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Brieuc Le Fèvre brieuclef 8 février 2008 19:27

Bonjour,

En ce qui me concerne, j’ai travaillé deux ans au plus haut niveau avec des spécialistes du climat (à l’Université du Québec à Montréal, centre de recherche GEOTOP : http://www.geotop.uqam.ca). Les discussions là-bas ne sont absolument pas de savoir si le climat se réchauffe ou pas, si c’est de la faute de l’homme ou pas, mais bien de combien ça va se réchauffer... Et ce n’est pas pour la gloire !

Bien sûr, il y a toujours le risque d’une erreur collective (voir l’opposition farouche des médecins anglais à la théorie de Harvey sur la circulation sanguine, voir l’opposition des géologues à la théorie de la dérive des continents, etc). Cependant, des données restent indubitables, car ce sont des mesures, pas des interprétations :

*le température globale et le niveau des mers montent

*le taux de CO2 atmosphérique (et d’autres gaz à effet de serre) augmente

*la surface de glace à la surface de la Terre diminue (glaciers, inlandsis, banquise)

*les climats arctiques se réchauffent plus vite que le reste de la planète

*les zones de végétations migrent vers le nord (traçage des populations de pollen)

*les "événements climatiques extrêmes" se multiplient, entre autres les ouragans (si je me souviens bien des chiffres, il n’y avait jamais eu d’ouragan de catégorie 5 avant les années 80, et la fréquence des ouragans de catégorie 4 et 5 augmente, à tel point qu’ils représentent désormais la majorité des ouragans observés, tandis qu’avant 1980, les plus violents étaient uniquement de catégorie 4, et épisodiques).

*plus d’autres indicateurs que j’oublie volontairement.

Enfin, un point crucial pour parler correctement de tout ceci : le temps. En effet, les extrema climatiques ont toujours existé ("petit âge glaciaire" sous Lous XIII, "optimum climatique" peu avant, etc). Mais ces changements étaient plutôt lents, et s’installaient par petites touches sur un siècle ou deux. Ce que nous observons aujourd’hui se joue sur une décennie. Je vous laisse apprécier la différence : dix fois plus vite que jamais auparavant.

Le changement climatique EST une réalité. D’ailleurs, chacun de nous, pour peu qu’il soit un minimum observateur, peut le constater autour de lui. Printemps précoces et hivers doux en moyenne, entrecoupés de semaines "extrêmes", en froid ou en chaud, dispersées au petit bonheur la chance sur toute l’année. Les jardiniers vous diront avoir observé plantes et insectes autrefois (c’est-à-dire il y a dix ans) inconnus dans leur plantations. Les quadragénaires qui ont vécu dans certaines régions particulières se souviendront sans doute que, dans leur enfance, la neige était annuelle (Cévennes, par exemple), tandis qu’aujourd’hui, c’est rare, une année de temps en temps, et pas très abondant. Les exemples ne manquent pas.

Après, la question de savoir si c’est de la faute de l’activité humaine, pour moi c’est oui, parce que j’ai une culture scientifique dans ce domaine qui me pousse à penser ainsi. Peut-être suis-je sous influence, je l’admets. Dans tous les cas, les limites de la planète à bien des égards sont atteintes et doivent nous pousser à changer de comportement, quoi qu’il en soit au niveau climat.

Enfin, il reste la question de l’évolution du climat, dans les conditions nouvelles observées (diminution des glaces de surface, fonte du permafrost, augmentation de la température de surface des océans, augmentation des teneurs en gaz à effet de serre, etc). Ce dernier point est encore plus hypothétique, car il fait appel à des modèles mathématiques très complexes, dont tous les paramètres ne sont pas connus ou maîtrisés. Entre autres, le comportement de la circulation pan-océanique (un courant d’échelle planétaire qui distribue l’eau des océans tout autour du globe, et dont le Gulf Stream est une composante majeure) n’est pas connu avec certitude.

Ce qui est certain, c’est que tous les scientifiques qui étudient le climat sont certains qu’il se réchauffe. La statistique est éloquente : sur près de 1000 articles scientifiques publiés dans les revues spécialisées, quel que soit le domaine précis concerné (palynologie, glaciologie, atmosphère, océanologie, etc), pas UN seul ne remet en cause le réchauffement. Rarement consensus plus parfait n’a été vu en science. Par contre, sur le même nombre d’articles dans la presse populaire et de vulgarisation, près de la moitié contestent le réchauffement. Où l’information contradictoire a-t-elle été ajoutée, et par qui ? Voilà la vraie question.

Pour connaître le coupable, cherchez à qui profite le crime.

En clair, le débat pro- ou anti-réchauffement n’existe que dans la population générale. Pas chez les scientifiques. Qui a intérêt à ce débat, si ce n’est ceux qui vivent outrancièrement du système actuel ? Quel est le message des détracteurs du réchauffement, tel qu’on le voit dans ce film et dans d’autres ? C’est "Consommez du pétrole, consommez de l’énergie, continuer à vivre votre American way of life sans scupule, car tout baigne". Je sens le message intéressé. Par contre, quel intérêt ont les tenants du réchauffement à convaincre les populations de sa réalité ? Aucun, car la plupart sont des scientifiques inconnus, qui ne seront jamais lus que par quelques confrères. Et eux aussi subiront les effets du changement de mode de vie qui se présentent à l’horizon. En ne disant rien, ils auraient tout aussi bien pu finir leurs jours peinards, avant que ça ne devienne trop visible.


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