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1944, l’Italie libérée... et violée par les goumiers marocains : le drame des « Maroquinades »

Le printemps 1944 en Italie, une période de libération et d'espoir après des années d'occupation nazie. Pourtant, dans l'ombre de la victoire alliée se déroule un drame méconnu, une série de crimes de guerre commis par des soldats du corps expéditionnaire français (CEF), en particulier des goumiers marocains, à l'encontre de la population civile italienne. Viols, meurtres, pillages... ces atrocités, connues sous le nom de "Maroquinades", laissent une plaie béante dans la mémoire collective italienne.

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Le contexte : une Italie divisée, une armée française en marche

Le 10 Juillet 1943, le débarquement allié en Sicile ("Opération Husky") précipite la chute de Benito Mussolini, le Duce. Le royaume d’Italie se retrouve coupée en deux : le sud sous contrôle allié, le nord sous la coupe de la République sociale italienne, un régime fantoche pro-nazi. L'Italie est exsangue, meurtrie et divisée. Les populations civiles, prises en étau entre les combats et les bombardements, aspirent à la paix et à la liberté.

 

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C'est dans ce contexte que le corps expéditionnaire français, commandé par le général Alphonse Juin, débarque en Italie en novembre 1943. Composé en grande partie de soldats nord-africains (Marocains, Algériens, Tunisiens), il a pour mission de briser la ligne Gustav, une ligne de défense allemande qui barre la route de Rome. Parmi ces soldats, les goumiers marocains, aguerris et réputés pour leur courage et leur connaissance du terrain montagneux, joueront un rôle crucial dans la bataille de Monte Cassino.

 

Maréchal Juin, brève biographie - Action française

 

La bataille de Monte Cassino et ses conséquences

La bataille de Monte Cassino, qui fait rage de janvier à mai 1944, est un moment clé de la campagne d'Italie. Les goumiers marocains du corps expéditionnaire français s’y distinguent par leur bravoure, escaladant les pentes abruptes du mont Cassin sous un déluge de feu ennemi. Leur contribution à la victoire alliée est indéniable, mais elle a un prix terrible. Les pertes sont lourdes, et la violence des combats laisse des traces profondes dans l'esprit de ces hommes.

 

 

C'est à la suite de cette bataille, dans le sillage de l'avancée des troupes alliées, que les violences à l'encontre des civils italiens se multiplient. Épuisés, traumatisés par les combats, certains goumiers marocains, livrés à eux-mêmes et mal encadrés, se laissent aller à des actes de vengeance et de pillage.

 

 

Les "Maroquinades" : une vague de terreur

Dès avril 1944, et jusqu'en juin, des villages de la Ciociaria, une région montagneuse au sud de Rome, sont le théâtre d'exactions d'une rare violence. Les témoignages de l'époque font état de viols collectifs, de meurtres, de pillages. Les femmes sont les premières victimes de cette barbarie.

 

 

Imaginez ces villages paisibles, nichés au cœur des montagnes, soudainement envahis par des soldats étrangers. La peur s'empare des habitants, les cris des victimes résonnent dans les ruelles étroites. Des femmes violées sous les yeux de leurs enfants, des hommes torturés et tués, des maisons saccagées. L'église de Patrica est transformée en bordel militaire. Le curé du village, Don Alberto Terilli, tente de s'interposer, en vain. Il est roué de coups et menacé de mort.

 

Des récits glaçants

À Ceccano, Patrica, Supino... les récits des victimes et des témoins sont poignants. Des femmes, jeunes filles, mères de famille, sont traînées dans les maisons, les granges, les églises, violées à plusieurs reprises par des groupes de soldats. Certaines sont tuées après avoir subi des sévices inimaginables. Les hommes qui tentent de protéger leurs familles sont abattus sans pitié.

Maria, une jeune fille de 17 ans, raconte comment elle a été violée par une dizaine de goumiers dans l'église de son village. Elle a survécu, mais porte à jamais les séquelles physiques et psychologiques de ce traumatisme. Giuseppe, un vieil homme, a vu sa femme et ses deux filles emmenées par des soldats. Il ne les a jamais revues.

Combien de femmes ont été violées ? Combien d'hommes ont été tués ? Les estimations varient, le chaos de la guerre et le silence qui a longtemps entouré ces événements rendent le travail des historiens difficile. On parle de 2 000 à 7 000 femmes violées, et de centaines de morts. Mais au-delà des chiffres, ce sont des vies brisées, des familles totalement détruites, des traumatismes qui marqueront des générations à jamais.

 

Les causes : une convergence de facteurs

Comprendre les raisons derrière les atrocités des "Maroquinades" est une tâche complexe qui nécessite de prendre en compte un ensemble de facteurs. Il ne s'agit pas de justifier l'injustifiable, mais d'analyser les circonstances qui ont pu conduire à de tels actes de barbarie.

L'un des éléments souvent mis en avant est le manque de discipline au sein des troupes coloniales du corps expéditionnaire français, et plus particulièrement parmi les goumiers marocains. Ces soldats, aguerris et efficaces au combat, étaient habitués à une grande liberté d'action sur le champ de bataille. Leur encadrement, souvent insuffisant, peinait à maintenir une discipline stricte en dehors des zones de combat. La guerre, avec son lot de violence et de chaos, a pu exacerber cette tendance et brouiller les frontières entre l'acceptable et l'inacceptable.

Le contexte de la bataille de Monte Cassino a également joué un rôle important. Les combats, d'une rare intensité, ont duré des mois, causant de lourdes pertes et soumettant les soldats à un stress extrême. Les goumiers marocains, en première ligne, ont été confrontés à la mort et à la souffrance de manière quotidienne. Ces expériences traumatisantes ont pu les désensibiliser à la violence et les conduire à des actes qu'ils n'auraient jamais commis en temps de paix.

Il est également important de considérer les préjugés racistes et culturels qui existaient à l'époque. Certains soldats du CEF, issus d'une société différente, avaient une vision stéréotypée des femmes italiennes. Ces préjugés, amplifiés par la propagande de guerre, ont pu contribuer à déshumaniser les victimes et à faciliter le passage à l'acte.

Enfin, la promesse d'un "laissez-passer" de cinquante heures, faite par le général Juin à ses troupes avant la bataille de Monte Cassino, a pu être interprétée par certains comme une autorisation implicite de commettre des violences. Si l'existence même de cette promesse est sujette à débat, elle illustre le climat d'impunité qui régnait au sein de certaines unités du corps expéditionnaire français.

 

La responsabilité des autorités françaises

Il est important de souligner que la responsabilité des "Maroquinades" ne repose pas uniquement sur les soldats. Les autorités françaises, en minimisant l'affaire et en limitant les poursuites judiciaires, ont contribué à l'impunité des coupables. Le général Juin lui-même a refusé de reconnaître l'ampleur des exactions et a mis en avant le comportement héroïque des goumiers pendant la bataille. Cette attitude a permis à de nombreux coupables d'échapper à la justice et a laissé les victimes sans réparation.

Le gouvernement français de l'époque, soucieux de préserver l'image de son armée et de maintenir de bonnes relations avec le Maroc, a choisi de fermer les yeux sur ces événements. Les rares soldats qui ont été jugés l'ont été pour des faits mineurs, et les peines prononcées ont été légères. Cette impunité a ajouté à la douleur des victimes et a nourri un ressentiment profond envers la France.

Le film "Indigènes" de Rachid Bouchareb, sorti en mai 2006, met en lumière l'histoire oubliée de quatre soldats nord-africains engagés dans l'armée française pendant la Seconde Guerre mondiale. Il dénonce les injustices et les discriminations dont ils ont été victimes, tout en passant totalement sous silence les crimes de guerre qu'ils ont pu commettre.

 

 

La mémoire et la reconnaissance des victimes

En Italie, le souvenir des "Maroquinades" est resté vivace. Longtemps tabou, ce drame fait désormais l'objet d'un travail de mémoire. Des films, des livres ont contribué à faire connaître ces événements tragiques au grand public. Le film "La Ciociara" de Vittorio De Sica, sorti en 1960, a joué un rôle important dans la prise de conscience de l'opinion publique italienne et internationale.

 

 

Carlo Azeglio Ciampi, alors président de la République italienne, a fermement condamné les violences commises à l'encontre des civils lors d'un discours prononcé à Cassino le 14 mars 2004. Il a insisté sur le caractère impardonnable des actes barbares perpétrés contre les femmes, les enfants et les personnes âgées à Esperia et dans de nombreux autres villages, soulignant ainsi la gravité des crimes commis et l'importance du devoir de mémoire.

 


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18 réactions à cet article    


  • ETTORE ETTORE 24 janvier 17:26

    Merci !


    • @ETTORE

      Merci pour votre commentaire. 

      Le drame des « Maroquinades » a touché toute l’Italie du Sud. C’était un sujet tabou, il y a encore quelques dizaines d’années. Ma nonna Maria, décédée il y a 4 ans, à l’âge de 96 ans, a été la première à me parler de cet épisode tragique de l’histoire, totalement méconnu en France, il y a plus de 40 ans. Elle a vécu pendant près d’un an cachée par sa famille et des amis, en Sicile. Il y a eu également de très nombreux viols d’Italiennes par les GI’s. 


    • Astrolabe Astrolabe 24 janvier 19:27

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia
            
      y compris en France après l’opération Overlord


    • @Astrolabe

      Oui, c’est exact. Et même en Angleterre, où les GI’s étaient installés. 


    • Astrolabe Astrolabe 24 janvier 19:37

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia
            
      Sinon, pour la source de la dernière image de l’article sur la femme bourreau aux gros poumons, toujours rien ?


    • @Astrolabe

      Hélas, toujours rien. Et pourtant, cette photo a été utilisée dans un reportage vidéo sur Irma Grese. A mon avis, elle a bien été modifiée et nous sommes plusieurs à avoir été trompés. Et pourtant, je suis très vigilant. 


    • Astrolabe Astrolabe 24 janvier 19:48

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia
           
      A priori, il n’y pas de raison d’en douter.
      Néanmoins :

      1. selon vous, quelle serait le but de cette manipulation d’image ?
      2. Pourquoi, alors que vous aviez des doutes, l’avoir choisi comme image d’illustration finale ?

    • Astrolabe Astrolabe 24 janvier 19:50

      ps : vous pouvez répondre sous l’autre fil, ma question étant hors-sujet ici)


    • Montagnais .. FRIDA Montagnais .. FRIDA 25 janvier 04:19

      @Giuseppe di Bella di Santa Sofia

      Oui . . par les « G.I’s » .. Comme en Normandie, comme en Lorraine ( je sais de quoi je parle . . ) comme en Allemagne ..
      . .
      Le petit caporal autrichien, diabolique marionnette, avait bien fait le boulot sur lequel les Godons et les Ricaincains l’avaient installé . .
      . .
      Interrogez-vous
      . .

      • Pourquoi les Américains ne sont pas venus nous protéger dés 39  40 ..
      • Qu’est-ce-que c’est le dollar jaune ?
      • Pourquoi de Gaulle n’a jamais mis les pieds sur les « plages du débarquement »
      • Et Mers El-Kébir ?
      • Pourquoi Mussolini a été jeté dans les bras du petit caporal par les Anglais ( et les Français)
      • Pourquoi et comment le « pacte Germano-soviétique » n’a pas duré
      • Qui était à la signature de la Fin . . ?
      • Comment et quand l’Amérique a-t-elle conquis la première place ? . . qu’elle s’apprête à bien consolider
      • . . 

      Votre article, excellent, ne rétablira pas la totalité de la vérité

      . .

      Un de mes très vieux copain est Italien, originaire de Monte-Cassino Issu d’une grande famille qui a bien témoigné .. sans grands effets . .


    • colibri 25 janvier 11:36

      @Montagnais .. FRIDA
      « Un de mes très vieux copain est Italien, originaire de Monte-Cassino Issu d’une grande famille qui a bien témoigné .. sans grands effets »

      c’est que le mal et la barbarie dérangent . .les gens préfèrent regarder ailleurs 


    • V_Parlier V_Parlier 26 janvier 17:50

      @ETTORE
      Ils s’imaginaient déjà refaire un « Al-Andalous » bis, à défaut de l’Espagne.

      Cette fois, aucun devoir « de repentance » n’est demandé. L’Italie n’a pas autant de droit à la parole que l’Algérie !


    • Les « G.I’s » n’ont jamais été capable de prendre le Monté Cassino.

      Donc ça piétinait fortement, il fut demandé à l’état major français de trouver une solution.

      Fort, des techniques d’artilleries datant de la guerre de 14-18 . Par vagues humaines, les tabors Marocains ont grimpé en direction du Monté Cassino.

      Ben voyons , tour à tour tués par les allemands et le barrage d’artillerie français, les tabors ont progressé.

      Actuellement qui peut vivre cet enfer à leur place. !

      Après la bataille aurait il fallu les déplacer en zone de débrifing, certes mais à cette époque ces choses n’étaient pas prévus, ni financées.

      Actuellement en Ukraine c’est pareil à une petite exception prêt, si les soldats se replient sans vraiment avoir reçu un ordre. Ben les militaires du SBU les exécutent.

      Amusant , n’est ce pas !  

         

       


      • titi titi 27 janvier 14:50

        @SPQR-audacieux complotiste-Monde de menteurs

        "Les « G.I’s » n’ont jamais été capable de prendre le Monté Cassino.

        Donc ça piétinait fortement, il fut demandé à l’état major français de trouver une solution."

        Hummm... c’est à voir.

        En France, on est persuadé que ce sont les troupes françaises qui ont été déterminantes pour la victoire.

        Mais en Pologne, on est persuadé que ce sont les troupes polonaises qui ont été déterminantes pour la victoire.

        Et au Canada, on est persuadé que ce sont les troupes canadiennes qui ont été déterminantes pour la victoire.

        Monté Cassino est une victoire que les américains ont laissé au crédit des pays qui avaient besoin de redorer leur blason.

        Les francais et les polonais suite à la défaite de 1939-40, les canadiens suite au désastre de Dieppe.


      • Jean Keim Jean Keim 25 janvier 08:23

        Il y a des horreurs commises pendant une guerre, est-ce étonnant ?


        • V_Parlier V_Parlier 26 janvier 17:54

          @Jean Keim
          Sauf que les horreurs de ce genre en si grand nombre (quand on ne les invente pas comme de nos jours parfois), ça donne une certaine idée du belligérant.


        • Wladimir 25 janvier 16:55

          Merci à l’auteur pour cet article .

          Il faut dénoncer les abominations quel que soit le bord des monstres qui les commettent . Il n’y a pas les bons d’un côté et les mauvais de l’autre rien qu’en franchissant par exemple une frontière . 

          L’histoire racontée aux enfants est écrite à sens unique ... et trop de gens vivent dans le déni ... refusant d’admettre les torts de leur armée dite ’sacrée’ ... Ben , si ils mettent le mot sacré si facilement , alors le doute nous vient : quelles sont leurs vraies valeurs ?

          Les hommes qui foncent au combat manquent d’instinct de conservation .

           Leur vie ne vaut pas grand chose à leurs propres yeux ... et celle des autres non plus ... Il faut de la haine pour accepter d’aller se battre à mort ... 

          Bien souvent l’alcool par exemple excite certaines troupes .

          La barbarie est évidente au niveau du simple soldat ... mais permise par les chefs et passée sous silence par les autorités ... donc culpabilité et complicité des autorités ... L’article le raconte dans cette histoire . Conclusion ; actes barbares des soldats mais barbarie partagée des autorités ... 

          Rappel : il y a toujours eu des hommes , mêmes soldats , qui refusaient de tuer ... mais ces héros cachés sont ignorés . Il y a aussi ceux qui refusaient de porter l’habit de soldat . Très dur de devenir un véritable héros : le prix à payer est parfois terrible ... Victoire de la conscience mais souvent défaite dans la vie matérielle .


          • Montagnais .. FRIDA Montagnais .. FRIDA 26 janvier 05:16

            Qu’en pensez-vous ?

            . . 

            https://www.youtube.com/watch?v=K54TI4wdWV4&t=348sLà 

            . .

            « D-Day : un historien détruit les mensonges historiques des Américains ! - Eric Branca »


            • Montagnais .. FRIDA Montagnais .. FRIDA 29 janvier 13:15

              @Montagnais .. FRIDA

              Ah ! que la vérité est mail vue, mal notée . .


              Le gendre de Pierre Laval , René de Chambrun était affilié par sa mère aux Roosevelt , avait la nationalité américaine et avait cornaqué Pétain lors de son voyage aux USA avant guerre 
              . .
              Un exemple parmi cent mille !
              . .
              Vive l’AMGOT ? 

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