Très bon commentaire CKL, merci. C’est vrai que les labels indépendants souffrent particulièrement de la crise. Et qu’ils ont besoin d’aide.
J’ai eu l’occasion de rencontrer les gens d’Overcome il y a deux ans, c’était des battants, qui avaient réussi à reconstituer tout un réseau de distribution pour les musiques extrêmes, relancé leur vente par correspondance, et qui avaient alors des projets très intéressants dans le numérique.
Je regrette autant que vous qu’ils aient mis la clé sous la porte. D’ailleurs à l’époque, ils n’ont bénéficié d’aucune aide des pouvoirs publics pour franchir le cap du numérique.
Malgré tous leurs efforts pour redorer le blason de ces musiques, et les faire valoir comme une culture populaire à part entière, le ministre de la Culture d’alors (RDDV) n’a pas jugé utile de lever le petit doigt pour eux.
Il y avait alors des dossiers bien plus urgent pour monsieur RDDV, comme le vote de la loi DADVSI.
Par contre, on voudrait accorder des crédits d’impôts aux filiales de majors. Et aus indés aussi, bien sûr, mais ce genre de dispositif d’aide ne bénéficie qu’à ceux qui font des bénéfices et paient des impôts sur ces bénéfices. Et il y a peu de labels indés dans ce cas, malheureusement.
Au delà de la gène que j’éprouve à l’idée que les pouvoirs publics soutiennent financièrement, et sans qu’aucune contrepartie ne soit discutée a priori, des filiales de multinationales dont les actionnaires n’hésiteront pas à fermer leurs bureaux en France du jour au lendemain si leurs dividendes l’exigent, au delà du fait que ces filiales françaises de majors sont elles aussi des petites PME dont la disparition serait dommageable pour la production française, je me pose sérieusement la question de la pertinence de cette politique de soutien.
Je ne défends pas le comportement boulimique de ceux qui « téléchargent à gogo » sans jamais rien payer. Je considère justement dans cet article que c’était un erreur de ne pas essayer de faire payer les utilisateurs de Napster à l’époque.
Maintenant, que les nouvelles générations n’aient plus le même rapport au support physique, c’est une autre affaire. En même temps, elles ont un rapport beaucoup charnel avec les artistes, qu’elles vont voir de plus en plus sur scène. Et s’interroger sur les moyens de soutenir et d’accompagner cette propension à se tourner vers le spectacle vivant ne serait pas idiot.
Vous évoquez la situation des labels indés (qui n’ont quasiment plus de distributeurs aujourd’hui, en dehors des agrégateurs numériques), mais qu’en est-il de celle des petites salles de concert ? Elle n’est pas bien meilleure, et c’est tout aussi dommageable, y compris pour les artistes et pour les labels, qui ont tout intérêt à se diversifier dans le développement de leurs artistes sur scène et à en tirer des revenus.
Ce serait un tort, par ailleurs, de ne pas chercher à mettre à profit - voire même capitaliser sur - la propension des nouvelles générations à échanger, partager, prescrire la musique autour d’elles et à créer du lien social et des communautés à travers elle, pratiques qui ont toujours existé d’une certaine manière (combien de LP des copains ai-je copié sur des K7 à l’époque...) mais qui prennent aujourd’hui une nouvelle dimension avec Internet.
Dans le budget de plusieurs dizaines d’euros que je consacre à la musique chaque mois, je préfèrerais que les 10 euros d’abonnement que je verse ponctuellement à Rapidshare ou à d’autres hébergeurs aillent dans les caisses d’une société RapidMusicShare ayant pignon sur rue et qui reverserait une partie conséquente de ses revenus aux ayant droit.
Les nouvelles pratiques d’échange qui se développent via Blogspot et des services d’hébergement comme Rapidshare portent dans leur grande majorité sur du back catalogue et même sur du très vieux fond de catalogue auquel elles redonnent une seconde vie.
C’est d’autant plus encourageant que, comme l’a constaté le sociologue de la musique et auteur-compositeur François Ribac dans une étude récente, il n’y a plus aujourd’hui de fossé générationnel en matière de musique. Les jeunes d’aujourd’hui peuvent autant apprécier Hendrix, Led Zep et les Beatles qu’Eminem ou 50 Cent.
Mon fils de 11 ans, qui écoute beaucoup de rap, se trémousse aussi sur Aerosmith ou Wishbone Ash lorsque j’en écoute. Et ma fille de 18 ans apprécie autant les Rolling Stones que Nickelback ou Nine Inch Nail. Les parents ne considère plus (ou de moins en moins) que la musique des jeunes est de la merde et vice versa.
Non contente de créer du lien social, la musique crée donc aussi du lien intergénérationnel. Ce n’est pas une vue de l’esprit, ce sont des sociologues qui le constatent. Si ce n’est pas de la culture, si ça ne constitue pas une transmission d’un patrimoine, alors c’est que je ne comprends rien.
Réfléchissons simplement au moyen de valoriser tout ce patrimoine de la musique enregistrée, de monétiser cette transmission de patrimoine, sans chercher à se gaver dessus en imposant un copyright trop restrictif.
L’idée qu’un ado puisse télécharger des dizaines d’albums des années 60, 70 ou 80 dont la production a déjà été largement amortie contre un forfait de 10 € par mois ne me choquerait pas. Rappelez-vous ce qu’étaient les clubs de vente par correspondance des majors, qui bradaient des albums de back catalogue sortis il y a tout juste 18 mois pour quelques malheureux francs prélevés tous les mois.
Dans les faits, ces jeunes férus de musique paient des abonnements à Rapidshare. Ca ne changerait rien pour eux de les payer à RapidMusicShare, et ce serait une nouvelle manne financière pour les labels, y compris les labels indépendants, puisque quantité d’albums indés des années 80 (des Hot Pants, des Sherifs, des Batmen, d’OTH...) s’échangent sur les blogs et dans les forums aujourd’hui.
Dans cette affaire, soyons pro-actifs et non pas réactionnaire.
En parallèle, il faut bien sûr se poser la question de la politique culturelle à mener et du soutien à apporter à l’industrie du phonogramme, qu’elle soit indépendante ou non. A mon sens, la définition de cette politique repose d’abord sur la négociation.
D’accord, par exemple, pour étendre les droits voisins sur les enregistrements à 75 ou même à 95 ans (contre 50 aujourd’hui), comme le réclame l’industrie phonographique, à condition d’autoriser les échanges que j’évoquais plus haut, dans un cadre légal bien sûr, en les monétisant de manière raisonnable sur le modèle de l’abonnement. Ce serait faire du donnant-donnant. Et c’est je pense ce qu’il faut faire.
En ce qui concerne le soutien à la production indépendante, je crois salutaire également d’encourager des initiatives comme le MILA à Paris, dans le 18ième - mise à disposition de locaux à loyers modérés par les HLM de Paris à des petites pépinières d’entreprises culturelles, en favorisant le partage de ressources (salles de réunion, équipements divers) et de compétences, avec un minimum de soutien financier et logistique des collectivités locales. C’est une initiative qui est en train d’essaimer et c’est heureux.
Il me paraît également indispensable de soutenir toutes sortes d’initiatives innovantes en matière de distribution indépendante. Je ne parle pas de distribution numérique mais de distribution physique, puisqu’on ne peut pas vraiment compter dans ce domaine sur les surfacers spécialisées ou sur les supermarchés, qui se désengagent du disque.
On pourrait réfléchir au développement de la vente itinérante sur les marchés, par exemple, à la reconstitution d’un tissus de disquaires de proximité sur la base de nouveaux concepts de magasins (des lieux ou l’on séjourne, se sustente, écoute de la musique, navigue sur le net, joue en réseau, échange, se rencontre, etc.). Je ne suis pas détenters de toutes les idées qui peuvent survenir dans ce domaine.
Des fonds ont été débloqué par l’Etat pour financer ce genre d’initiatives. Encore faudrait-il qu’ils ne soient pas toujours raflés par les mêmes cercles parisiens et que l’Etat soit moins mauvais payeur.
Je suis de ceux qui sont convaincus de la nécessité de lancer un véritable plan Marshall pour la musique. Il y va de l’avenir de notre politique d’exception culturelle en la matière. Ce n’était pas un enjeu de l’élection présidentielle. La culture dans son ensemble n’était pas un enjeu de cette élection. Et c’est bien dommage.
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