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Herbert Sogno revherber 27 août 2009 17:03

Retour sur les réflexions de Le Péripate du 12/08 et proposition d’une analyse sur le mur d’incompréhension qui oppose afficionados et anti.

La longueur du texte suivant se rapproche plus de celle d’un essai que de celle d’un article et je suis bien conscient que ça doit faire passablement désordre. Mais ces remarques sont nées ici et en tant que novice, ne sachant où les mettre à meilleur escient, je les publie ici.

La pitié comme l’égoïsme ne sont pas des constructions humaines mais des héritages de la nature. La Théorie de Sélection à des Niveaux Multiples ( dite SNM ) , qui émerge depuis le milieu du XXe siècle chez les évolutionnistes, décrit les convergences et les divergences, parfois conflicttuelles, d’intérêt entre différentes entités emboîtées les unes dans les autres : les individus, les groupes d’individus ( familles, troupeaux - le plus souvent en compétition alimentaire ) , les groupes de groupes, les espèces, familles d’espèces ou sur une autre voie les écosystèmes et ainsi de suite jusqu’à la planète ou biosphère ( Théorie dite « Gaïa » ) qui peut être considérée comme un organisme animée d’une dynamique interne tendant à se maintenir ; d’une manière imagée, comme toutes les entités qui la constituent, elle veut survivre.
L’égoïsme est un moteur d’actions de survie de l’individu ancré dans le vivant par sélection depuis la création : l’amibe qui s’en balance de se bouger à l’approche de l’amibe gras-double qi veut se la faire, périclite. Celle qui taille la route a une longue descendance jusqu’à nos cellules, c’est-à-dire nous.
Dans un troupeau d’herbivores, un grand nombre d’égoïstes ou quelques trop égoïstes coupent les vivres de leur tribu et finalement, la pression de sélection favorise la survie du troupeau voisin des économes ou collaborants ou autre ( à relier au problème du Dilemme du Prisonnier en probabilités et par suite à toute la politique et l’économie ). C’est ainsi que la nature instillé à tous les organismes supérieurs dont les condtions de vie s’inserrent dans un niveaux de groupe quelconque des moteurs qui sont la pitié, la charité, l’empathie, l’affect de lien ( au sens réduit de sentiments et émotions ) etc... qui constituent des armes et facettes de l’égoïsme du groupe. Et non de l’individu !

Lorsque des buffles chargent un trio de lions qui ont pourtant presque partie gagnée sur un de leur congénère au péril de leur vie en lui sauvant la mise, ils agissent contre leur intérêt mesurable - je ne parle pas ici de l’intérêt de leur patrimoine génétique - puisque tant que c’est pour un autre, ça n’est pas leur tour. Ils sont mus uniquement par leur souffrance propre imposée par la vision qui leur est insupportée de la détresse fatale de leur « ami ». Ils ne font pas de calcul sur les espoirs de retour d’ascenseur. La sélection naturelle l’a fait pour eux. Lorsqu’une chatte allaite un chiot adoptée ou mieux encore une chienne un bébé écureuil, elles n’ont strictement tien à attendre en retour, tout comme ceux qui militent généreusement pour la défense des droits de qui ou quoi, anonymement.
Egoïsme individuel et égoïsmes du groupe sont deux attributs de l’animalité nourrissant des intérêts partiellement et directement conflictuels : le bénéfice par retour pour l’individu existe bel et bien mais il est incertain, aléatoire, non mesurable et son anticipation s’exclue par définition de la démarche charitable. Ils sont moteurs de calculs ou de décisions et non le résultat. Egoïsme et pitié sont en ce sens des forces antagonistes inassociables horizontalement même si indissociables verticalement. Les antagonismes, créant des situations tampon sont d’ailleurs un constante absolue des règles de la nature ( tampon : forces opposées en équilibres limitant ainsi la destruction de la stabilité installée par une perturbation extérieure ).

S’ils sont imprimés dans nos comportements innés par filiation génétique immémorielle, ils n’en demeurent pas moins fortement soumis à l’impact de l’héritage culturel, reçu passivement ou acquis activement. De la même façon que toutes nos réactions instinctives, nos pulsions, nos émotions, ils sont modulés, tempérés ou amplifiés par notre mémoire et la réflexion qui s’y développe.
Ainsi, le boursicoteur, qui risque progressivement de s’enfoncer dans sa bulle, pour qui gagner, c’est gagner plus, par boucle de rétroaction amplificatrice, va finir comme un monstre qui n’a qu’une vague idée à quel point il vampirise un système auquel ils ponctionne tant plus qu’il n’apporte : des genres meurent massivement et péniblement, quelques dominos plus loin, pour qu’il puisse acheter son yacht attrappe-pétasses. Il est hors du groupe écologique ( l’homme a réalisé au 20e siècle un inédit total de l’histoire de l’animal en ayant congloméré tous les groupes emboîtés de la tribu à l’espèce en un seul ensemble : l’humanité - du moins sous de nombreux critères ).
Celui qui s’investit dans l’humanitaire va affronter une succession de problèmes s’enchainant sans fin en débouchant les uns sur les solutions des autres et réciproquement et enrichissant sans cesse sa mémoire et sa réflexion de constats alarmants, de perception et compréhension de la souffrance d’autrui, d’informations sur les chaînes contraignantes qui menacent qui ou quoi sinon tous, ... et son coeur du souvenir des cris et pleurs....
Ainsi égoïsme et charité sont deux caractères potentiellement cummulatifs mais surtout allègrement influencés par les circonstances.
Heureusement qu’il y a la loi des équilibres pour limiter un peu autant d’écarts.

Résumons. Nous sommes donc tous plus ou moins capables d’empathie, force intérieure innée et inexpugnable mais plastique, à un ou deux facteurs d’échelle près. En tout cas, passées les atrocités du 20e siècle, la quasi-totalité d’entre nous - sauf cas considérés comme pathologiques - en dispose assez pour ne plus pouvoir supporter la mort directe et en direct d’humains par violence infligée par un congénère, et encore moins pour cause de spectacle. Il n’en a pas toujours été ainsi. Mais qu’est-ce qui peut bien faire que ce cap n’est pas entièrement franchi en ce qui concerne les animaux. Qu’est-ce qui fait qu’un afficicionado est capable de jubiler de la mise à mort d’un bovidé alors qu’un humain à sa place lui retounerait le coeur - du moins nous plaisons-nous tous à le conjecturer, pour la plupart d’entre eux, sûrement au moins un peu.
Ne serait-ce pas la même chose qui fait qu’un anti-corrida est capable d’éclater un moustique qui lui casse les pieds sans l’ombre d’un auto-questionnement ( à l’initiateur près : il ne part pas chasser le moustique ) : nécessairement oui, c’est la perception de la nature de l’être tué qui est le seul paramètre variable.

Objet ou sujet, telle est la question !

Lorsque le chat torture une souris jusqu’à la mort, il ne s’occuppe pas du tout que toute sa subjectivité exprime dans la plus grande épouvante possible, dont les indices corporels lui sont parfaitement lisibles ( paupières écartelées, respiration décuplée, tension musculaire généralisée pour optimiser la préparaton à la détente, mouvements chaotiques etc... ) car communs à tous les mammifères : Pitié je ne veux pas mourir. Non, lui le chat, ce qui l’intéresse et fait tout l’objet de son attention, c’est de déjouer la résistance qu’’elle peut lui opposer ; l’art de tuer, c’est la clé de la survie pour un félin et c’est pourquoi tout le processus mental qu’il met en oeuvre est focaalisé sur l’objectivité de sa proie.
De même pour le toréro : il faut que l’animal passe par ici, qu’il ne me cogne pas là, que je le pique ici et à cet instant là pour l’affiblir comme-ci et le dézinguer comme ça. C’est là le coeur du problème à mon avis. Pourquoi l’anti-corrida éprouve de l’empathie pour cet animal ( empathie = souffrir ensemble, c’àd souffrir de la souffrance de l’autre ) alors que le bourreau n’en est pas du tout affecté ni ses admirateurs. S’il en avait, il ne pourrait pas planter, l’empathie est invincible dans l’action de tuer ; il ne peut guère planter dans un humain, mais sans doute pas plus dans un chien, ni même dans un cheval. L’anti peut se mettre à la place du taureau, mais pas à celle du moustique. Le toréro, lui, peut s’identifier à l’humain, ou même au chien - au sens du vécu mis en jeu - mais le taureau, lui, c’est une chose.

Il y a donc nécessairement un problème de gradation ( un concept toujours totalement négligé dans nos modes de raisonnement purement binaires : même nos lois sont conçues à la hache ).

Alors gradation de quoi dans cette perception de la victime comme objet ou sujet ? Eh bien de la quantité de communauté qui lui est imputé avec son meurtrier ( on retrouve la notion d’appartenance au groupe avec ici un ensemble qui s’étend au delà de l’humanité ).
Communauté d’état biensûr pour commencer. Si l’on pouvait mesurer la quantité d’être ( ou de subjectivité ) d’un animal sur un spectre complet de critères purement objectifs tous liés aux activités et potentiels cérébraux et endocriniens, alors là où le moustique vaut 1 et l’homme 1000, le taureau est à 999 ( - 1 pour l’intellectualité de l’homme ).
Mais pas seulement, car le taureau et le cheval sont très finement équivalents de ce point de vue. Et bien que les chevaux soient trop souvent victimes collatérales, planter l’épée, non, ce doit être trop dur. L’autre communauté, appelons la de classe ou de caste, tient au fait que chevaux et chiens appartiennent à la société civile. La moitié d’entre nous a des liens affectifs avec au moins l’un d’entre eux, ou sinon en a eu ou en est témoin. De ce fait il y a encore appartenance à un même groupe soumis aux différentes exprssions coopérigènes de l’égoïsme de groupe ( pitié, charité, affect, empathie etc... ). Les bovins, eux, sont produits à l’usine, à l’écart et pour être consommés, comme les voitures. Ils sont au ban de cette classe accoutumée à les exploiter comme une ressource. Si on a de l’empathie pour ses ressources, on est amené à s’en priver ( heureusement les alternatives en la matière nouss sont tellement plus favorables, mais c’est un autre sujet ).

Alors toutes ces digressions pour démontrer quoi finalement ? Eh bien à mon avis, mais je crois avoir un peu pris le temps de le justifier, tout simplement pour alimenter l’allégation que si on veut bitumer les pistes menant à l’abolition de cette pratique désolante, il n’est peut-être pas vain de mettre plus l’accent sur celle qui sème la division : la perception et la représentation de l’animal tué.
Avec un minimum de culture en biologie, 999 n’est rien moins qu’une évidence. Mais pour l’afficionado, le taureau c’est parfois un moustique et demi dans sa tête. Et là, on n’a aucune chance de toucher une fibre sensible.
Et le namour de chienchien qui vous accueille comme un revenant de guerre tous les soirs quand vous rentrez du boulot prêt à se rouler parterre avec vous, ça stimule plus facilement l’émotivité que le gros cornu qui vous toise menaçant dans son pré pour vous signifier de pas vous approcher de ses filles. Pourtant, du point de vue éthologique, les deux attitudes sont des comportements sociaux naturels de communication : l’un pour la meute, l’autre pour le troupeau.
Cependant, il y a quelques français qui ont des bovins pour animaux de compagnie. Personnellent, je me suis fait lécher les mains par mes gerbilles qui interprétaient jusqu’à une dizaine de mots après deux ans : cerveaux sans circonvolution de la taille d’une graine. Jusqu’où pourraient aller ces propriétaires de bovins dans la communication et l’affectif en poussant l’effort ? Certainement aussi loin qu’on peut le faire avec un chien ( avec peut-être correction du biais de relation prédateur-prédaté qui décuple l’instinct de fuite et de distance des prédatés face aux animaux à vision axiale, dont nous sommes ) et c’est très loin d’être rrien !

Mais ! Las !.... Les afficionados sont si loin de tout ça...
Il faudrait non seulement leur dire, mais surtout prouver, creuser, explorer, démontrer, interpeler vigoureusement les sciences et même la recherche, multiplier les expériences personnelles et surabonder à leur diffusion pour ouvrir leur conscience à la connaissance qui leur manque.
C’est un combat indispensable de lutter pied-à-pied pour défendre chaque position. Chaque taureau sauvé est une victoire, chaque militant conquis un nouvel espoir. Mais chacun d’eux sait combien le dialogue de sourd est épuisant. Comment convaincre sans parler de la même chose. Nous ne voyons pas l’animal de la même façon. Nous ne pourrions jamais lui faire du mal et eux n’ont aucune idée de ce que nous ressentons. Ce cri intérieur qui se refuse à accepter l’atroce irréparable, qui nous ferme les yeux de stupeur, nous glace la chair d’impuissance, nous mord les doigts de gratuité, nous enfonce le coeur qui se déchire sous le joug des gestes froids et méthodiques et nous baigne le ventre d’une amertume honteuse et incommestible, .... tout ça pour un morceau de viande sur pied ??

Ils ferment nos yeux, efforçons-nous d’ouvrir les leurs. Je sais trop bien qu’il ne suffit pas de souffler dessus. Mais le débat, les réflexions, les études et les échanges sur le thème « qu’est-ce-que c’est qu’un taureau, qu’est-ce-que c’est que vous tuez dans les arènes ? » me manquent dessiccalement.
J’ignore s’ils seront incités par cet appel, où que ce soit, à s’épanouir un jour, mais biensûr ils s’étendent à toutes les nombreuses questions sur la condition animale. Ils ne me semblent pas dérisoires.

Je ne me sentirais pas aigri de lire des réactions, même hostiles, sur la démarche comme sur le fond.

PS : pour éviter les objections un peu légères sur d’hypothétiques vérités inaccessibles, je tiens à rappeler aussi l’évience que dans la corrida, ce n’est pas la mort qui est donnée en spectacle, mais le meurtre. Ce spectacle est constitué d’un combat fatal entre deux protagonistes dont la victoire est acquise à l’un deux. Comme pour le deltaplane, il y a des accidents, mais ça n’est pas l’idée de départ.


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