Cette incompatibilité entre kantisme et christianisme me semble reposer surtout sur la vision que Kant a de la pensée humaine. En résumant très rapidement, pour Kant la pensée ne repose pas sur une essence (ou une âme), mais n’est que la résultante globale de l’activité de schémas perceptifs et cognitifs préexistants. Ces schémas sont au fond liés essentiellement à notre nature organique (neurologique pour prendre des termes modernes).
Kant est très clair sur ce point :
« Ce serait une grosse pierre d’achoppement pour toute notre critique, et même la seule qu’elle eût à redouter, s’il y avait une possibilité de prouver a priori que tous les êtres pensants sont en soi des substances simples [unitaires], qu’à ce titre (...) ils comportent inséparablement la personnalité et qu’ils ont conscience de leur existence séparée de toute matière. » (Critique de la raison pure, Ed. Gallimard, Folio-Essais, 1980, p. 360)
Autrement dit, il refuse que la conscience puisse se concevoir séparément de la détermination matérielle, et en tant qu’essence. On est donc clairement dans un matérialisme qui ne veut pas dire son nom, ce qui est évidemment incompatible avec le christianisme.