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En réponse à :


aquinatis 25 août 2009 01:58

Je voudrais vous faire part de ma vision depuis l’étranger, et de mon expérience, en prenant du recul et donc en passant par évolutions plus profondes dans l’enseignement et les idéologies en jeu.


Les cultures grecques et latines constituent les racines intellectuelles de l’Europe. La filière latin-grec fut donc déjà volontairement affaiblie en France après la guerre (à rapprocher de mai 1968 ? convergence des libéraux et marxiste dans l’élimination des racines et traditions ??). La réforme actuelle pourrait effectivement donner à ces langues le coup de grâce, et encore affaiblir le lycée en y étendant l’idéologie désastreuse à la base du « collège unique ».


Pour bien voir les choses, comparons avec les autres pays :


1 Anglosaxons


D’un côté le modèle anglo-saxon (Angleterre et Amérique) : pratiquement tout le monde n’apprend rien à l’école et obtient l’équivalent du BAC, qui ne représentent plus rien et ne vaut plus rien dire (c’est la voie prise enFrance avec le collège unique et poursuivie par l’actuelle réforme). MAIS exeption importante : les très riches enfants (de banquiers, etc) vont dans des écoles privées aux coûts astronomiques qui donnent encore une formation acceptable. Quant à la masse, qui n’a quasiment rien appris hormis le politiquement correct à l’école, elle n’a aucune connaissance ni esprit critique et est seulement bonne à être manipulée par la télévision, (et à s’adonner aux jeux vidéo, au sport, ... et à se faire envoyer tuer en Irak, Afghanistan, demain en Iran, pour les intérêts de certaines personnes très puissantes...)


2 Germaniques


J’ai habité en l’Allemagne et encore plus longtemps (et encore maintenant) aux Pays-Bas.

Dans ces pays il y a eu là aussi des expériences de collège unique, qui ont montré comme en France que cela était une absurdité (mais appliquée en France, pays qui s’est également illustré en maintenant pendant des décenies dogmatiquement la fameuse « méthode globale », abandonnée tout de suite dans les autres pays, qui fait que les élèves essayent de deviner les mots d’après leur forme, et donc se trompent, au lieu de lire correctement...). Dieu soit loué, ces pays n’ont pas appliqué ces méthodes prouvées désastreuses !

Dans ces pays il y a toujours trois niveaux, les formations plus pratiques (professionnelles) sont celles d’apprenti, qui fonctionnent très bien (essentiellement encadré en formation avec un réel “maître” en entreprise, sinon des travaux pratiques, très peu des cours abstraits comme on a dérivé absurdement en France). Ces formations pratiques sont adéquates pour les élèves non studieux et leur permettent de s’épanouir et d’avoir des artisans très bien formés et compétents (au lieu d’avoir des élèves frustrés en situation permanente d’échec dans les collèges et lycées, et des profs et autres élèves frustrés car eux ne peuvent pas avancer à cause des élèves qui ne sont pas là à leur place.)


Seulement peu d’élèves vont au Lycée. Quand on parle à des allemands des idéologies anglosaxones à la mode en France (le BAC pour tout le monde ou du moins la majorité), ça les fait rigoler, cela revient à un BAC qui ne vaut plus rien et à plein de gens qui ont perdu leur temps à s’embêter à essayer d’apprendre plein de choses qui ne les intéressent pas et leur seront inutiles.


Maintenant, apès avoir dressé le cadre, voilà le plus intéressant :

il y a dans ces pays proportionnellement beaucoup plus d’élèves qui font des langues anciennes qu’en France (je n’ai pas de chiffres, mais ça saute aux yeux) . Cela est vu pays comme un signe positif d’élitisme et de mérite.


Au Pays-Bas, la situation est encore plus claire : parmi les filières dans les Lycées (qui n ’accueillent que les élèves studieux, pas ceux qui ne veulent pas étudier, contrairement au modèle anglosaxon, qui est en grande partie appliqué en France depuis la réforme Haby), les plus doués choisissent la filière latin-grec qui est la voie royale. C’est la seule à s’appeler « Gymnasium ». Elle correspond à ce qu’était notre superbe BAC C ( également détruit par les fossoyeurs de l’éducation française), sauf que les matières fortes y sont le latin et le grec au lieu des maths et de la physique. Même beaucoup parmi ceux qui se destinent à de grandes carrières scientifiques choisissent aussi cette filière qui donne de très bonnes bases de réflexion et recul, (et c’est la formation idéale pour devenir chercheur).


Les élèves ont environ entre 3 h et 5 h de grec et idem de latin (plutôt 3 de chaque) par semaine. C’est variable selon les établissements : aux Pays-Bas tous les établissements publics (des maternelles aux universités) sont libres d’embaucher eux-même leurs professeurs, choisir leurs élèves, fixer les nombres d’heures des matières, ce que tout le monde trouve normal (excepté certains sur le fait qu’il y a des “écoles noires” - “zwarte scholen” dans les quartiers peuplés d’immigrés non-Européens...) Il y a aussi des élèves des autres matières qui prennent quelques heures d’une seule des langues anciennes. Les meilleurs lycées sont certains dans les grandes villes qui n’ont que la filière latin-grec, (que des établissements ne soient qu’axés sur ces matières était en fait partout autrefois le cas pour les “lycées”, qu’on pense à l’origine de ce mot) et aucune autre filière.


Je me suis étendu car je crois qu’il faut cadrer les choses dans leur contexte en comparant avec les pays anglo-saxons (libéraux)et germaniques (continentaux / plus traditionnels). Cela permet de mieux percevoir les enjeux politiques et idéologiques qui sont les véritables raisons dont il ne faut pas être naïvement inconscient. Il faut voir que les périls actuels sont une conséquence de la mentalité “collège unique” qui est en train de se transposer au lycée, et qu’encore par derrière on impose la vision libérale anglo-saxone (seulement une pseudo-éducation avilissante, abrutissante pour la masse, au mieux utile aux besoins de certains, eux bien formés dans des établissements hors de prix), comme cela fut commencé par les gouvernements Pompidou, et surtout de Giscard. La marginalisation du grec et latin n’en est qu’est symptôme final : on ne l’enrayera donc qu’en se prenant à la cause plus profonde. D’autre part ce libéralisme s’appuye sur des restes du marxisme, je veux dire le fort égalitarisme qui perdure parmi les enseignants en France : ainsi les libéraux bien rusés se justifient au nom de la “démocratisation” et de l’opposition à la sélection.


Enfin mon témoignage pour terminer. Né en 1966, je fis partie de la génération cobaye quand la réforme Haby (libérale) fut imposée au collège. Nous étions censés faire tous les anciens programmes de Lycée, mais les enseignants étaient bien contents quand nous arrivions à en faire la moitié. L’hétérogénité des classes était tellement absurde : dans mon cas j’étais toujours de loin premier dans toutes les matières (sauf en musique et sport) et je m’ennuyais profondément pendant les cours. Mais d’un autre côté, il y avait des élèves qui n’arrivaient même pas à comprendre les rudiments, même si les prof. perdaient leur temps à répéter trois fois la même chose. Dans ma classe il s’agissait des premiers enfants immigrés (il y en avait encore peu en région parisienne), mais ils avaient tous été mis dans ma classe, qui contenait par ailleurs les élèves avec allemand première langue : il y avait une volonté politique, marxiste au niveau local, d’empêcher que notre classe d’allemand première langue puisse atteindre un meilleur niveau, plus élitiste, quitte à encore plus défavoriser les immigrés... L’enseignant d’allemand (qui faisait parfois des fautes grossières en allemand... et qui consacraient des cours entiers à défendre l’intervention soviétique en Afghanistan ou les évenements répressifs en Pologne) était souvent furieux après moi, parce que je savais tout des leçons... Il était d’un autre côté également furieux après les mauvais élèves, il ne pouvait pas accepter la réalité des différences de dons individuels, et cela illustre bien un facteurs de nos problème lié à l’aveuglement quant au dogme égalistariste.


Le prof. de latin, vieux-jeu, nous inculca bien la grammaire avec les livres très pédagogiques (pas de textes authentiques d’auteur totalement hors de portée grammaticalement des débutants, et donc pas de méthode anti-pédagogique pour les débutants, telles qu’imposées par le dernier dogme de l’éducation nationale, même si ces nouvelles méthodes sont une amélioration au lycée pour ceux qui ont déjà appris la langue) de la série Baudiffier. Gason, Morisset (Magnard)  : à la fin de la troisième une bonne partie des élèves maîtrisait la bien difficile grammaire latine et nous pouvions faire des thèmes difficiles. Si je ne me trompe pas, ce n’était que le niveau que les élèves auraient eu autrefois après les 2 ans de latin (le latin était même une matière obligatoire) de sixième et cinquième. Mais culturellement nous n’avons pas reçu une bonne formation (hormis la Guerre des Gaules... rasoir...)


J’ai continué le latin jusqu’au BAC ( C ) (c’était du bachotages de version et thème sur quelques textes, je crois que les programmes actuels fondés sur les textes, leur signification et portée culturelles sont nettement plus gratifiants et motivants pour le niveau lycée (mais pas pour les débutants du collège...)) puis math sup et spé, et Grande Ecole. Aujourd’hui scientifique, comparant avec le système néerlandais, je me dis qu’en regardant en arrière, j’aurai préféré que (en plus des options grecs et latins pour tous) la filière grec-latin soit restée à mon époque une filière d’excellence et de sélection comme c’est encore le cas aujourd’hui aux Pays-Bas, et l’avoir suivie (et étudié Platon, Aristote, Cicéron, Plutarque, ainsi qu’Homère, Eschyle, Sophocle et Euripide en V.O.) avant de faire mes études scientifiques. Cela m’eut donné un esprit plus ouvert et critique, que tout scienfique devrait avoir. Monsieur le ministre se rend-il compte que la plupart d’entre-nous, soi-disant “scientifiques” en sont en fait que des techniciens qui ne font qu’appliquer des calculs, méthodes ou protocoles sans avoir l’esprit assez bien formé pour pouvoir bien se poser des questions et raisonner sur questions fondamentales dont votre mythe du progrès a tant besoin pour avancer  ?


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