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Antoine Diederick 25 novembre 2009 00:34

Je reviens vers vous ici, Monsieur Bach....

Vous manquez de références tant religieuse et historiques pour aborder ces questions.

Et donc vous faites trop court ; le projet que vous portez et votre proposition trop imparfaite.

La Vierge dans sa maison, appelle son Fils, le Christ. Il lui répond, je suis là mère. Elle le voit dans la pièce prét d’elle, mais en même temps, le voit près de la porte.....c’est en substance le contenu du texte d’un gnostique français du Moyen Age.

De l’ubiquité du Christ

L’être-là de Jésus-Christ

Fr. François Cassingena-Trévedy, o.s.b.

Lectures : 1 R 19, 9.11-13 - Ps 84 - Rm 9, 1-5 - Mt 14, 22-33

Esprit & Vie n° 197 - Juillet 2008, p. 37-39.

Comme Moïse se tenait « dans la fente du rocher », tandis que le Seigneur, sur sa prière, « faisait passer devant lui toute sa beauté » (Ex 33, 18-23), Élie, l’autre témoin de la Transfiguration (Mt 17, 3), se tient « dans la grotte », à l’abri - sommaire - des intempéries, pour y discerner le Passage. Il est en cette caverne comme en sa maison. C’est le propre de la caverne que de n’être ouverte que sur un côté, comme la lettre hébraïque Beth qui signifie « maison ». Ainsi chacun de nous est-il appelé à se tenir dans la caverne, sur le seuil de la caverne ouverte à tous vents, pour écouter-voir Celui qui vient. L’intériorité, si maladroitement prônée et conçue parfois, n’est qu’une prison (l’enfer de l’homme « psychique qui n’accueille pas ce qui est de l’Esprit de Dieu », 1 Co 2, 14), aussi longtemps qu’elle ne s’ouvre pas sur l’infini de Dieu, sur l’imprévisible de Dieu, sur l’altérité de Dieu et de tout autrui humain qui en est le sacrement, car la caverne est ouverte à tout autrui, à tout venant. À l’orée de la caverne, Élie écoute. La caverne, c’est l’oreille elle-même. L’oreille fine. Car « l’homme spirituel » (1 Co 2, 15) vit à l’écoute, comme s’il était dans l’oreille même de Dieu, dans l’oreille absolue de Dieu qui entend les paroles et les pleurs et les désirs que les durs d’oreille et de cœur n’entendent pas. Parce qu’il a les sens spirituels exercés (He 5, 14), Élie a, bien sûr, l’oreille exercée : il entend, littéralement, « la voix de fin silence ». À dire vrai, tout ce qui vient de Dieu est fin : le silence auquel Élie discerne - sent - infailliblement la Présence est fin comme la manne que le Seigneur avait déposée sur le sol tout exprès pour son peuple : « quelque chose de menu, de granuleux, de fin comme du givre » (Ex 16, 14). Le silence aussi est une espèce de manne. Le silence habituel de Dieu (qu’expérimente tout homme spirituel) est lui aussi une manne devant laquelle nous faisons les difficiles, comme des enfants gâtés (voir Nb 11, 4-6), friands que nous sommes de bruits, de sirènes et de manifestations extraordinaires. « Un temps viendra où les hommes […], au gré de leurs passions et l’oreille les démangeant, se donneront des maîtres en quantité et détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers les fables. » (1 Tm 4, 3-4.) Bref, Élie discerne au menu le caractère de Dieu, à la finesse l’Esprit de Dieu. Car le caractère de la Présence, c’est la précision. Retiré au fond de sa caverne, le prophète accueille l’Esprit, héberge l’Esprit, cet Esprit Saint que la liturgie de la Pentecôte appelle dulcis hospes animae, c’est-à-dire « l’Hôte discret de nos âmes ».

Et Jésus, nouvel Élie - comme il est le nouveau Moïse - se tient lui aussi « dans la montagne pour prier seul ». Jésus, en l’Évangile, a ses moments de grandes marées humaines, et aussi ses moments de reflux solitaire vers le Père. Jésus, immense, et vivant, et respirant comme un océan. Immensus Filius, comme dit de lui le Symbole de saint Athanase. Le Fils immense. Dans le paysage de l’Évangile (lequel paysage est, bien plus qu’un simple décor, un véritable lieu théologique), il y a tour à tour la mer et la montagne. Dans cette page-ci, les deux éléments se trouvent rapprochés de manière éminemment significative. Tandis qu’il est seul sur la montagne à « écouter la voix de fin silence », à écouter le Père (voir Jn 5, 30), Jésus ne perd pas pour autant connaissance des siens et, en vertu d’une ubiquité spirituelle qui est le don propre de la Présence véritable, il se rend immédiatement sur les lieux de leur détresse. Jésus sur la montagne avec le Père, Jésus sur la mer avec nous. Jésus sur la montagne qui est le Père, Jésus sur l’océan qui est le monde. « Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde. » (Jn 16, 28.) Jésus Fils, Jésus Frère. Précision de la Présence, toujours. Précision de la présence du Père à Jésus, sur la montagne. Précision de la présence de Jésus, exactitude de Jésus à nous être présent, sur la mer. Jésus, présent au Père, mais non pas de telle sorte qu’il s’absente de nous. Jésus présent à nous, mais non pas de telle sorte qu’il s’absente du Père. Et ainsi doit faire chacun de nous. Et tel doit être chacun de nous. Et telle doit être l’agilité spirituelle, l’agilité existentielle de chacun de nous. Car la prière véritable n’isole pas du monde, pas davantage que l’être-au-monde ne sépare du Père. Il y a ainsi, pour chacun de nous, une ubiquité qui est une certaine forme d’incarnation, autrement dit une participation à la condition même de celui qui est tout ensemble le Fils et le Frère.

Lorsque Jésus « monte dans la barque, tout vent cessant », il n’y a plus, aux yeux des disciples, comme au jour de la Transfiguration, que « Jésus seul » (Mt 17, 8). Non pas un « fantôme », mais Jésus dans sa tenue ordinaire de frère, de compagnon, d’ami. Jésus dans sa tenue toute simple d’être-là, et, plus précisément encore d’être-là-avec-nous (voir la promesse « eschatologique » de Mt 28, 20). « Ayez confiance : je suis ; ne craignez pas ! » (Mt 14, 27.) Et cet humble je-suis - je suis là - de l’ami, du frère dans la barque, est l’écho du grand Je-Suis de la Théophanie à Moïse (Ex 3, 14). Je-Suis n’est pas fait pour affoler, et c’est pourquoi, mieux que la tempête et le séisme, c’est la brise légère qui accompagne sa présence et la signale. Je-Suis se manifeste « par le menu », pour ainsi dire, c’est-à-dire sous les menues espèces de l’être-avec-nous-tous-les-jours. Comme Élie avait senti la Présence avec certitude dans le plus simple air du temps, les disciples reconnaissent la présence de Jésus, la Présence en Jésus, dans sa plus coutumière humanité. Comme Jésus lui-même, priant le Père sur la montagne, expérimente la présence du Père à travers la paisible obscurité de sa prière d’homme, les disciples, à leur tour, reconnaissent dans l’habituel être-là de Jésus avec eux la théophanie la plus incontestable, la plus solide, la plus propre à les confirmer : car ce n’est pas un fantôme ni un surhomme qui saisit le bras de Pierre prêt à sombrer, mais l’Ami, dans la nudité et la vigueur de ce qu’il a d’humain. Jésus seul en qui, finalement et pour toujours, la Présence se résume, la Gloire se manifeste. L’humanité du Verbe est elle-même, en somme, la « voix de fin silence », ou encore la « brise légère ». En Jésus, en l’homme Jésus, la Théophanie se dépouille de tout appareil, de tout apparat, de tout extra-ordinaire. « Génération mauvaise et adultère ! elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe du prophète Jonas… » (Mt 12, 39), c’est-à-dire le menu signe de l’ordinaire. L’adoration des disciples dans la barque nous renvoie dès lors à notre attitude religieuse fondamentale, ou plutôt interroge le fondement de notre attitude religieuse : acceptons-nous l’humilité de l’homme Jésus (Ph 2, 5-8) comme le lieu de la Théophanie ultime et plénière ? Acceptons-nous, pour aller à Dieu, l’humilité des médiations dont s’alimente et s’entretient ordinairement la foi et que le Seigneur a voulue positivement comme un prolongement de la sienne propre : l’humble et silencieux être-là de l’eau, du pain, du vin, de la parole, des Écritures, de la communauté, du frère ? L’être-là de Jésus-Christ, réellement présent à travers la plus petite chose, le plus « petit frère » (Mt 25, 40) qui nous la donne.

Comme l’a écrit l’intervenant juste au dessus de moi : la prière, le silence, la contemplation et le recueillement sont propices à aborder bien des mystères.


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