Monsieur Gabriel,
Je vous ai, semble-t-il, signifié courtoisement et dans le respect le plus absolu des convenances que je ne goûte
que trop peu à la fréquentation des gens de basse naissance et condition ;
ainsi donc je vous demanderai à l’avenir d’éviter de m’apostropher ainsi ; faisant
preuve de cette animale familiarité qui ne peut que révulser une nature aussi délicate
et noble que la mienne, si ce n’est ne m’affliger que d’une trop grande souffrance mentale.
Ainsi donc, si vous désiriez m’interpeller à
nouveau, je vous demanderai de suivre les convenances et de vous adresser à ma
personne avec déférence et respect, montrant ainsi que malgré votre rang inférieur
vous avez tout de même quelque intelligence et entendement de la hiérarchie
naturelle qui naturellement me place au-dessus et vous en-dessous.
Ce sera donc un « Monsieur De la Souche en
Friche, puis-je avoir l’audace de me permettre quelques mots et porter à votre noble attention… »
je vous ferai grâce de devoir énoncer le détail de mes titres Archi-Duc de la Friche,
Baron d’en Souche, Marquis de la Brèle, 6548ème héritier de la
Maison Bourbon-Pinard. Je vous prierai aussi de faire cela d’une manière humble,
à la manière d’un discret raclement de gorge, en baissant les yeux, signifiant
ainsi l’entendement que vous avez de nos rangs et d’attendre qu’enfin je vous autorise à
exprimer quelques mots dans une illusion de langage civilisé, langage auquel
vous ne pouvez naturellement et raisonnablement prétendre.
Quant à votre jugement sur Monsieur le Vicomte,
qui même si il témoigne d’une certaine capacité au raisonnement, je vous
rappelerai Monsieur Gabriel, qu’en vertu de l’Ordre naturel et de la hiérarchie
qui en découle, vous n’êtes point autorisé à de tels jugements quant à ceux
qui vous sont naturellement et par droit divin supérieurs par rang, nature et
condition.
Je vous confierai tout de même que cette
affligeante condition qui est la sienne, me désole grandement, et qu’à l’évidence
nous préférerions que les commerces consanguins qui y ont mené soient plus
rares ; mais les êtres supérieurs tout comme l’excellence étant par nature rare,
seul le commerce entre personnes de même rang nous préserve de la dégénérescence
que des relations autant contre-nature que contre l’ordre divin produirait
inéluctablement.
Je vous informe aussi que je n’ai point l’usage de
cet ustensile dont Monsieur le Vicomte semble tirer quelque joie, je préfère
naturellement et positivement foutre que d’être foutu et cela en accordance
avec ma nature et condition ainsi qu’avec les principes de la décence, de l’hygiène ainsi
que ceux de notre Sainte Mère l’Eglise.
Monsieur Gabriel, sachez que chacune de vos roturières
apostrophes réveillent en moi le mal de la goutte qui depuis mon retour du
Soudan français m’afflige certainement. Alors sachez m’épargner autant la
souffrance d’un commerce avec une roture que je ne tolère que trop peu, que
celle d’un intempestif accès de goutte.