Sarah Palin a accordé son premier entretien télévisé à ABCNews - une longue conversation, étalée sur deux jours, très attendue car elle ne s’était pas encore exprimée depuis sa sélection comme colistière de John McCain le 29 août.

Après une première partie consacrée à la politique étrangère jeudi, elle a parlé politique nationale ce vendredi. Elle est apparue nettement plus confortable : elle a manifestement réfléchi à ces questions et parle d’expérience, ce qui n’était visiblement pas le cas lorsqu’il s’agissait de politique internationale. Elle s’est même payé une coquetterie : Barack Obama, dit-elle, va regretter de ne pas avoir choisi Hillary Clinton comme colistière. (sauf que s’il l’avait fait, les républicains auraient vraisemblablement attaqué le ticket “Obama-Billary”, mais c’est une autre histoire…)

Elle a expliqué quelques-uns de ces dossiers locaux en passe de devenir nationaux pour cause de campagne électorale.

Des classiques, déjà : la longue histoire du “pont vers nulle part”, les subsides spécifiques contre lesquels se bat John McCain …. L’Alaska reste champion avec 231 dollars par tête d’habitant, en dépit de la réduction de ces fonds depuis qu’elle est gouverneure. Et oui, elle a approuvé une requête pour l’étude de l’ADN des phoques (McCain se moque régulièrement d’une requête pour l’étude de l’ADN des ours polaires).

Sur le “Troopergate”, c’est-à-dire le renvoi du responsable de la sécurité qui avait refusé de renvoyer l’ex beau-frère de la gouverneure, elle dit qu’elle n’a “rien à cacher”. On en aura sans doute bientôt la confirmation ; treize ordres de comparution pour témoigner devant la commission d’enquête ont été lancés. Todd Palin, le “First Dude”, est parmi les personnes convoquées. Certains journalistes d’investigation nostalgiques de l’ère Clinton semblent penser que ce dossier fera de l’Alaska un “Arkansas on skates” (l’Arkansas sur glace). Rien n’est moins sûr… sauf à ce qu’un abus de pouvoir flagrant soit démontré, le public américain a saturé depuis longtemps sur les affaires de famille de ses élus.

Enfin, sur les questions de société, les Américains connaissent déjà son point de vue : opposée à l’avortement (seule exception : pour sauver la vie de la mère. Pas en cas de viol ou d’inceste, deux crimes particulièrement fréquents en Alaska) ; favorable au droit absolu à porter des armes (y compris des armes de guerre)….

Et l’économie, sujet numéro principal des préoccupations des Américains ? Il est temps que le gouvernement cesse d’être un obstacle même s’il a un rôle à jouer, dit-elle. Les différences de politique avec l’administration Bush ? Elle propose de réduire l’impôt, contrôler les dépenses et de faire des économies dans les dépenses discrétionnaires - sauf les programmes concernant les vétérans. Au passage, elle rattrape son erreur sur Freddie Mac et Fanny Mae, les institutions qui assurent l’accès au crédit immobilier pour les moins favorisés.

Au terme de cet entretien, elle n’aura sans doute pas fait changer d’avis ceux qui déjà l’adorent, ou ceux qui la jugent trop incompétente pour être à “un battement de coeur” de la présidence. Elle aura au moins été elle-même - préparée, certes, comme le serait n’importe quel responsable politique, mais pas “scriptée” au point d’avoir l’air d’une étudiante accrochée à des bribes de savoir, incapable de donner contexte ou profondeur à ses réponses.

Sa prochaine épreuve médiatique devrait être plus facile : elle sera en terrain conquis d’avance, face à un journaliste de Fox News.
 

http://americana.blog.lemonde.fr/2008/09/13/palin-plus-a-laise-sur-le-front-domestique/