• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


Franck Biancheri Franck Biancheri 2 décembre 2005 15:36

Cher(e) inconnu(e), Je suis certain, à la lecture de votre commentaire, que vous êtes comme moi un farouche adversaire de l’opacité qui règne au sein des institutions européennes et qui contribuent à ce formidable divorce entre citoyens et projet communautaire. La démocratie exige en effet la transparence sur qui décide, qui débat et qui parle ou prend position. Comme vous me posez une question, en plus des commentaires, j’aurais apprécié de pouvoir débattre « à visage découvert », ou bien si vous ne le souhaitez pas, de débattre avec vous via email pour peu que vous me laissiez votre adresse. Mais enfin, la question est pertinente, même si je crois que vous faites fausse route dans l’analyse, alors voici mes remarques sur le fond :

. il semblerait que vous restiez prisonnier de la polémique « Ouiouiste contre Noniste » générée autour du référendum sur le projet de Constitution. D’où votre supposition que les forces qui conduisent à la prise de pouvoir par les petits-fils d’Hitler, pétain, Mussolini, Franco et Staline, soient dans mon esprit identifiées aux électeurs qui ont voté « Non » en Mai dernier. Loin de moi cette idée, et c’est une interprétation qui ne reflète pas du tout le contenu du scénario élaboré en 1998 (avant-même tout projet de Constitution) et confirmé par les évènements récents. Les forces qui conduisent au « national-européisme » sont constituées par une partie du « Non » et une partie du « Oui ». Les forces xénophobes, racistes, intégristes qui ont constitué une partie du « Non », et les forces technocratiques, élitistes, suivistes qui ont constitué une partie du « Oui ». In fine elles peuvent se retrouver sur un seul point commun : la démocratie n’est pas leur tasse de thé ! Et s’accorder sur une « certaine Europe » qui serait fermée sur elle-même, et qui en échange maintiendrait un système de pouvoir réservé à une élite autochoisie, essentiellement bureaucratique.

. quant à Le Pen, allons, sortez des années 80/90. Il ne fait pas partie de la génération des « petit-fils ». Il est en fin de course. Regardez plutôt du côté de de Villiers en la matière et pensez à notre échange quand vous verrez son score en France en 2007 (sans même parler de 2009). Et suivez l’extrème-gauche et l’extrème-droite européenne. Pour info, voyez l’article en référence. Actuellement ces deux tendances sont celles qui gagnent partout des voix, sur fond d’abstention croissante ; pendant que les partis dits « de gouvernement » s’effondrent. Aucun leader Européen actuel n’a été élu avec plus de 20% des voix. Quelles forces vont s’opposer aux forces anti ou non démocratiques à l’échelle du continent dans les prochaines années ? Les équivalents du PS, de l’UDF ou de l’UMP ? Soyons sérieux !

Pour le reste, penser que les « grands mots », ou plus exactement les « grands maux » n’arrivent qu’aux autres, ou qu’aux Européens du passé, c’est préparer passivement la prochaine catastrophe collective de ce continent. En tant qu’Européens, nous savons que nous pouvons être capables du pire ; et ce en quelques années. Gouverner c’est prévoir, et notamment prévoir le pire, pour pouvoir anticiper, et éviter qu’il survienne. Demandez aux habitants de la Nouvelle-Orléans ce qu’ils pensent aujourd’hui de ceux qui disaient il y a encore 6 mois, « allons, allons, une catastrophe à venir ... tout de suite les grands mots » !

L’UE, avec ces 500 millions d’habitants venus de plus de 25 nationalités, langues, cultures différentes, est une expérience politique d’un nouveau genre. Comme l’ont montré les référenda français et néerlandais notamment, ses habitants, en tant que citoyens et peuples, sont en train de devenir des acteurs du jeu politique européen. Des acteurs qui depuis 5 ans environ, directement ou indirectement, apprennent à dire « Non » (Pacte de Stabilité, Agenda de Lisbonne, Constitution, demain Turquie) face à un système communautaire paralysé, arcbouté sur ses privilèges, incapables de sortir d’un mode de gestion bureaucratique à un mode de gestion démocratique faute de volonté, de modèle, d’instruments et de vision d’avenir.

Le refus de reconnaître la nouveauté des situation et l’insistance à vouloir affronter des difficultés sans précédents avec des méthodes anciennes sont les premières conditions qui génèrent les crises dans lesquelles ensuite se développent les pires catastrophes politiques.

Ce sur quoi ce scénario voulait alerter dès 1998, c’est justement la situation dans laquelle nous sommes. Et hélas, cette alerte a été vaine puisque les acteurs politiques et institutionnels ont jusqu’à très récemment niés qu’il y ait une crise majeure en gestation. Ce sur quoi ce scénario aujourd’hui veut alerter c’est que la situation est devenue si grave qu’on ne peut plus attendre des acteurs politiques et institutionnels actuels qu’ils la résolvent. Il faut d’autres acteurs politiques, d’une nature, d’une structure totalement nouvelle, à l’échelle du problème, c’est à dire, à l’échelle du continent européen ; car c’est une crise collective politique trans-européenne qui est en cours. D’où le lancement de Newropeans, qui pour nous est très certainement un des moyens essentiels pour éviter de laisser le champ libre aux « petis-fils » des leaders des années 30.

Voilà, j’espère que ces remarques répondent au moins en partie à votre question.

Cordialement Franck Biancheri


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès