Sauf que vous faites un contresens.
La « sagesse » dont parle Camus est celle de l’acceptation d’un monde sans dieu, d’un « univers désormais sans maître » ; donc d’un sort strictement humain.
Rien à voir avec la soumission résignée liée à la religion, ou à l’acceptation d’un sort socialement imposé, où les maîtres grugent, oppressent, exploitent.
Enorme différence entre la lucidité de sa condition, et la résignation devant un sort que l’on se refuse à modifier, entre la condition de l’individu in abstracto, et sa situation sociale, sociétale, politique...
D’ailleurs, par ailleurs, socialement, Camus justifie et prône la révolte.
Dans « L’homme révolté » , il déclare :
« Le révolté au
: sens étymologique, fait volte face. Il marchait sous le fouet du
maître. Le voilà qui fait face. Il oppose ce qui est préférable à ce
qui ne l’est pas. »
Il définit ainsi la révolte :
"La révolte est l’état naturel de l’homme qui a pris
conscience de l’absurde. Elle est l’innocence que confère le droit.
Elle refuse d’ériger le meurtre en principe de gouvernement. Elle est
réalité en ce sens qu’elle oppose la vie à l’abstraction politique.
Elle dénonce la prophétie qui enserre l’homme dans un devenir inéluctable. Pour elle, l’homme est tout et les moyens doivent plier devant son exigence.«
Donc, sagesse, d’un point de vue de l’acceptation de sa condition »absurde« ; mais cette acceptation engendre et provoque la nécessaire révolte, pour se donner les moyens de la modification du réel.
Le pauvre n’a pas à être »sage" ; il a à lutter pour une plus grande justice, pour échapper à sa condition d’exploité.