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sisyphe sisyphe 25 octobre 2008 05:04
			 				 Ceci n’est pas une crise financière ! 			 		
		
			 Par Pierre Larrouturou, délégué national Europe du PS, auteur du « Livre noir du libéralisme » (Le Rocher). On en est là après trente ans de productivité mal gérée. La part de salaire a baissé, la dette a augmenté. C’est une crise sociale.

			 				 C’est en analysant les statistiques de la Réserve fédérale pour les cinquante dernières années qu’on comprend les causes profondes de la crise. Jusqu’à la victoire de Ronald Reagan, le ratio dette/PIB (1) était parfaitement stable aux Etats-Unis. Des règles collectives assuraient une progression régulière des salaires et un partage équitable de la productivité entre salariés et actionnaires. Mais, en 1981, Ronald Reagan arrive à la Maison-Blanche. Les libéraux baissent les impôts sur les plus riches, ce qui favorise la dette publique. Et la dette augmente, surtout parce que les politiques de dérégulation amènent à la multiplication des petits boulots et à la baisse de la part des salaires dans le PIB.
					 					
					 Nicolas Sarkozy parle souvent du « plein-emploi américain ». Pourtant, les Etats-Unis sont très loin du plein-emploi : en 2008, la durée réelle moyenne du travail – sans compter les chômeurs – est tombée à 33,6 heures (2), car des millions de salariés ne font que 10 ou 15 heures par semaine. Une durée moyenne de 33,6 heures ! Ce « partage » du travail conduit à un partage des revenus de plus en plus inégalitaire : une étude de BNP Paribas montre que, sur les huit dernières années, « seuls les 5 % d’Américains les plus riches ont vu leurs revenus réels augmenter ». Trente pour cent ont vu leurs revenus réels diminuer. Ces 30 % auraient dû diminuer leur consommation. Si la consommation a continué d’augmenter, c’est uniquement parce qu’on a poussé les classes moyennes et les pauvres à s’endetter chaque année un peu plus. A s’endetter au-delà du raisonnable.
					 					
					 Dans tous les pays occidentaux, la peur du chômage déséquilibre la négociation sur les salaires : « Si tu n’es pas content, tu peux aller voir ailleurs. » En vingt-cinq ans, en France, en Allemagne comme au Japon, la part des salaires dans le PIB a diminué de 11 %. Cette année, en France, quelque 200 milliards d’euros sont allés aux bénéfices, alors qu’ils seraient allés aux salariés si l’on avait gardé l’équilibre salaires-bénéfices du début des années 80. « Sans la hausse de la dette des ménages, la croissance serait nulle en zone euro depuis 2002 », explique Patrick Artus, directeur de la recherche et des études économiques de Natixis. En Grande-Bretagne, la dette des ménages dépasse 160 % du revenu disponible. Une étude récente montre que, sans augmentation de la dette des ménages, la Grande-Bretagne serait en récession depuis 2002 !
					 					
					 « Les Français sont prêts à entendre la vérité », affirmait Sarkozy dans son discours de Toulon. Eh bien, chiche ! Voici la vérité : la crise de la dette n’est pas un incident de parcours dû à l’inconscience de quelques traders isolés. Pour garantir aux actionnaires des bénéfices colossaux tout en assurant un haut niveau de consommation de l’ensemble de la population, le néolibéralisme a structurellement besoin chaque année d’un endettement privé plus élevé ! Pendant vingt-cinq ans, cette fuite en avant a été très rentable pour les actionnaires et les banquiers, mais elle nous conduit dans le mur ! Des actionnaires trop gourmands qui veulent 10 ou 15 % de rentabilité, il y en a toujours eu. La nouveauté des dernières années, c’est qu’ils ont pu obtenir ce qu’ils voulaient, car des gains de productivité colossaux ont produit un chômage de masse qui a totalement déséquilibré la négociation sur les salaires. Les racines de la crise financière, c’est trente ans de crise sociale ! Trente ans de productivité mal gérée. C’est à cause du chômage que la négociation sur les salaires est tellement déséquilibrée et que la part des salaires a tant diminué. C’est à cause du chômage que nos économies ont tant besoin de dette. C’est seulement en donnant au plus grand nombre un vrai emploi et une vraie capacité de négocier des augmentations de salaire que l’on sortira de la crise. Hélas, dix-huit mois après son arrivée au pouvoir, tout le monde a compris que Nicolas Sarkozy ne fera rien d’utile dans ce domaine. Il ne se passe pas une semaine sans qu’il annonce un « Grenelle », un « Grand Plan » ou une « Grande Mobilisation »... mais, contre le chômage, il n’a encore rien annoncé ! Absolument rien. Vu la gravité de la situation, il y a urgence à remettre la gauche au travail. Mais, vu l’importance des déséquilibres accumulés, une réponse nationale ne peut pas suffire. C’est l’ensemble de la gauche européenne qu’il faut rassembler et mettre au travail pour définir, très concrètement, de nouveaux outils de régulation.
					 					
					 Voilà pourquoi, avec mes amis de Nouvelle Gauche, avec nombre de militants qui ont signé la motion « Un monde d’avance » de Benoît Hamon, initiative historique et invite les socialistes des 27 pays (ceux qui sont au pouvoir et ceux qui n’y sont pas) à se retrouver pendant trois semaines, en décembre et janvier, pour travailler avec quelques prix Nobel d’économie sur l’ensemble des nouvelles régulations nécessaires à notre époque. Quelles régulations financières et monétaires ? Quelles régulations de nos échanges avec la Chine ? Quelles régulations intra-européennes ? Comment lutter radicalement contre le chômage, la précarité, etc. ? « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire », disait Einstein. Nous autres, socialistes, ne pouvons pas nous contenter de critiquer Nicolas Sarkozy. Nous devons faire des propositions concrètes et nous devons agir ! Après vingt-cinq ans de fuite en avant néolibérale, après vingt-cinq ans de socialisme tiède, il est temps de relever la tête.
					 					
					 (1) Voir la courbe sur le site de Nouvelle Gauche 					
					 (2) Idem 					

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