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L’Ankou 2 août 2011 16:25
Bonjour,

Il me semble que vous appelez « idéologie » ce qui ne mérite que l’appellation de « fiction ». C’est une nuance, mais vous allez voir qu’elle peut tout changer.

Vous semblez dénoncer les présupposés qui fondent le débat sur le droit au mariage des homosexuels. Selon vous, il y aurait, en amont de ce débat, des questions importantes qui, une fois tranchées, rendrait la question elle-même, inutile et caduque.

Vous contestez notamment que le débat se pose en termes d’institution du mariage. J’en disconviens : le mariage est bel et bien une institution, avec des conséquences juridiques importantes, notamment sur les plans (l’étymologie vous plaira...) matrimonial et patrimonial.

Sur le plan patrimonial, je précise au passage que le mariage fusionne, au moins partielement, des patrimoines (avec des nuances selon les régimes choisis et avec des variantes selon le contenu des contrats de mariages). S’il est idiot de prétendre que le mariage se réduit à une affaire strictement privée entre adultes consentants, c’est principalement à ce titre. C’est aussi pourquoi les mariages sont publics et que des bans sont publiés : il faut avertir les créanciers des époux qu’ils ont des garanties nouvelles sur leurs créances. Je sais, ça manque de romantisme, mais l’institution est comme ça.

Sur le plan matrimonial, le mariage instaure effectivement une présomption de paternité. Les enfants nés dans le mariage n’ont pas à faire la preuve que les époux sont leurs parents. Cela vous choque visiblement, et vous trouvez cette disposition inapplicable aux homosexuels. Dans leur cas, il est « évident » que les parents, étant de même sexe, ne sont pas biologiquement les géniteurs de l’enfant.

Ce faisant, vous énoncez vous-même un présupposé, qu’il me faut contester sur deux points :

D’une part, d’un point de vue biologique, on peut parfaitement imaginer un homme surmonter ses penchants naturels pour d’autres hommes, le temps de concevoir un enfant de la façon la plus naturelle avec une femme. De même, deux femmes qui s’aiment pourraient tolérer une infidélité conjugale, le temps que l’une d’entre soit mise enceinte par un tiers, sans qu’il soit par ailleurs indispensable de recourir à procréation artificielle. Il n’est donc pas exact de dire que des personnes homosexuelles ne peuvent avoir d’enfants de façon « naturelle ». Effectivement, cela se résume assez bien dans l’expression « les homos ne sont pas stériles ».

D’autre part, et réciproquement, deux personnes mariés et de sexes opposés peuvent ne pas être les géniteurs des enfants nés dans le mariage. Outre les infidélités conjugales et les familles recomposées, dont je sens qu’elles pourraient vous offusquer, il existe des raisons parfaitement honnêtes et morales de procéder. Tel est notamment le cas lorsque l’un des époux s’avère incapable de procréer. Mais un autre cas plus évident existe, dont vous ne pouvez nier la générosité : c’est l’adoption.

Or, pour tous ces cas, l’institution du mariage et la procédure d’adoption, en tant qu’ils sont des fictions juridiques, remplacent autoritairement une insuffisance naturelle par un mensonge juridique : la paternité juridique prime fièrement sur la paternité biologique. Aussi arrogant que pour voler, lui qui est né sans aile, ou que pour parcourir les mers, lui qui est né sans nageoires, l’être humain défie une nouvelle fois les dieux ou le sort en proclamant que sa fiction prime sur la « réalité » fut-elle « naturelle ». Il me semble qu’en inventant l’adoption, l’Homme s’est grandi. Qu’appelle-t-on « civilisation », sinon l’ensemble des règles que l’Homme s’est donné en remplacement de celles qu’il subissait dans son état de « nature » ?

D’ailleurs, il me semble que les peuples antiques, qui avait déjà inventé l’adoption, allaient encore plus loin : l’adoption ne servait pas qu’à reconstituer un lien de filiation, mais toute forme de lien familial : ainsi, vous pouviez adopter comme sœur ou comme mère, une parente lointaine par alliance, la sœur de votre épouse, afin que, sa famille ayant disparue, elle continue a jouir d’un statut social et puisse légalement bénéficier de vos subsides. Cela légitimait le soutien alimentaire que vous décidiez de lui apporter...

Donc, le mariage est une fiction qui fait, depuis très longtemps, prévaloir une situation issue de la volonté humaine sur une situation « naturelle » ou « biologique », au risque de bafouer certaines « évidences » naturelles. Le droit répare ainsi certaines insuffisances de la nature et des injustices naturelles, comme le fait, pour un enfant, de se retrouver sans parent ; ou pour un parent, de vouloir procréer sans pouvoir le faire. Prendre le contrepied des impossibilités naturelles est une des raisons d’être de nombreuses dispositions juridiques, et notamment, de toutes les présomptions légales. C’est aussi une des raisons d’être de la plupart des réalisations humaines, qu’il s’agisse de construire, de semer ou d’élever du bétail, de faire fonctionner des centrales électriques et de diffuser des idées à distance via un réseau informatique...

Si vous aviez abandonné, bien en amont du débat, le présupposé inapproprié selon lequel le mariage valide une situation naturelle ; si vous aviez, à l’inverse accédé à la compréhension que le mariage est, par essence, une fiction, c’est à dire, littéralement, qu’il est contre nature, alors c’est vous qui n’auriez pas abordé le débat par une question qui, finalement ne devrait pas se poser.

Bien à vous,
L’Ankou


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