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Henri Masson 4 août 2008 07:15

"UTILITÉ ET POSSIBILITÉ D’UNE LANGUE INTERNATIONALE AUXILIAIRE EN MÉDECINE"
Thèse de doctorat en Médecine de Pierre Corret (1908).

Pages 117 à 134 intitulées "L’ESPERANTO"



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L’ESPERANTO

Il ne sera pas déplacé, croyons-nous, de terminer cette étude par un bref exposé de la constitution même de l’Esperanto, et nous ne pouvons mieux faire que de l’emprunter à la plume autorisée de M. Emile Boirac, Recteur de l’Académie de Dijon et Président du Comité Linguistique Espérantiste (1), qui a bien voulu nous y autoriser et que nous sommes heureux de remercier ici.

Beaucoup de gens, dit-il, s’imaginent que les partisans d’une langue internationale se proposent de substituer une langue unique et universelle à tous les idiomes actuellement parlés par l’humanité, et ils crient à l’absurdité et à l’utopie. Cette chimère n’a jamais existé que dans leurs cerveaux, et ce n’est nullement de cela qu’il s’agit. Démontrer qu’il est impossible et qu’il serait fâcheux de détruire la diversité des langues naturelles pour y substituer l’unité d’une langue artificielle, c’est proprement enfoncer une porte ouverte ou se battre contre des moulins à vent.
L’Esperanto, en effet, ne se présente pas au monde avec le rôle d’organe universel, appelé à

(1) Emile Boirac : Qu’est-ce que l’Esperanto ?



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détrôner nos idiomes maternels : il vise uniquement les gens qui ont des relations internationales ou désirent en avoir. Son but est de permettre à tout intéressé, possédant une teinture de grammaire, d’arriver à communiquer sans peine, par l’écriture ou la parole, avec des étrangers dont il ignore la langue et qui ne savent pas la sienne. C’est pourquoi il se propose à nous non comme langue universelle, mais comme langue internationale auxiliaire. Supposez que dans tous les pays civilisés tous les hommes un peu instruits soient capables de s’en servir, les Français n’en continueront pas moins il parler français, les Anglais à parler anglais, les Russes à parler russe, etc. ; seulement chacun de nous pourra correspondre ou converser avec des Anglais, des Russes, des Allemands, des Espagnols, des Italiens, etc., sans être obligé d’apprendre leurs différentes langues, et vice versa.
En fait, c’est là le service que l’Esperanto rend déjà à tous ceux qui le possèdent. Si je puis citer mon expérience personnelle, je suis, grâce à lui, en correspondance avec une foule de gens, Russes, Tchèques, Bulgares, Suédois, Islandais, etc., dont les langues me sont tout à fait inconnues et qui ne connaissent pas davantage la mienne, non des lettrés ou des savants de profession, mais quelques uns au moins appartenant aux classes sociales les plus humbles.
D’ores et déjà donc, pour un certain nombre de personnes (qu’on évalue à 80.000 (1), mais le nombre des Espérantistes s’accroît régulièrement tous les jours), l’Esperanto supprime les frontières ; réalisant dans l’ordre intellectuel le miracle déjà réalisé

(1) Evaluation faite en 1904.



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dans l’ordre matériel par le téléphone et le télégraphe sans fil, il met les esprits en communication immédiate d’un bout à l’autre du monde.
Les sceptiques qui déclarent, a priori, qu’un tel miracle est impossible, oublient qu’il n’y a pas d’impossibilité pour le génie. Or, plus on étudie l’Esperanto, plus on se rend compte que l’homme qui l’a créé, le modeste et encore obscur médecin de Varsovie, Louis Zamenhof, est une de ces intelligences géniales dont le souvenir reste attaché dans l’histoire à chacun des pas décisifs de l’humanité dans la voie du progrès (1).
Certes, le problème d’une langue internationale artificielle paraît, au premier abord, extraordinairement difficile, impossible même à résoudre ; et cependant, quand on connaît la solution qu’en donne l’Esperanto, on est presque tenté de croire que rien n’est plus simple et plus facile. C’est l’histoire de l’œuf de Christophe Colomb. Mais prenons-y garde, il n’y a que les hommes de génie qui soient capables de trouver ainsi des solutions que l’on croyait d’abord impossibles et qui paraissent toutes naturelles aussitôt qu’ils les ont découvertes.
Zamenhof est parti de cette idée, qui est en quelque sorte une idée de bon sens, que pour faire une langue artificielle vraiment internationale, il faut autant que possible employer des éléments naturels qui soient déjà par eux-mêmes internationaux. Quiconque appliquera et développera systématiquement ce principe, arrivera à retrouver l’Esperanto ou tout au moins à trouver une langue

(1) Le Dr Zamenhof a été nommé Chevalier de la Légion d’Honneur, en 1905, par le Gouvernement français.



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aussi voisine de l’Esperanto que le portugais peut l’être de l’espagnol. Ce qui revient à dire que l’Esperanto est, pour employer le langage des mathématiciens, la solution unique du problème.
Voici, en effet, comment se trouve construit le dictionnaire de la langue.
Tout d’abord les racines qui expriment des idées et des inventions scientifiques ou techniques sont communes aux langues de tous les peuples civilisés et par conséquent internationales. Telles sont, par exemple, les racines des mots français : mathématique, mécanique, physique, astronomie, géographie, philosophie, etc. ; électricité, photographie, locomotive, etc. ; Europe, Asie, Afrique, Amérique, etc., etc. Dès lors, toutes ces racines appartiennent de droit à l’Esperanto. Les seules modifications qu’il se permette d’y apporter consistent à leur imposer, d’abord une orthographe rigoureusement phonétique (matematik, fizik, astronomi, geografi, filozofi, elektr, fotografi, locomotiv, Europ, Azi, Afrik, Amerik, etc.) ; puis, comme nous l’expliquerons plus tard, les terminaisons adoptées par la langue comme caractéristiques grammaticales (o pour le nom, a pour l’adjectif, etc., donc : filozofio, philosophie ; filozofia, philosophique ; elektro, électricité ; elektra, électrique, etc., etc.).
Ces racines internationales sont beaucoup plus nombreuses qu’on ne pense. Elles ne composent pas seulement la presque totalité du vocabulaire des sciences, des arts, des industries ; elles pénètrent même dans le vocabulaire de la vie courante. Croirait-on, par exemple, que le café, le thé, le sucre, l’anis, etc., se nomment à peu près de même

[Remarque H.M. : il faut lokomotiv et non locomotiv]


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dans toutes les langues, que trottoir, allée, ballon, se disent non seulement en français, mais le premier en allemand, en russe et en polonais (sous les formes trottoir et trotuar), le second et le troisième en allemand, en anglais, en russe et probablement aussi dans d’autres langues européennes, Dès lors, quoi d’étonnant si nous trouvons en Esperanto les mots : kafo, teo, sukero, anizo, trotuaro, aleo, balkono, etc, ?

Cependant, ces racines interrnationales, si nombreuses qu’elles soient, ne suffiraient pas à constituer un dictionnaire complet. Mais à défaut d’une internationalité absolue ou quasi absolue, n’est-il pas logique de se contenter d’une internationalité relative, si celle-ci est la plus grande possible ?

Or, à ne considérer que les langues parlées par les peuples civilisés, les seuls avec lesquels il soit pour le moment possible et intéressant d’entretenir des relations internationales, nous les voyons se ranger en quatre grands groupes :
1° Langues néo-latines, français, italien, espagnol, portugais, roumain, parlées par 160 millions d’individus ;
2° Langue anglaise, parlée par environ 125 millions (Grande-Bretagne et Etats-Unis d’Amérique) ;
3° Langues germaniques, allemand, hollandais, flamand, suédois, danois, etc., parlées par environ 75 millions ;
4° Langues slaves, polonais, russe, bulgare, etc., parlées par environ 90 millions.
Il résulte de cette statistique que les langues dérivées du latin sont parlées par plus d’un tiers (160 millions sur 450) de l’humanité civilisée.




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