Une certaine dèche étudiante me mit en demeure en 84 de soit revoir à la baisse mon quota clopes / jour, soit reconsidérer mon penchant pour les blondes US. Je choisis de ne pas grever mon budget de survie en me mettant à ça, tabac du pauvre, brun, sans filtre et assez malodorant, qu’un jour un clodo en quête d’un mégot refusa avec une moue révélatrice, sans doute par un raffinement dont je n’ai pas idée ! 24 ans plus tard, je carbure toujours à Casa-Sports (appellation pas si outrée que ça, on verra comment plus bas). Si ce n’est que dans les 90ies, je m’avisai de renouer avec mes Camels de jadis pour déchanter presque instantanément : Souffle coupé au moindre effort et expectorations matinales épaisses. J’eus la frousse de ma vie, un mois plus tard, en découvrant lovée au coeur d’un glaire une tache pourpre . Divorce immédiat d’avec cette séduisante veuve noire et, faute du courage d’aller chez le toubib ou même de couper net tout commerce avec mon tueur à petit feu perso, retour vers Grosse Bobonne, facile à vivre quoique guenon.

Courage que j’eus tout de même l’avant-dernier été. Je me mis de suite au jogging. Un mois plus tard, je faisais allegro mes 6,5 km le dimanche matin, et 30 minutes de footing à petite allure deux fois la semaine. A 43 ans, je laissais loin derrière, haletants et écarlates, des petits jeunes de 30 ans aux poumons vierges de tout poison.

Stupéfaction d’abord, questionnement ensuite. Pourquoi, mise à part une constitution physique aux solides racines montagnardes que je m’échine à plomber chaque jour un peu plus ? Si les divers ingrédients entrant dans la fabrication des marques mondiales sont pour l’essentiel connus, ceux des marques nationales (Maroc) restent entre les murs de l’usine. Il est cependant clair que pour rentabiliser un paquet à 9,50 dhs (85 cts d’euro) dont l’état ponctionne une grosse part, le process industriel est obligatoirement réduit à son expression la plus simple. Tabac noir assez grossier sans additifs, papier idem, hop ! emballez, c’est pesé ! Je ne vois que ça.

D’où mon assentiment au propos de l’auteur : La plante nommée tabac est certes nocive une fois brûlée et sa fumée inhalée mais certainement incommensarblement moins que les cols blancs policés et non-fumeurs dépourvus d’état d’âme qui programment dans leurs tours climatisées la déchéance physique avec la mort au bout de millions de gogos au nom d’impératifs économiques dictés par un actionnariat vociférant toujours plus après des dividendes jamais satisfaisants.

Euh, j’ai repris, oui, deux mois plus tard. En 26 ans de grosse tabagie, j’en suis peut-être à ma sixième tentative sérieuse. La septième est en cours de préparation. C’est con, je sais, mais c’est une autre histoire.

BMD