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Brath-z Brath-z 18 février 2010 16:30

Merci pour ce lien très instructif, Hermes !

Il donne de l’eau à mon moulin et confirme au-delà de toutes mes analyses le caractère profondément orienté idéologiquement de l’espéranto comme langue et comme pratique.

D’abord, quelle langue « utilitaire » à but de communication serait doté d’une règle d’airain ?

Ensuite, si on considère que cette déclaration était indispensable, il eu mieux valu se limiter à cette portion du premier titre : l’espéranto est une langue dont la finalité est de "donn[er] aux hommes des diverses nations la possibilité de se comprendre entre eux, [et servir] pour les institutions publiques dans les pays où se trouvent des rivalités de langues« . Là, on peut dire que c’est donner une utilité à l’espéranto. On identifie un besoin (permettre aux hommes des diverses nations de se comprendre entre eux, ou dans une nation avec rivalité de langue, servir dans les institutions ; on peut aussi ajouter aujourd’hui : servir dans les institutions communautaires supranationales) et on y propose une solution : l’adoption d’une langue internationale véhiculaire. Jusque là, rien à dire.
Là où cela se gâte, c’est dans la suite. Dès le titre 2, on parle de »partisans de l’idée d’une langue internationale« . Ouïlle ouïlle ouïlle ! S’il y a partisans, c’est donc qu’il y a partis (pas forcément structure, organisation ou autre, on dirait aujourd’hui »bord« ou »tendance« ). Dès lors, on entre dans la bataille d’opinion. On ne cherche plus à apporter une solution à un problème identifié et mentionné mais à imposer ses vues à d’autres. Quels autres ? La déclaration ne les mentionne pas, mais ils doivent exister, sans cela il n’y aurait pas de »partisans« . Un seul parti, cela n’existe pas. Même sous régime de parti unique, il y a plusieurs partis dans le parti.
Je passe sur le titre 3, à vocation juridique (même si la partie sur l’autorisation de se servir de la langue est très drôle), pour aborder le titre 4 qui m’a bien fait rire. En somme, l’espéranto ne peut plus évoluer que sur la marge. C’est donc que Zahmenof a été saisi par la grâce divine et qu’il s’est vu révélé la langue, la seule, qui n’aurait pas besoin d’évoluer jusque dans ses fondements pour exprimer le monde. Je ne suis pas philologue, mais enfin on m’a toujours dit que le statut d’une langue dont les règles sont fixées une fois pour toutes et pour laquelle les évolutions sont cantonnées à la marge est celui de »langue morte« . Voir par exemple le latin, langue de la Chrétienté, qui ne peut évoluer que par l’ajout de néologismes homologués par le Vatican. L’espéranto serait-il une langue morte ? Je n’aurais jamais osé affirmer une chose pareille (pour moi, l’espéranto est une langue - et un phénomène - marginale, mais pas morte).
Et le titre 5 est, quant à lui, totalement dispensable, quoique révélateur. Outre la »définition« du terme »espérantiste« (j’ai mit »définition« entre parenthèses pour la simple raison que celle avancée pour le mot »espérantiste« est stricto sensus celle du terme »espérantophone« et que si »espérantiste« doit être employé, il conviendrait de lui donner un autre sens), la recommandation d’adhérer à une société espérantiste révèle en effet que l’espéranto... est apparemment vouée au vase clos ! Voila qui est pour le moins contradictoire avec la vocation affichée au titre 1 (même si, déjà, elle est bancale).

Ah, tiens, un petit ajout de dernière minute. La déclaration commence par »l’espérantisme est l’effort fait pour répandre dans le monde entier l’usage« de l’espéranto. Sémantiquement parlant, un espérantiste est donc un adepte de l’espérantisme, c’est-à-dire quelqu’un qui oeuvre pour répandre dans le monde entier l’usage de l’espéranto. Or le dernier titre précise que »est nommé espérantiste celui qui sait et emploie la langue espéranto, pour quelque but que ce soit« (vous noterez qu’il est bien mentionné qu’il faut un but pour employer l’espéranto, voila une confirmation supplémentaire de la dimension largement idéologique de l’espéranto). C’est donc associer connaissance de l’espéranto et promotion de l’espéranto, autrement dit asséner que le seul bon practicien de l’espéranto est celui qui vise à en répandre l’usage. Donc c’est faire de l’espéranto une cause (dois-je encore faire le lien avec l’aspect idéologique sous-jacent ?), et de son practicien un prosélyte par définition. Je pensais que cette conception (qui me force à réévaluer largement à la baisse le nombre des »vrais" practiciens de l’espéranto) n’était présente que dans l’esprit de Krokodilo et de quelques autres.

Finalement, j’aurais préféré que cette déclaration confirme les principes qui ont préludé à sa création et qui ont motivé son rapide et relativement impressionant succès entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle (les mêmes raisons qui ont permit le succès du volapük malgré sa pratique absolument impossible, c’est dire si l’idée d’une langue internationale pour - enfin ! - faire la paix était populaire !). Parce qu’un peu de niaiserie sirupeusement humaniste et pleine de bonnes intentions, c’est tout de même moins déprimant qu’une simple course au finish des opinions.


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