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TSAKADI Komi TSAKADI 14 novembre 2008 10:59

"L’action de l’ONU en RDC fait écho aux nombreux scandales dénoncés à Haïti ou encore en Côte d’Ivoire lors des conflits de 2002. Quelle instance pourra donc réguler et contrôler, voire sanctionner, l’action et les abus des organisations internationales, lorsqu’elles n’assurent plus, ou plutôt alors qu’elles n’ont jamais assuré ce rôle ? "

Pourquoi pas un médiateur humanitaire ?
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=31177
Faut-il des médiateurs pour réguler les actions humanitaires en Afrique ?

L’affaire de l’ONG française l’Arche de Zoe, qui a cherché à soustraire 103 enfants tchadiens supposés orphelins darfouris pour les faire parrainer en France, vient s’ajouter à la longue liste des dérives de l’action humanitaire en Afrique ; d’où l’urgence de repenser l’action humanitaire définie comme une action de solidarité et d’assistance, désintéressée, menée sans discrimination, de nature politique, religieuse ou autre, en faveur de populations civiles en détresse dont l’existence est menacée du fait de guerres, famines, catastrophes naturelles.

La multiplication des crises humanitaires impliquant l’accroissement des missions humanitaires dans le monde et surtout en Afrique a ouvert une nouvelle ère à l’action humanitaire.

Cette nouvelle ère est marquée d’une part par la restructuration de l’humanitaire d’Etat à côté de l’humanitaire d’ONG et d’autre part par des dysfonctionnements ou des dérives générées par l’aide humanitaire notamment : le détournement de l’aide ou de l’argent de l’aide pour financer le fonctionnement de l’ONG, l’aggravation des conflits par l’action humanitaire, l’instrumentalisation diplomatique des ONG et de l’aide humanitaires, la concurrence entre les ONG, le désintérêt des humanitaires dans certaines crises au profit d’autres crises plus médiatisées donc plus « rentables », la manipulation, le racket des ONG par les parties en conflit pour se constituer des stocks de nourriture et de médicaments au détriment de la population, la partialité de certaines ONG...

Face à l’opposition entre ces deux formes de l’action humanitaire et à l’insuffisance des mécanismes de sa régulation au niveau des ONG ou des Etats ayant conduit à des dérives humanitaires, ne faudrait-il pas des médiateurs pour l’action humanitaire ?

Humanitaire d’Etat et humanitaire d’ONG

Pendant longtemps, l’action humanitaire a semblé être le monopole des ONG engagées au service des victimes des conflits, d’oppressions, de catastrophes naturelles mais, depuis les années 90, les acteurs étatiques ont fait leur retour sur le front humanitaire. L’humanitaire d’Etat consistant pour un Etat ou une organisation internationale à s’impliquer dans des actions de solidarité en faveur des populations en détresse, soit en finançant en grande partie des ONG, soit en mettant en œuvre des actions militaro-humanitaires.

La restructuration de l’humanitaire d’Etat a consisté pour les organisations internationales à mettre en place des institutions spécialisées comme le Bureau de la coordination des affaires humanitaires ou United Nations Office for Coordination of Humanitarian Affairs (OCHA) dans le cadre des Nations Unies. En Europe, outre l’European Community Humanitarian Office (ECHO) créé en 1992, un poste de commissaire européen à l’action humanitaire a été institué au sein de la Commission européenne. Il faut déplorer l’absence d’une telle structure sur le plan africain, terre de prédilection de l’action humanitaire ces derniers temps.

Pour les Etats, l’exemple de la France est révélateur. En effet, il a été créé en 1986 un secrétariat d’Etat à l’action humanitaire, érigé en ministère en 1990. Des reformes successives opérées dans ce domaine ont conduit en 2003 à la création d’un comité interministeriel de l’action humanitaire d’urgence composé par les ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de la Défense, des Finances, de la Santé, de l’Agriculture et de la Coopération. Organe de régulation de la politique humanitaire d’urgence de la France, ce comité fixe le cadre politique d’intervention à l’étranger et définit les moyens financiers et techniques affectés par chaque ministère aux opérations humanitaires d’urgence. Son secrétariat est assuré par la Délégation à l’action humanitaire (DAH).

Ces reformes successives traduisent manifestement la volonté de la France d’instrumentaliser diplomatiquement l’aide humanitaire.

Les autorités françaises n’ont-elles pas été peu regardantes sur les activités de cette ONG française, l’Arche de Zoé, pour des intérêts diplomatiques ou géostratégiques ?

Le médiateur de l’action humanitaire serait une personnalité chargée d’assurer la jonction entre l’humanitaire non gouvernemental et cet humanitaire étatique doté de capacités à déployer d’énormes moyens logistiques ou à planifier des opérations à grande échelle mais agissant davantage par rapport à des critères d’efficacité politique et des intérêts géopolitiques.

Il devra veiller à ce que l’action humanitaire (d’Etat et d’ONG) soit profitable aux populations en détresse en évitant les dysfonctionnements et les dérives humanitaires.

Juguler les dérives humanitaires

Pour juguler ces dysfonctionnements et dérives humanitaires, notamment la tendance pour les acteurs humanitaires à n’intervenir qu’en faveur des crises très médiatisées, donc « rentables », au détriment des crises chroniques ou oubliées, il revient au médiateur de l’action humanitaire, disposant d’un droit d’alerte, d’assurer la veille de l’aide humanitaire pour saisir les ONG, les structures étatiques humanitaires et les bailleurs de fond pour un déploiement de moyens et d’acteurs dans de telles crises, garantissant ainsi un droit à l’aide humanitaire et à la protection à toutes les populations vulnérables.

Il sera également chargé de veiller au respect par les ONG des codes de conduite de l’action humanitaire (codes de conduite interorganisations), devant organiser une collaboration adéquate entre elles et réguler leurs actions sur le terrain.

Il pourra apporter sa médiation dans des conflits qui peuvent survenir entre ces différentes ONG qui se font concurrence sur le terrain, empêtrées dans des démarches marketing et commerciale, à la recherche de « rentabilité » de leur mission aux dépens de l’utilité pour les populations dont les préoccupations ne sont pas toujours prises en compte.

Il pourra intervenir également dans les différends entre ONG et autorités étatiques ou factions armées, qui n’acceptent pas toujours la présence de ces acteurs humanitaires ou cherchent à les contrôler voire à les racketter, à les manipuler ou à nier l’urgence et la nécessité de secourir des populations sous leur contrôle et sous leur administration.

Il pourra aussi jouer le rôle d’intermédiaire entre les acteurs humanitaires et les bénéficiaires de l’action humanitaire au sujet de leurs préoccupations concernant le fonctionnement de l’aide humanitaire au quotidien, pour que cette aide contribue efficacement à améliorer la situation de ces derniers.

Un tel médiateur, nommé dans le cadre des Nations Unies et placé sous l’autorité de l’envoyé spécial des Nations Unies dans le pays en crise donné, peut constituer une mesure visant à juguler les dysfonctionnements et les dérives de l’action humanitaire, dont l’affaire de l’Arche de Zoé est une énième manifestation, et éviter que ces dysfonctionnements ne constituent des alibis pour certains dirigeants africains dans leur refus de voir des humanitaires intervenir dans nos crises.


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