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alicante 9 juin 2008 15:36

D’abord, je n’ai découvert que vendredi dernier Agoravox, mais je suis déjà sidérée par la teneur de beaucoup d’articles que j’ai lus : la violence et le désarroi augmentent, c’est la faute à Sarkozy et à ses ministres. Quel bon bouc émissaire avez-vous trouvé.

Cet article va globalement dans cette direction et témoigne de l’ignorance habituelle. Considérons que le célèbre devoir de réserve du fonctionnaire d’une part, la stupeur d’autre part, y sont pour beaucoup. 

Cela fait quarante ans que la France fonctionne dans la chienlit, ainsi que l’ont qualifiée De Gaulle, puis Lacan, et sans s’intéresser au reste du monde. Qui résoudrait les nouveaux problèmes engendrés en un an de mandat ? Qui a inventé les peopleries, la calomnie, l’espionnite ? Qui a créé l’économie libérale ? Qui est responsable de la mondialisation ? qui, de l’enseignement débilitant prodigué par l’éducation nationale (cf. l’article de Webgirl sur les IUFM) ?

il n’y a plus de RASED parce que le RASED ne peut plus rien contre le fait que des enfants extrêmement perturbés, parfois psychotiques, donc extrêmement perturbateurse et nécessitant des soins, sont dans ce qu’on appelle des classes banales ou ordinaires. Ce qui est devenu banal dans une classe à l’école primaire, c’est que les enfants enseignent à la maîtresse ce qui lui est interdit, tiennent salon, se tapent dessus, renversent les tables et marchent dessus, traitent la maîtresse de petite pute ou de vieille pute ratée de la vie (ceux-là ne sont pas psychotiques), exigent qu’elle les vouvoie, lui envoient des boulettes, la menacent (mes parents vont venir te péter la gueule). Parmi les loulous dont on m’a déchargée il y a peu sans que je le demande, un seul, originaire du Bangladesh, devait avoir connaissance de la pauvreté et il se tenait bien.

Par ailleurs, même au RASED, peu nombreux sont les intervenants aptes à déceler un épisode psychotique. Quand tel est le cas, ils se heurtent à la méfiance de l’inspection : un instit’, un psychologue scolaire, pour qui ça se prend. Donc, personne ne fait rien pour le loupiot. Il est d’ailleurs amusant que, dans notre société où tout le monde marche sur les pieds de tout le monde, l’enseignant, qui ne vient ni pour faire preuve de sadisme ni pour faire preuve de masochisme, soit devenu l’individu suspect par excellence : il/elle a bien dû faire quelque chose pour qu’il en soit ainsi, quel que soit le cas.

Nous accueillons en classe banale des garçons et des filles qui, en maternelle, ont déjà fracturé le bras d’un petit camarade et qui n’ont aucune raison de se calmer, puisque ni les CMP bondés, ni leurs parents, ne s’y intéressent.

La majorité des enfants est perturbée parce qu’elle ne connaît plus de phase de latence : le sexe et la mort, ces enfants, souvent fort intelligents, se les prennent en pleine figure, ne serait que via la télévision. Ils ne sont plus que le produit plus ou moins bienvenu d’une copulation et ne peuvent savoir ce qu’il en serait du désir maternel prédominant et du désir paternel à leur égard, le père étant le plus souvent éteint ou absent : que vient l’enfant ou ne vient pas l’enfant combler dans cette affaire ? Comment peut-il se repérer dans des traditions familiales contrecarrées par la modernité ? Les enfants grandissaient coupables d’être nés, maintenant il s’agit de les consoler d’être nés et de savoir qui ils aiment le plus. 

Il n’y a plus d’aide aux enseignants parce que les mères de ces petits, dès que leurs petits se plaignent, foncent à l’inspection : la maîtresse ne sert pas la soupe à mon enfant comme il convient. Je viens ainsi d’être villipendée une nopuvelle fois parce que j’ai répondu à une mère que j’interrogeais effectivement peu son fils qui exigeait entre autres que je le suce, et les mères ont toujours raison : j’en ai fait nombre de fois l’expérience comme beaucoup de mes collègues abonnés aux antidépresseurs - très mauvais pour la santé générale et sans effet anxiogène mais avec effet addictif.

Ce que Darcos ne peut réussir d’un coup, c’est ramener les parents à la maison, les centres de loisir dans leur périmètre, les agents de la municipalité à leurs responsabilités et l’éducation nationale à la raison : rappeler que le discours du maître (ou de la maîtresse), avec tous les aménagements du dialogue ou du travail en groupe et tout ce que nous pouvons faire pourqu’un enseignement soit moins fastidieux, tant pour les enfants que pour l’enseignant, c’est quand même celui d’un savoir officiel, universel, objectif. Un enfant est toujours le sujet de ce qu’il a capté de l’histoire de ses parents, de sa mère en particulier, des exils familiaux, de ses tout premiers souvenirs qu’il a besoin, au moins temporairement, de mettre de côté pour que, ce qu’il en serait d’un savoir inné, d’une petite voix dite intérieure, laisse au moins le maximum de place au savoir de l’humanité."E-ducere", ainsi que le rappelle Aldo Naouri dans Eduquer ses enfants, soit extraire l’enfant de son histoire d’origine autant que faire ce peut, c’est bien un enjeu de société.

La pauvreté ? Combien d’entre nous n’ont pas bénéficié d’un accès aussi large à de somptueuses piscines, des clubs sportifs, des conservatoires, les musées bien sûr, et des classes vertes organisées par les enseignants pour des enfants de Seine-Saint-Denis dans des sites magnifiques : tout bien être matériel est désormais accessible et quand un enfant est sous-alimenté ou vit dans un espace sans hygiène, là, le réseau est efficace.Mes anciennes élèves du Neuf Trois bénéficient de voyages, l’an passé en Irlande et cette année à Venise, fréquentent le palais de la Découverte, profitent de labos de langues, écoutent de l’opéra, pratiquent un art martial, bref, sont intéressées à tout et je leur dis que c’est merveilleux, alors qu’il est question de ramener les lycéens absentéistes en classe grâce à des tickets de cinéma - ce qui est un peu poussé. En revanche, la lutte des classes a cédé à la lutte des places et il ne s’agit pas de places de cinéma, mais d’aucuns ne l’ont pas encore compris. Ils en sont encore à des croyances, réactionnaires, en une droite et une gauche. Sarkozy n’a pas inventé le discours capitaliste et, puisque besoin était, la démonstration faite par les esclaves au pouvoir de par le monde ne fut en aucun cas bénéfique, qu’ils s’appellent dans l’histoire contemporaine Adolf Hitler ou Che Guevara. 

Quarante ans de chienlit, c’est assez pour mettre le pays à bas. Le discours prudent de Darcos suscite déjà, et bien souvent chez des enseignants non lecteurs qui écrivent un français bourré d’erreurs, une vive émotion. Tout ce qu’a fait le P.S. à l’éducation nationale allait à contrario du bon sens nécessaire, au profit d’une infantolâtrie terroriste, apte à fabriquer des "grown up" terroristes. Darcos ne le fait pas savoir ainsi : ses interventions sont sobres et discrètes. Mais il intervient, et il ne faut pas intervenir. Darcos, comme Sarkozy en démantibulant les IUFM, interviennent sur des stuctures collectives tantôt nocives, tantôt inopérantes.

 L’enseignement des maths a fait beaucoup de progrès, mais quand un tiers de la classe ne met plus son nom sur une copie et produit au mieux un "li" à la place de "il" et rien de plus sur un questionnaire, oui, il vaut peut-être mieux revenir à l’enseignement du français et obtenir en négociant que l’écrit ne soit pas en jaune vanille, peu lisible. Quelques règles basiques de civilité sont nécessaires ; au Japon, où les codes comportementaux sont très stricts, les journalistes remarquent qu’un fait divers tel que l’assassinat pluriel qui vient d’avoir lieu est rarissime. Je n’encense pas pour autant la société japonaise - si tel était le cas je vivrais au Japon, je relate, c’est tout.

Lacan, qui fut d’abord séduit par le passage à l’acte soixante-huitard au moment même où il tenait son séminaire sur "L’Acte analytique" , comprit vite son erreur : "Vous voulez un maître, vous l’aurez". Notre société ne permet plus à quiconque de se tenir en position maître, sauf sur un plateau télé, tout simplement, et dès lors, son discours est mauvais.La présence de Le Pen au deuxième tour des présidentielles de 2002 ne suffisait pas, sans doute. A force de rejeter et de dénigrer toute tentative gouvernementale d’agir, dans les écoles ou ailleurs, nous nous précipitons dans les bras d’un maître (ou d’une maîtresse) qui n’aura nul besoin de notre opinion, informée ou non, sur quoi que ce soit. Nous pourrons alors revenir à notre bonne vieille culpabilité d’être venus au monde, si nous y sommes encore, parce que nous aurons été très cons. 

 

 


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