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En réponse à :


samir 20 août 2010 14:58

@Catherine

on peut aussi evoquer la condition de la femme chez les bouddhistes ?

Enfin à ceux qui verraient dans le bouddhisme une religion moins brutale et plus ouverte au sentiment d’émancipation, il n’est pas inutile de rappeler quelques préceptes de la Précieuse Guirlande des avis au roi, que le Dalaï Lama ne dédaigne pas de citer et d’approuver dans son ouvrage, Comme la lumière avec la flamme :

L’attirance pour une femme vient surtout
De la pensée que son corps est pur
Mais il n’y a rien de pur
Dans le corps d’une femme

De même qu’un vase décoré rempli d’ordures
Peut plaire aux idiots
De même l’ignorant, l’insensé
Et le mondain désirent les femmes

La cité abjecte du corps
Avec ses trous excrétant les éléments,
Est appelée par les stupides
Un objet de plaisir".

La plupart des défenseurs du bouddhisme arguent qu’à ce moment-là le bouddha enseignaient à ses disciples (qui sont masculins à ce moment) d’éviter le plus possible les femmes, car un moine bouddhiste (bhikkhu qui n’est donc pas un laïc) doit faire voeu d’abstinence sexuelle et de célibat (en passant, certains moines bouddhistes zen japonais ont le droit de se marier et même d’avoir des relations homosexuelles, juste pour mettre en évidence la diversité des écoles bouddhiques). Et ainsi pour qu’ils puissent en être dégoûté il leur a dit ces verset.
Mon interprétation personnelle est que bouddha n’aime pas le sexe, et qu’il rejette la faute du sexe à la femme (pour l’empêcher d’avoir des tentations ) (d’un autre côté, il dit que ceux qui sont attirés par elle sont des idiots, mais bon ).

Et l’on cite souvent le fait que bouddha avait beaucoup hésité d’ordonner des femmes moines (bhikkhuni) dans la Sangha, malgré le fait que sa tante (qui l’a élevé) et sa femme, ainsi que quelques autres femmes, insistaient tellement qu’elles le suivent avec les autres bhikkhus partout où il vont.
Ce n’est que grâce à l’intervention de son disciple Ananda, qui lui dit y-a-t-il une raison quelconque pour que les femmes ne deviennent pas bhikkhunis. Bouddha, reconnaissant qu’il n’y a aucune raison valable accepta alors les femmes dans la Sangha (merci Ananda ! comme ça ma grand-mère a pu devenir nonne ). Il faut aussi mentionner que c’est la première fois dans l’histoire des grandes religions que les femmes rentrent dans le clergé.

Néanmoins, cette entrée dans le clergé bouddhiste est soumise à des conditions émises par Bouddha. Ainsi, les femmes bouddhistes sont soumises à plus de devoirs que leurs confrères masculins. Mais certains spécialistes du bouddhiste, en comparant différentes versions du Tipitaka (3 livres qui regroupent entre autres l’enseignement du bouddha et les instructions pour la Sangha), concluent que des règles supplémentaires encore plus contraignant ont été ajouté bien après la mort de bouddha.

Ces règles, au nombre de huit, sont :

1. Une nonne, quand bien même elle serait ordonnée depuis cent ans, doit, devant tout moine, quand bien même il serait ordonné du jour même, le saluer respectueusement, se lever en sa présence, s’incliner devant lui et lui rendre tous les honneurs qui lui sont dus.

2. Une nonne ne doit pas passer la saison des pluies dans une region ou ne séjournent pas de moines.

3. A chaque demi-lune, une nonne doit s’adresser à l’ordre des moines en vue de deux choses : la date de la cérémonie uposatha, et le moment auquel les moines vont dire la prédication de l’Enseignement.

4. A la fin de la retraite de la saison des pluies, les nonnes doivent tenir pavarana devant les deux sanghas, celle des moines et celles des nonnes, pour savoir si aucune faute n’a été commise en fonction de ce qui a été vu, entendu ou suspecté à leur propos.

5. Une nonne qui s’est rendue coupable d’une faute grave doit se soumettre à la discipline marlatta devant les deux sanghas, celle des moines et celle des nonnes.

6. L’ordination majeure (l’initiation upasampada) ne peut être sollicitée devant les deux sanghas que lorsqu’une novice a observé pendant deux ans les six préceptes (les cinq premiers préceptes plus le précepte qui impose de ne prendre qu’un repas par jour avant midi).

7. En aucun cas il n’est permis à une nonne d’injurier ou d’insulter un moine.

8. Les nonnes n’ont pas le droit de réprimander les moines ; il n’est pas interdit aux moines de réprimander les nonnes.

Bref, comme Saint-Paul, Bouddha est confronté vis-à-vis de la condition féminines aux contradictions entre son enseignement et son habitus imprégné des traditions sociales de l’époque. (d’où le danger de la textolâtrie qui nous renverrait aux coutumes rétrogrades).

Et qu’en est-il des faits aujourd’hui ?

En fait, l’attitude dépend fortement des écoles bouddhiques. Le bouddhisme n’imprègne la société laïque par 5 préceptes moraux (interprétables selon les contextes socials, géographiques et individuels), qui ne sont guère sexistes. Les moeurs qui codent les rapports de genre sont plutôt issus de coutumes locales des pays où le bouddhisme s’est implanté.

Le problème principal se trouve dans la situation des nonnes bouddhistes.

La situation varie selon les cultures. Ainsi les cultures les plus machistes, se trouvent dans le bouddhisme Theravada (doctrine des Anciens dit aussi Petit Véhicule, qui est la forme (point de vue enseignement) la plus proche du bouddhisme originel). En Thaïlande par exemple, où le bouddhisme pratiqué est du Theravada, il n’y a que très peu de nonnes bouddhistes, et s’il y en a, elles sont maltraités dans les monastères comme des servantes par leurs confrères masculins.

Dans le bouddhisme mahayana, les choses vont mieux. D’ailleurs, les nonnes du bouddhisme theravada se font ordonner par les bouddhistes mahayana, tellement les conditions pour l’ordination sont quasiment impossible dans leur courant. Mais l’égalité complète n’existe pas non plus. Du point de vue doctrinaire, il y a un sutra dans le courant Terre Pure où l’on mentionne que la femme doit d’abord se réincarner en homme avant de pouvoir atteindre le nirvana (c’est tellement sexiste que mon père l’évite à chaque fois qu’on les mentionne dans une prière). Et dire que les nonnes bouddhistes de ma pagode avalent cette énormité ! De même, les maître bouddhistes masculins ont toujours plus de privilèges que les maîtres bouddhistes féminins. Mais il a existé des maîtres bouddhistes féminins qui sont même très respectées (comme des abesses chrétiennes qui ont accompli des choses (e.g. Hildegarde von Bingen)).

Pour résumer, les situations différentes des nonnes bouddhistes en Asie, je cite cet extrait du second lien :

Dans son ouvrage Rencontres avec des femmes remarquables, Martine Batchelor évoque le statut des nonnes dans le bouddhisme sous forme du résumé suivant : les nonnes coréennes sont les égales des moines à 90%, les nonnes japonaises à 60%, les Taïwanaises à 85%, les Thaïs à 15%, les Tibétaines à 45%.

Actuellement, les choses changent à ce niveau, et les femmes prennent de plus en plus conscience de leur droit et se battent alors pour avoir l’égalité de droit dans l’ordination. Et en Occident, les « nouveaux bouddhistes » oublient carrément les passages sexistes qui sont liés selon eux aux institutions machistes de l’Asie.

Notons aussi que les textes bouddhiques n’ont été écrits et réunis que très tardivement, au moins trois siècles après la mort de Bouddha. Et n’oublions pas l’extrait de liberté de pensée bouddhique que j’ai cité plus haut, qui reflète une partie importante de l’esprit bouddhiste .

Malgré tout l’essence du bouddhisme veut qu’on dépasse le texte et les Enseignement même de Bouddha (voir les extraits cités plus haut) (comme l’essence du christianisme est le « Sermon sur la Montagne », et celle de l’islam c’est ce qu’a cité Georges dans l’autre sujet...euh, enfin, hem, no comment ). « Pas d’Attachement, même à la Vérité ». Ainsi, à moins qu’on souhaite vraiment une égalité homme-femme dans l’ordonnance monastique, on peut retirer ces textes sans perdre son essence (ou plutôt ON DOIT retirer ces textes pour préserver son essence, c’est une chirurgie nécessaire, comme on doit retirer le truc du voile des chrétiennes ou "femmes soyez soumises à vos maris" etc. dans les textes de Saint-Paul dans le christianisme).

Mais je ne dirai pas que l’essence bouddhiste en lui-même soit féministe ou antiféministe : il concerne tous les individus donc c’est plutôt universaliste ou humaniste (ce qui est plus fort), et pas un groupe spécifiquement. Le féminisme ne doit être orienté qu’avec la situation présente, avec les aspirations présentes des femmes et les études profondes des problématiques de genre.


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