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Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 30 avril 2010 13:24

Plutôt essayer d’inventer quelque chose d’autre, en fait. Mais permettez-moi de d’abord glisser un petit commentaire sur les régimes que vous évoquez.

« Dictature » est un mot désormais dépourvu de sens profond. il est comme « liberté » ou « fascisme » : on l’a tellement employé, tant galvaudé son usage, qu’on ne sait plus bien ce qui se cache derrière. La domination d’une personne ou d’un groupe de personnes sur le reste de la population ? De facto, c’est à peu près ce que nous vivons aujourd’hui : la dictature molle, dont la répression se fait selon des modes de violence nouveaux, généralement non-physiques. La dictature est une forme de pouvoir, elle n’a pas vraiment de fonds, elle échappe à la classification des régimes.

Passons à monarchie absolue, maintenant : si vous me demandez si je suis royaliste, la réponse est non. Les prétendants au trône de France sont les rejetons de lignées qui ont substitué au peu de dignité aristocratique qui leur restait le culte du fric et la « pipolisation ». Ils sont à leur aise dans les pages de Gala ou Point de Vue, alors laissons-les y.

En revanche la notion d’absolutisme m’a toujours beaucoup intéressé, notamment l’absolutisme à fondement contractuel hobbesien : la masse des « gens » abandonnent la liberté absolue qui est celle de l’Homme à l’état de nature, pour instituer un souverain qui la représente, entité issue des masses mais distinct de celles-ci, qui incarne les intérêts supérieurs de cette abstraction qu’on nomme « peuple ». C’est cela le contrat social qu’on retrouvera plus tard chez Rousseau, la différence majeure, de ce point de vue, entre ce dernier et Hobbes étant que Rousseau théorise la souveraineté démocratique là où Hobbes dénie toute démocratisation de la souveraineté, bien que celle-ci soit bien issue du peuple. En effet, l’Etat de droit se fonde sur un abandon de liberté, tandis que l’idée force sur laquelle se bâtit le régime démocratique est cette même liberté.

Dès lors il y a, de mon point de vue, à terme, une incompatibilité quasi-structurelle entre démocratie et Etat de droit : il suffit de voir avec quelle efficacité les lois sont appliquées dans notre belle République pour s’en convaincre. Le pouvoir, qui n’est donc plus absolu, puisque la liberté est la notion fondamentale en démocratie, n’a plus pour objet d’édicter et d’appliquer ldes lois qui assureront la concorde civile, mais à satisfaire des intérêts particuliers : ceux des détenteurs du pouvoir et de leurs amis, d’une part ; et ceux des catégories qui assureront la réélection des dirigeants, d’autre part. Là encore, la campagne présidentielle de 2007 et la présidence Sarkozy apportent, me semble-t-il, de l’eau à mon moulin.

De fait on ne conçoit généralement pas d’Etat de droit en dehors de la démocratie, et pourtant les exemples historiques abondent, quand on veut bien les regarder et qu’on ne verse pas dans la caricature. J’aime l’exemple de l’Empire ottoman, car il est « extrême » : il est difficile pour nos mentalités occidentales d’accepter l’idée que ce régime, souvent présenté sous les traits de la « tyrannie orientale type », puisse être cité comme exemple d’Etat de droit. Pourtant, à son apogée, il en a les caractéristiques, édictant des lois et les faisant appliquer sans considération de statut social ou de religion. Mieux encore, le système du devshirme, bien qu’esclavagiste, réussit ce que les sociétés européennes d’alors -et hélas, serais-je tenté d’ajouter, d’aujourd’hui- s’avèrent incapable de faire : la sélection par le mérite seul, et que cette notion de mérite fasse système : c’est-à-dire que la reconnaissance du mérite ne relève pas de la chance ou du hasard, mais d’une technique intégrée à l’appareil d’Etat.

Cependant, pour en revenir à votre question, sur quoi peut-on fonder le « régime idéal », si tant est que ce régime existe ? Je reviens à ce concept d’idée force que j’évoquais précédemment : tout régime poltique, Aristote et Platon l’ont montré, est basé sur une idée fondamentale, un pilier idéologique sur lequel il repose, en même temps qu’il contient, en germes, les éléments de sa propre décadence, car cette nature univoque n’apporte aucune limite, aucun élément d’équilibrage. Ainsi la liberté, fondement de la démocratie, conduit elle fatalement à la faiblesse du pouvoir étatique et au désordre, désordre qui appelle logiquement un pouvoir plus fort, et c’est ainsi que la démocratie se corrompt, lentement mais naturellement, en tyrannie.

En conséquence le régime politique idéal, s’il existe et s’il est concevable, pourrait prendre la forme d’une « démocratie rationalisée », que j’opposerais à la « démocratie absolue » qui est la nôtre à l’heure actuelle : le suffrage, cette parcelle de souveraineté, n’y serait plus un droit, mais un devoir lié à une responsabilité, responsabilité qu’on n’accorderait uniquement à des citoyens ayant fait la preuve de leur capacité -et de leur volonté- à s’investir pour la collectivité.






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