@Sheeldon
Un groupe de pression comme les autres ?
Sylvain Cypel (Le Monde)
May 4, 2009
Contrairement, par exemple,
au Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF),
l’Aipac n’est pas un organe représentatif de la communauté juive
américaine. Celui-ci existe : c’est la Conférence des présidents (des
organisations juives). Aipac, lui, est un lobby - « le lobby américain pro-israélien », comme il est explicitement stipulé sur son site Internet.
Le terme est parfaitement légitime aux Etats-Unis. Il désigne un
groupement de défense d’intérêts particuliers - ethniques, religieux,
économiques, professionnels ou encore diplomatiques. Plus que
simplement légale (des milliers de lobbies sont enregistrés au
Congrès), cette activité est jugée constitutive des droits en
démocratie. Il y a un lobby pro-Israël, comme il y a des lobbies
pro-Chine ou anticastriste.
L’activité d’un lobby américain se concentre sur les pouvoirs
législatif et exécutif, qu’il vise à convaincre du bien-fondé de ses
revendications. Devant eux, l’Aipac a pour mission, par exemple, de
garantir ou de faire augmenter l’aide à l’Etat juif. Il a connu des
succès retentissants : ainsi lorsque George Bush, dans une lettre officielle au premier ministre Ariel Sharon,
en avril 2004, avait admis qu’Israël conserve, dans le cadre d’un
accord de paix, une partie des territoires occupés palestiniens avec
les colonies qui y sont érigées. Aipac a aussi connu des échecs : il
n’a jamais pu obtenir le transfert de l’ambassade américaine de
Tel-Aviv à Jérusalem.
« C’est le lobby le plus important au Congrès, après celui des retraités et celui des armes à feu », estime J. J. Goldberg, ex-directeur du journal juif new-yorkais The Forward.
Ses 100 000 adhérents revendiquent cette influence avec fierté. Avec
150 salariés au siège, des bureaux régionaux, un réseau de connexions
de haut niveau dans les milieux intellectuels, la compétence de ses
juristes comme l’exceptionnelle capacité d’intervention de l’Aipac au
Congrès et auprès des médias suscitent l’admiration (ou la jalousie).
Contrairement à d’autres, ce lobby, par neutralité politique, ne
finance aucune campagne électorale. Mais, à titre individuel, ses
membres fortunés le font pour lui, privilégiant systématiquement le
candidat local le plus favorable à un Israël « fort ». L’Aipac se vante,
ajoute M. Goldberg, de disposer dans chacune des 435 circonscriptions
américaines d’au moins un donateur important bénéficiant d’un contact
direct avec l’élu local.