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easy easy 28 mars 2011 14:33

Bonjour à tous,

Mon propos n’est pas du tout de débattre de l’utilité ou du sens de notre intervention en Libye mais de mettre en exergue le fait que la guerre perd en transcendances (et que ce n’est pas forcément un mal)

Le cas de la Libye n’étant alors qu’une occasion de plus qui nous permet de mieux voir les évolutions des guerres sur le plan de leurs transcendances.

Par exemple, si pour quelque bataille au loin on utilise le mot croisade alors qu’on n’affiche au compteur aucun mort (qui ne soit pas un mercenaire) on a tout faux.
Car dans une croisade on doit combattre et éventuellement mourir pour une transcendance (dieu, un vieux tombeau, un morceau de vieille croix, des amis, des morts, des mémoires)

Quand on combat depuis un salon en envoyant un missile à 1000 bornes et qu’on ne risque rien que son fric, on n’est pas du tout du tout dans une transcendance, on est dans la sponsorisation, dans l’investissement immanent.
 
Une transcendance, qu’elle s’appuie sur l’amour ou sur la haine, appelle forcément au dépassement de soi ; elle appelle à offrir quelque chose de plus grand que ses misérables immanences ; elle appelle donc à offrir jusqu’à son sang, jusqu’à sa vie pour elle, pas son or, pas ses biftons. 

Du coup, comme Juluch a évoqué deux des transcendances qui jusque là nous poussaient à faire la guerre, à savoir le devoir, l’esprit de corps, je vais la reprendre pour essayer de recentrer le débat sur le devenir des guerres quand elles ne sont plus soutenues, protégées et validées pour la postérité par des transcendances

 

«  »« Malgré tout, je soutiens nos militaires qui font leur devoir et je leur apporte mon soutiens fraternel. »«  »

A mon sens, nous sommes encore dans la limite où l’on peut encore prétendre que nos militaires sont portés par des transcendances du genre amour de la patrie, fraternité nationale, devoir patriotique, solidarité de corps, de régiment, etc.

Mais nos militaires sont désormais tous des professionnels. Comme le dernier poilu est mort, comme à peu de choses près, ils ne risquent pas plus leur vie que les pompiers ou les policiers, le côté « Mort pour la patrie » tend à s’estomper.

Les pompiers morts le 11 septembre ont eu droit à infiniment plus de reconnaissance que les mercenaires de Blackwater morts « pour » les EU.
Le mot « Pour » étant évidemment bourré de transcendance. L’utiliser ou pas à cet endroit là
change complètement le regard.

Blackwater ou les mercenaires de Kadhafi nous montrent que plus ça va, plus les militaires meurent pour le fric sans être portés par la moindre transcendance, tout au contraire. Et il ne vient pas à l’idée de ceux qui les paient d’évoquer autre chose que le fric. 
 

Il y aura toujours deux grandes sortes de guerres, celles qu’on mène pour défendre son territoire et là, il peut y en avoir encore pour des siècles car sans aucun doute les citoyens devront toujours se porter au combat, et celles qu’on mène au loin. Au train où ça va, ces dernières ne seront probablement plus menées que par des mercenaires dont la mort ne nous fera ni chaud ni froid. Les mercenaires morts, quand bien même seraient-ils des millions, ça laissera tout le monde indifférent. Comme si c’étaient des androïdes.

On assiste à un changement radical de l’image de la guerre dont l’esthétique rejoindra de plus en plus celle des jeux vidéos où ce sont les esthétiques immanentes (muscles armes, boucliers, énergies) qui fascinent et non les esthétiques morales.


Ces guerres au loin, où seuls des mercenaires meurent, conduiront à la disparition de la sonnerie aux morts et chacun pourra donner un avis beaucoup plus libre sur l’opportunité de les mener. 

Dans quelques années, face à une situation du genre Libye, nos technocrates et eux seuls sortiront des tableurs et nous diront : Si l’on dépense 100 millions en armes et mercenaires, on a des chances de récupérer 300 millions en pétrole, que décidez-vous ? 
On ne parlera alors plus que de fric et ça évitera tous les discours en langue de bois qui enfument encore nos actions militaires. 


Et le plus étonnant, c’est qu’à terme, étant donné que la mort de 1000 ou 10 000 employés de Blackwater ne créera strictement aucun trouble moral (on ne saura même pas s’ils ont été enterrés quelque part) étant donné que nous n’aurons aucune mort de patriote à déplorer, les seuls qui pourront encore mouliner de transcendances, d’héroïsme, de sacrifice de soi, ce seront les groupes terroristes qui affichent des mort, des martyrs.
Eux seuls ne se paieront pas de mercenaires et ils resteront peut-être les derniers à verser leur sang pour autre chose que le fric.


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