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Senatus populusque (Courouve) Courouve 27 avril 2009 14:43

Dans le Discours de la méthode, première apparition de la notion de Dieu dans le passage suivant :

« Il est bien certain que l’état de la vraie religion, dont Dieu seul a fait les ordonnances, [2e partie] »

Ici, aucun doute n’est exprimé, ni sur la religion, ni sur l’existence d’un dieu ; dans la 4e partie du Discours …, Descartes essayera bien, après d’autres(dont St Anselme), de prouver l’existence de son Dieu ; on sait que cette « preuve » a été définitivement ruinée par Hume et Kant.

Pour réhabiliter le cartésianisme, il a été dit que le Discours … ne représentait pas le sommet de la pensée cartésienne, et qu’il fallait aller voir les Méditations métaphysiques. Soit. Ce texte s’ouvre sur une adresse à Messieurs les Doyens et Docteurs de la sacrée Faculté de Théologie de Paris dans laquelle on peut lire :

« Bien qu’il nous suffise, à nous autres qui sommes fidèles, de croire par la foi qu’il y a un Dieu, et que l’âme humaine ne meurt point avec le corps […] »

En contradiction avec cette ouverture, Descartes annonce, dans la première méditation :

« Je m’appliquerai sérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes opinions. »

Bon programme, mais peu suivi ; quelques pages plus loin, Descartes se contredit encore en écrivant :

« Toutefois il y a longtemps que j’ai dans mon esprit une certaine opinion, qu’il y a un Dieu qui peut tout, et par qui j’ai été créé et produit tel que je suis. »

Toutefois n’a pas pour fonction d’amener le doute sur Dieu, mais de mettre en doute les vérités mathématiques envisagées à la fin de l’alinéa précédent.

« Or qui me peut avoir assuré que ce Dieu n’ait point fait qu’il n’y ait aucune Terre, aucun ciel, aucun corps étendu, aucune figure, aucune grandeur, aucun lieu, et que néanmoins j’aie les sentiments de toutes ces choses, et que tout cela ne me semble point exister autrement que je le vois ? »

Ce Dieu est évoqué sans mise en doute, alors que l’existence de l’Univers est, elle, suspectée !

« Et même, comme je juge quelquefois que les autres se méprennent , même dans les choses qu’ils pensent savoir avec le plus de certitude, il peut se faire qu’il [Dieu] ait voulu que je me trompe toutes les fois où je fais l’addition de deux et de trois, ou que je nombre [compte] les côtés d’un carré, ou que je juge de quelque chose encore plus facile, si l’on se peut imaginer rien de plus facile que cela. »

Dans cette mise en doute des vérités mathématiques, Descartes a recours à l’idée de Dieu dont il admet implicitement l’existence ; il examine si grâce à elle le doute sur les vérités mathématiques peut ou non être levé.

« Mais peut-être que Dieu n’a pas voulu que je fusse déçu de la sorte, car il est dit souverainement bon. Toutefois, si cela répugnait à sa bonté, de m’avoir fait tel que je me trompasse toujours, cela semblerait aussi lui être aucunement contraire, de permettre que je me trompe quelquefois, et néanmoins je ne puis douter qu’il ne le permettre. »

Un peu plus loin, toujours dans la première Méditation, Descartes vient à envisager l’objection que pourraient lui faire des athées, et envisage qu’il puisse n’y avoir ni Dieu, ni univers, et ceci dans un même mouvement ; mais Descartes n’envisage toujours pas la seule non existence de Dieu.

Force est donc de constater que dans son exposé, Descartes faisait une exception, une entorse à la logique, pour l’opinion particulière que constitue la foi en le Dieu chrétien. « Il [Descartes] se perd dans l’hypothèse de la véracité de Dieu », notait Alfred de Vigny (Journal d’un poète, hiver 1834). La perfection est mise en avant par Descartes : Dieu est parfait, il ne lui manque rien, donc il existe ; preuve dite « ontologique » (ou définitionnelle), réfutée par Henri Oldenburg, David Hume et Kant : on tombe en effet dans une contradiction lorsque en pensant d’abord une chose, on y introduit la notion de son existence ou celle de sa possibilité. Cf le sophisme du « gouvernement parfait », utopie qui « doit » être possible, car sinon elle ne serait pas parfaite. Selon Descartes : « On peut démontrer qu’il y a un Dieu de cela seul que la nécessité d’être ou d’exister est comprise en la notion que nous avons de lui. » (Les Principes de la philosophie, I, 14). C’est considérer qu’à chacune de nos notions correspond une réalité extérieure, c’est la théorie idéaliste du reflet, inversée plus tard en matérialisme par les marxistes. Or « Nul homme ne saurait devenir plus riche en connaissances avec de simples idées » (Kant, Critique de la raison pure, DT, II, iii, 4).

Déjà Aristote de Stagire : « ceux qui définissent ne prouvent pas ce faisant l’existence du défini. » (Seconds analytiques, II, vii, 92b). Ils n’en prouvent pas davantage la possibilité que l’existence ; par exemple : « le plus grand nombre entier », « le plus petit réel strictement positif », et, nous l’avons dit, « le gouvernement parfait ».


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