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velosolex velosolex 12 mai 2022 17:04

Le puzzle a pris forme graduellement. Le militarisme d’opérette de la Russie s’est amplifié grâce à la propagande et aux innombrables « experts » venus clamer sur les plateaux de télé que nous sommes les plus forts, que personne ne peut nous donner des ordres, et qu’en cas de besoin, nos missiles, qui ont déjà fait plusieurs fois le tour de la Terre, anéantiront n’importe quel ennemi. C’était absolument ridicule mais les discours de Poutine se sont imprégnés de la rhétorique des « clowns du Kremlin », à commencer par Jirinovski.

Lors de son allocution annuelle à la nation, le président russe a parlé avec une certaine réticence du développement économique du pays, comme s’il ne s’agissait que de comptabilité, mais ses yeux se sont illuminés lorsqu’il a été question de nouvelles armes inédites. Poutine a fini par croire à sa propre propagande et une partie de l’électorat partage son élan belliciste. « Nous pouvons recommencer »  : voilà le slogan de la Russie de Poutine. C’est-à-dire recommencer le succès la Seconde Guerre mondiale et vaincre le nazisme. Ils ont donc recommencé. Au départ, Poutine voulait uniquement rester au pouvoir, car il n’avait décidément pas de successeur : ils sont tous en prison, ou en exil. Il s’est donc entouré de minables soigneusement choisis pour ne pas lui faire de l’ombre. A deux ans des prochaines élections présidentielles, après le coronavirus et la dépression économique qui s’en est suivie, il ne lui reste qu’un moyen de rester au pouvoir : réitérer la grande victoire de la Seconde Guerre Mondiale. Pour la date symbolique du 9-Mai, l’image de la victoire à elle seule ne suffit plus. C’est pour cela qu’il a décidé de ce bain de sang. J’écrirais bien qu’il a suivi le parcours de Yukio Mishima, mais ce serait offenser ceux qui aiment l’écrivain.

Poutine et ses sbires ont organisé et reproduit, comme ils le pouvaient, et sans raison aucune, l’immense tragédie vécue par l’Europe en 1945. D’une part, cette guerre est la première au monde à avoir été inventée de toutes pièces par la télévision (en 1991, le philosophe Jean Baudrillard pensait seulement que la guerre du Golfe n’avait principalement eu lieu que sur les chaînes de télé ; la façon dont nous envisageons le rôle des médias a énormément progressé depuis). D’autre part, il semble que nous assistions aujourd’hui à la véritable désintégration de l’Union soviétique, car la Russie, héritière de cet empire, n’a aucune chance de sortir indemne de la crise.

La Russie d’avant la guerre, imprégnée de mythes archaïques, n’est plus. On ne s’étonnera pas qu’une grande partie du pays se montre indifférente aux crimes commis par l’armée russe. Le problème, ce n’est pas que le journalisme a été étouffé dans ce pays, et que l’accès aux réseaux a été bloqué. Le problème, c’est que si les gens arrêtent de croire que la « propagande a globalement raison » (même si les Russes savent très bien qu’elle a pour habitude de mentir), alors la Russie, en tant que gardien victorieux des « valeurs traditionnelles », cessera d’exister. Seul un sauvage peut errer dans les ruines d’une kleptocratie militarisée, une mallette nucléaire à la main. Mais alors, qui sommes-nous ? Qu’est devenu notre pays ? Et comment avons-nous pu permettre tout cela ? Répondre à ces questions est effrayant. Les Russes s’accrocheront jusqu’au bout à leurs mythes. En attendant, ils organisent leur défilé militaire, comme ils prendraient une dose de morphine.

Traduit par Miriam Di Bello pour www.fastforword.fr


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