Voilà un tableau bien sombre de l’état du monde. Et
pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence ; il n’y a là ni catastrophisme, ni
pessimisme mais un simple constat. Le XXème siècle n’a pas non plus été un long
fleuve tranquille pour autant ; deux guerres mondiales et des dérives
monstrueuses et tragiques de dictatures se réclamant d’une philosophie
communiste mal comprise n’en font pas une époque historique très glorieuse ni
un modèle de civilisation. Pourtant ce dernier siècle nous a fait connaître, en
occident du moins, une croissance économique et des progrès sociaux sans
précédent dans l’histoire de l’humanité, avant que le cours des choses ne
s’inverse sans espoir d’amélioration avant longtemps.
Plutôt qu’analyser les causes multiples et complexes de
cette décadence, nous pourrions nous interroger sur les raisons qui sont à
l’origine la montée en puissance, extrêmement rapide d’un point de vue
historique, de notre confort matériel et de la protection sociale dont nous
jouissons encore provisoirement.
Quelle est la différence la plus remarquable qui sépare la
société préindustrielle de celle d’aujourd’hui et qui a rendu possible cette
progression jusqu’à ce jour ? Et si tout reposait sur l’utilisation croissante
d’une énergie toujours plus abondante à un prix qui n’a fait que décroître par
rapport au coût horaire du travail humain ?
Les sources d’énergie dont l’homme disposait étaient
limitées à l’énergie musculaire humaine ou animale, à l’énergie éolienne
capricieuse ou hydraulique pour moudre son grain, pour l’irrigation et quelques autres
applications mécaniques limitées. Sans la machine à vapeur qui a permis un
premier décollage industriel et le moteur à combustion interne qui l’a
supplantée par la suite, l’homme n’aurait jamais pu se libérer du temps qui le
retenait aux champs pour se nourrir. Puis est venue l’énergie électrique, grâce
au charbon qui reste l’énergie primaire dominante utilisée dans le monde pour
la produire.
Ces nouvelles énergies ont généré des gains de productivité
et de temps créant un surplus de richesse individuelle et collective sans
précédent qui a rendu possible l’instauration des systèmes de prévoyance et de
protection sociale (privés ou d’État), le développement du secteur tertiaire de
services, de santé et la civilisation des loisirs. Elles sont aussi à l’origine
du développement considérable du transport et des échanges internationaux, en
volume et en rapidité. Sans ces énergies, nous aurions dû nous passer des
chaînes de froid qui préservent et conservent nos aliments tout au long de leur
périple depuis leur production jusqu’à leur consommation.
Imaginez ce que deviendrait notre société sans ces énergies
abondantes.
Il se trouve que la crise financière est venue briser cette
belle machine basée sur la croissance. Mais elle ne fait que masquer, pour un
temps, une réalité que nous oublions. Le fonctionnement de notre société repose
essentiellement sur des ressources énergétiques non renouvelables : le charbon
et le pétrole. Que nous parvenions à nous sortir de cette crise économique et
nous nous retrouverions devant cet autre défi bien plus problématique encore.