses de l’averroïsme latin, incompatibles avec la foi chrétienne. » « Si la parole du Magistère s’est fait entendre plus souvent à partir du milieu du siècle dernier, c’est parce que, au cours de cette période, de nombreux catholiques se sont reconnu le devoir d’opposer leur propre philosophie aux courants variés de la pensée moderne. À ce point, il devenait nécessaire pour le Magistère de l’Église de veiller à ce que ces philosophies ne dévient pas, à leur tour, dans des formes erronées et négatives. Furent ainsi censurées parallèlement : d’une part, le fidéisme et le traditionalisme radical, pour leur défiance à l’égard des capacités naturelles de la raison ; d’autre part, le rationalisme et l’ontologisme, car ils attribuaient à la raison naturelle ce qui est connaissable uniquement à la lumière de la foi. Le contenu positif de ce débat fit l’objet d’un exposé organique dans la Constitution dogmatique Dei Filius, par laquelle, pour la première fois, un Concile œcuménique, Vatican I, intervenait solennellement sur les relations entre la raison et la foi. L’enseignement de ce texte donna une impulsion forte et positive à la recherche philosophique de nombreux croyants et il constitue encore aujourd’hui une référence et une norme pour une réflexion chrétienne correcte et cohérente dans ce domaine particulier. »

« Les déclarations du Magistère, plus que de thèses philosophiques particulières, se sont préoccupées de la nécessité de la connaissance rationnelle et donc en dernier ressort de l’approche philosophique pour l’intelligence de la foi. » « Contre toute forme de rationalisme, il fallait donc affirmer la distinction entre les mystères de la foi et les découvertes philosophiques, ainsi que la transcendance et l’antériorité des premiers par rapport aux secondes ; d’autre part, contre les tentations fidéistes, il était nécessaire que soit réaffirmée l’unité de la vérité et donc aussi la contribution positive que la connaissance rationnelle peut et doit apporter à la connaissance de foi : « Mais, bien que la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais y avoir de vrai désaccord entre la foi et la raison, étant donné que c’est le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, et qui fait descendre dans l’esprit humain la lumière de la raison : Dieu ne pourrait se nier lui-même ni le vrai contredire jamais le vrai ». » dit le Concile Vatican I.

« Dans notre siècle aussi, le Magistère est revenu à plusieurs reprises sur ce sujet, mettant en garde contre la tentation rationaliste. C’est sur cet arrière-fond que l’on doit situer les interventions du pape saint Pie X, qui mit en relief le fait que, à la base du modernisme, il y avait des assertions philosophiques d’orientation phénoméniste, agnostique et immanentiste. On ne peut pas oublier non plus l’importance qu’eut le refus catholique de la philosophie marxiste et du communisme athée. Le pape Pie XII à son tour fit entendre sa voix quand, dans l’encyclique Humani generis, il mit en garde contre des interprétations erronées, liées aux thèses de l’évolutionnisme, de l’existentialisme et de l’historicisme. Il précisait que ces thèses n’avaient pas été élaborées et n’étaient pas proposées par des théologiens, et qu’elles avaient leur origine « en dehors du bercail du Christ » ; il ajoutait aussi que de telles déviations n’étaient pas simplement à rejeter, mais étaient à examiner de manière critique : « Les théologiens et les philosophes catholiques, qui ont la lourde charge de défendre la vérité humaine et divine, et de la faire pénétrer dans les esprits humains, ne peuvent ni ignorer ni négliger ces systèmes qui s’écartent plus ou moins de la voie droite. Bien plus, ils doivent bien les connaître, d’abord parce que les maux ne se soignent bien que s’ils sont préalablement bien connus, ensuite parce qu’il se cache parfois dans des affirmations fausses elles-mêmes un élément de vérité, enfin parce que ces mêmes affirmations invitent l’esprit à scruter et à considérer plus soigneusement certaines vérités philosophiques et théologiques ».


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