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Pierre-Marie Baty 25 août 2022 11:41

@Gollum
Intéressante référence, je ne connaissais pas Lupasco. Sa logique trivalente m’intrigue. J’aime assez sa proposition de table de valeur, actualisation/potentialisation et son idée de tiers inclus. Pour ma part, j’en étais à quelque chose de légèrement différent, à quatre états, mais je n’ai pas été aussi loin que lui dans la formalisation du concept, et le sien a l’avantage de rendre compte de la notion de potentialisation. Elle me semble parfaitement superposable avec la vacuité au sens bouddhiste, qu’en pensez-vous ?

En revanche je n’irais pas aussi vite à conclure que « notre esprit actuel était sous forme potentielle avant » ; la phrase est nominalement correcte, mais son interprétation est assez casse-gueule, car l’actualisation de cette potentialité sous cette forme n’est pas un déterminisme, la potentialité si je la comprends correctement est plutôt un réservoir d’énergie, qui pourra s’actualiser tantôt sous cette forme-ci, tantôt sous cette forme-là.

Si on considère, et on est en droit de le faire, rejoignant là les spiritualités orientales au passage, que tout ce qui est est l’actualisation d’une potentialité préexistante, alors on atteint instantanément l’explosion combinatoire des possibilités explicatives, et on ne peut la surmonter qu’en amalgamant ces potentiels dans une seule unité transcendantale capable de les exprimer toutes (et peut-être qu’on décrit ainsi le Brahman).

Dans cet état potentialisable, tout est vrai et faux à la fois (citation du Bouddha). Mais n’est-il pas permis d’imaginer en face de celui-ci un état complémentaire où tout ne soit ni vrai ni faux (autrement dit : que la propriété décrite ne soit pas une potentialité du concept dont on parle), qui transcenderait celui-là ? Il existe des idées (puisque nous avons la capacité de les formuler) qui ne sont pas « actualisables » dans cette logique trivalente, quelque quantité d’énergie qu’on y mobilise : « un vent bleu », « une couleur minuscule », « une taille sourde », « une audition muette ». Ad libitum... Notez que je ne prétends absolument pas que ce nouveau système soit complet et suffisant pour décrire le réel, mais tout juste peut-être un peu moins insuffisant que l’autre.

Si on veut décrire un système, il faut le faire à l’aide d’un outil capable de rendre compte de sa totalité. Et donc il est nécessaire de rendre compte de tout ce que n’importe quel élément appartenant à ce système soit capable d’exprimer, absurdités apparentes comprises.

L’explication quantique est certainement séduisante, et je n’ai certainement pas la prétention d’en savoir plus sur la question que les brillants auteurs qui l’ont adoptée, mais jusqu’ici elle me semble avoir deux défauts rédhibitoires : elle contrevient au rasoir d’Ockham (le matérialisme a montré ses limites dans certains domaines, mais dans d’autres celles-ci n’ont pas encore été atteintes et cet outil, bien maîtrisé, reste d’une efficacité objective incomparable), et parce que la théorie quantique appartient au système qu’elle entend étudier (Lupasco dirait peut-être : a été actualisée en son sein), étant soumises aux mêmes limites (incomplétude de Gödel), rien ne me garantit qu’elle sera plus féconde que l’outil auquel nous sommes habitués tant qu’il peut encore servir de façon efficace. En l’état elle ressemble davantage à une énième martingale (et le fait qu’elle ait engendré un délire équivalent à ceux dont le XIXe siècle nous a gratifiés ne plaide pas en sa faveur).

Cela dit, je ne suis fermé à aucune explication. Peu importe que le chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape les souris : reste à voir quelles souris est capable de nous ramener ce chat-là.


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