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Brieuc Le Fèvre Brieuc Le Fèvre 18 mars 2008 21:14

La crise financière était prévisible, car sans rien changer aux comportements des banquiers faux-monnayeurs, sans frein à la cupidité, le chaos finit par s’installer. Reste à savoir si, pour être prévisible, elle est évitable...

Je ne le crois pas, car cupidité et courte vision restent les deux mamelles du capitalisme financier.

La monnaie est avant tout un moyen d’échange, et devrait le rester, pour uniquement échanger les richesses réelles (la fonction de réserve de valeur devant être dévolue à un autre support**). Elle ne devrait exister qu’en contrepartie d’une richesse réelle déjà créée, et donc être fabriquée (électroniquement) uniquement en échange d’un travail. Comme toute richesse n’existe que par le travail, il n’y a pas lieu de rémunérer l’argent, puisque seul, il ne produit rien. Le capital financier d’investissement est une stupidité à notre époque où la monnaie est totalement dématérialisée et découplée de toute matière réelle (même si le capitalisme financier a eu son utilité dans le décollement de l’économie technologique).

Un exemple tout simple : tous les pays du monde ont d’énormes besoins en infrastructure, des ressources pour les réaliser, des compétences pour les projeter, et de la main-d’oeuvre pour y travailler. Cependant, partout il manque de l’argent. Pourquoi ? L’argent en tant que chose rare et matérielle est une idée du passé ! L’argent est le SEUL maillon de la chaîne du développement sur lequel nous, les humains, avons un contrôle total ! Conséquence : nous nous heurtons à un mur imaginaire. Dire que la crise financière va détruire l’économie est stupide ! Demain, les usines seront encore là, les ouvriers, cadres, ingénieurs, dirigeants aussi ! Ce qui va être (probablement) détruit, c’est de la fumée, du vent, des symboles monétaires, et même pire : la valeur symbolique des entreprises ! Pas l’économie réelle, celle issue du travail !

Tout ce que cela démontre, c’est la stupidité conceptuelle d’une monnaie issue du passé, et de son rôle, purement conventionnel par ailleurs, sur nos modes de pensée. Ce que j’espère moi, c’est que cette crise soit assez profonde pour nécessiter un nouveau Bretton Woods, à l’issu duquel une conception totalement innovante de la monnaie sera proposée comme base de l’économie, avec de vrais enjeu de développement humain (et pas seulement matériel), et un objectif mondial de croissance zéro (voire décroissance, mais il serait tout aussi stupide de créer un système qui aurait structurellement besoin de la décroissance, qu’il est crétin de continuer à encenscer un système qui a structurellement besoin de la croissance).

Le capitalisme a eu son utilité, mais il ne représente qu’une courte parenthèse dans l’histoire humaine (moins de 300 ans). Il a apporté des bienfaits, permis de développer des techniques, d’explorer le savoir comme jamais auparavant, etc, mais il est sans doute arrivé au bout du rouleau, car la croissance n’est plus tenable pour nous ni pour la planète. Le chemin de l’humanité vers un monde toujours plus conscient de lui même est passé par la case "capitalisme", mais il faut maintenant en sortir. Le capitalisme a été un outil, mais pour affiner la tâche du développement humain, il n’est plus adapté, et il faut changer d’outil. Par analogie, imaginez un arbre, puis toutes les étapes nécessaires à le transformer en une belle chambre à coucher marquetée et sculptée. Croyez-vous possible de réaliser ce travail uniquement avec une tronçonneuse ? Non, car à chaque étape du travail, il est nécessaire de prendre un outil adapté. Notre propre évolution en tant qu’espèce ne déroge pas à la règle, passant de structure sociale en structure sociale, de mode économique en mode économique, depuis des millénaires. Une autre étape peut désormais être franchie. A nous de décider si nous la laissons s’imposer par le délitement violent d’un système moribon, ou si nous basculons volontairement et pacifiquement vers autre chose.

 

**La monnaie actuelle combine deux fonctions très différentes, et qui s’interfèrent mutuellement : moyen d’échange et réserve de valeur. Le moyen d’échange peut (et presque, doit) se dévaloriser pour assurer une circulation rapide, et donc une "irrigation" efficace de l’économie. La réserve de valeur ne doit pas se dévaloriser, car sinon, elle perd, par définition, tout intérêt pour cette fonction ! Ce phénomène de double fonction est parfaitement illustré par ce qu’il est convenu d’appeler "la loi de Gresham", qui dit que si deux monnaies circulent la "mauvaise" (celle qui se dévalorise) chasse la "bonne" (celle qui ne se dévalorise pas). Le jugement de valeur de Gresham est, à mon avis, sans fondement. En effet, son observation ne va pas au fond des choses, et la vérité serait que, lorsque cela est possible à travers un système bi-monétaire, les fonctions "moyen d’échange" et "réserve de valeur" de la monnaie se séparent naturellement, la monnaie la plus stable tendant à disparaître des échanges commerciaux. L’appréciation rapide de l’euro face au dollar pourrait d’ailleurs s’expliquer par un phénomène de Gresham : l’euro ne se dévalorise pas, il a donc une meilleure fonction de réserve de valeur que le dollar, qui lui se dévalorise par la crise de la finance, et reste par ailleurs le moyen d’échange conventionnel au niveau international.

 


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