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Minga Minga 18 mars 2015 03:17

Bonjour, @ulysse. Oui, je suis l’auteur de l’affirmation citée.Comme vous l’avez relevé, les « auteurs classiques » sont nombreux à avoir négligé l’importance de la séparation des pouvoirs en démocratie. Le concept de séparation des pouvoirs remonte à Montesquieu, il était le fruit de sa réflexion sur l’absolutisme féodal, mais il n’allait pas au bout de son raisonnement, très probablement en raison de préjugés inhérents à sa classe sociale, en ne généralisant pas son analyse. Il a fallu bien d’autres penseurs ensuite, de Marx à Bourdieu en passant par Röhmer , Crozier, Sève, Aglietta, ... pour généraliser leurs raisonnements à toute forme d’organisation (famille, couples, entreprises, associations, sociétés, espèces, réseaux, ...).
Enfin, l’apport des sciences exactes a été essentiel, en particulier dans la compréhension, l’analyse, et la modélisation de réseaux complexes, en sociologie, en sciences cognitives, etc.
Avec la méthode scientifique, on se fout des assertions péremptoires sur « la nature humaine » autant qu’on se fout du sexe des anges. On ergote plus, on fait des statistiques. Et des probabilités. Quand j’écris que « 
Pour les flux d’informations, une hiérarchie se comporte comme un tas d’entonnoirs presque complètement bouchés. », ce n’est pas une opinion, c’est un fait mathématiquement démontré. Dans le vocabulaire des philosophes du XIXième siècle, celà signifie qu’il est désormais mathématiquement démontré qu’à peu près n’importe quelle autre forme d’organisation est plus efficace qu’une hiérarchie, et ce résultat n’est pas limité aux groupes d’humains, c’est un résultat bien plus général que l’on retrouve aussi bien en éthologie qu’en informatique théorique. Et même en économie : savez-vous pourquoi Google est bien plus rentable que Michelin ? Michelin, c’est le patronat paternaliste du XIXième siècle, avec une hiérarchie improductive pléthorique : quatorze niveaux hiérarchiques ! Chez Google il n’y en a que quatre, en comptant les actionnaires. Dans le vocabulaire du management moderne, on appelle ça un resizing. Un resizing, c’est la suppression de tous les échelons hiérarchiques improductifs. À la limite, pour un consultant à 10000$ de l’heure, l’abolition du féodalisme et de la monarchie furent un « resizing » ! Et la démocratie directe n’est qu’un « resizing » complet. smiley
Ce qui est amusant, c’est que pour continuer à faire du profit après avoir mondialisé puis globalisé le rapport marchand, le féodalisme devenu capitalisme en est réduit au « resizing », qui est une idée typiquement marxiste, même reformulée dans le vocabulaire hype du management haut de gamme ! Un resizing, c’est l’abolition du pouvoir des « petits chefs » à la suite d’un examen comptable de leur « utilité ».
Le plus drôle, c’est que Marx expliquait déjà dans son monumental pavé indigeste « le Capital » que dans un « capitalisme utopique » (libre concurrence), la « baisse tendancielle du taux de profit » rend ce système économique instable, autodestructeur (de valeur).
Ce qui est moins drôle, c’est que Marx en concluait déjà que les classes dominantes ne pouvaient continuer à régner que par la fourberie et la violence (violence directe et violence économique, évidemment, dans un monde régi par des rapports marchands).
Mais comme « Marx c’est pas bien » dans la sphère du « politacaly correct » qui ne l’a évidemment jamais lu, la fine fleur du capitalisme mondial met un peu de marxisme (économique) dans son vinaigre féodal comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : sans même le savoir. Si vous faites des statistiques par catégories socio-professionnelles (CSP), par exemple, vous faites des statistiques par classes sociales. En sciences sociales, par exemple (mais aussi en conception de jeux vidéo écrits dans des langages de programmation « orientés objet », ou encore en zoologie), il n’est donc pas inutile de comprendre qu’une classe sociale (dont les CSP ne sont qu’un cas particulier) est une classe d’équivalence pour une relation sociale, mathématiquement. D’ailleurs c’est si utile dans bien des domaines qu’en maths, on étudie les classes d’équivalence et les relations d’ordre au lycée.
Mais on peu très bien s’en servir comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, on est pas obligé de savoir d’où vient un savoir utile pour s’en servir smiley
On est même pas obligé d’avoir appris à l’école qu’une relation d’ordre entre éléments d’un ensemble définit des classes d’équivalence ...
Maintenant, ce n’est pas parce que l’on sait d’où ça vient, historiquement, qu’il faut me coller une étiquette et me ranger dans la petite case « marxiste » : ce serait réducteur., puisque mes idées sont pour l’essentiel issues des sciences. Leur reformulation en termes marxistes ou en termes marketing importe moins que le raisonnement lui-même.

Sauf sous l’angle bibliographique, bien sûr smiley

D’ailleurs, quitte à faire une réponse looooooongue, si je peux me permettre un conseil bibliographique, c’est de lire Lucien Sève. C’est un immense philosophe injustement méconnu, en plus d’être l’un des meilleurs sinon le meilleur traducteur et exégète de Marx en langue française. Il a « explosé » la psychanalyse dans sa grande vogue, cinquante ans avant Onfray, dans un livre introuvable titré « marxisme et théorie de la personnalité ». Il a été parmi les premiers à explorer philosophiquement l’émergence de la complexité, dans un livre co-écrit avec le chercheur engagé Philippe Gascuel, biologiste précurseur des simulations informatiques « à la Conway » (jeu de la vie), où ils contribuèrent au passage à vulgariser les travaux d’Ilya Prigogine, Nobel de chimie 1977 pour .ses travaux sur les structures dissipatives et l’auto-organisation. Et il a rappelé en 2006, dans une contribution historique au congrès du PCF (dont il était encore membre. Il ne l’est plus), passée à la trappe, que puisque le communisme de Marx c’était une société sans classes c’était donc nécessairement une société sans hiérarchie, citations pertinentes à l’appui, à foison, puisque nul ne connaît mieux Marx que lui, en France, du moins.

Si on vous demande de citer un philosophe de la complexité, on vous citera souvent Edgar Morin. C’est injuste, et ennuyeux. Injuste parce que la pensée marxiste de Lucien Sève, avec son matérialisme historique, est la philosophie de la méthode scientifique, de la méthode expérimentale, issue de l’observation du réel, et de l’émergence de la complexité bien avant Edgar Morin, et en poussant bien plus loin la réflexion. Et ennuyeux, parce que là où face aux catastrophes prévisibles Edgar Morin ne propose comme raison d’espérer que « le surgissement de l’improbable », Lucien Sève dispose du matérialisme philosophique appliqué aux sciences. L’évolution des systèmes complexes n’est pas toujours prévisible, elle peut être chaotique, ou intrinsèquement imprévisible simplement en raison de sa complexité (incalculable). Ce qui est scientifiquement prévisible, c’est que les systèmes inadaptés à leur environnement disparaissent. Inéluctablement.. C’est qui est arrivé aux dinosaures, et c’est ce qui arrive aux hiérarchies.


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