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Accueil du site > Tribune Libre > 1962-2012 : L’Algérie 50 ans après !

1962-2012 : L’Algérie 50 ans après !

“Tous les hommes sont frères, mais pour leur malheur ils ne le savent pas encore.”

“Juifs, Chrétiens, Musulmans, hommes de la terre entière, 
fidèles à vos identités, mettez fin à vos guerres, reconnaissez-vous pour frères,
unissez-vous et bâtissez ensemble l'avenir de gloire enfin ouvert à toute l'humanité.” 
André Chouraqui.

"Ben vous n’avez pas fini avec tout ce tintouin qui nous casse les oreilles !"

Mais oui, rappelez-vous, c'était dans les années 1957-62, du temps où l'on avait encore les mains dans les poches pour éviter que nos billes ne tombent. C'était quand on avait couru jusque devant la place du village, devant la mairie et l'école communale qui rassemblait alors toutes les classes dans la même pièce autour du poêle à charbon, avec la casserole au dessus qui bouillait pour humidifier l'atmosphère. 

Oui, rappelez-vous ! Ce jour-là encore, le garde-champêtre y était allé de son tambour à s'en casser ses baguettes ! Et nous on se marrait comme des malades en s'en plier le ventre de rire !

Oui, rappelez-vous, c'était le temps des conscrits. De ces pauvres malheureux qui ne savaient pas qu'ils feraient partie de la génération dite "la Génération du silence". De ces jeunes hommes de 20 balais qui ne savaient pas encore que les salopards de politiques et de généraux les forceraient à faire ce qu'ils n'avaient pas envie de faire et encore moins d'imaginer la honte qui les briseraient pour le restant de leur vie en revenant dans leur patrie. Patrie qu'ils n'avaient officiellement pas quittée puisqu'il ne s'agissait que "du maintien de l'ordre dans les colonies d'Afrique" que l'on appelait alors, le département du territoire de l'Algérie française.

Oui, rappelez-vous, on avait crié goguenard au garde-champêtre : "Ben, c'est pas fini tout ce tintouin qui nous casse les oreilles !" 

Et on avait filé "ventre à terre" avec nos billes qui tombaient de nos poches quand le "tambourineur" nous avait répondu l'air sévère et déjà bien amoché par le pinard : "Quoi, qu'est-ce vous dites les morveux ? Foutez-moi le camp de là, c'est pas encore votre tour !”

Oui, rappelez-vous, on avait alors décampé comme des lapins de garenne sans demander notre reste en perdant quelques calots dans notre course, mais heureux de notre insolence mémorable ! 

Oui, rappelez-vous, on ne savait pas alors ce que cet employé communal modèle savait. 

On n'aurait d'ailleurs su comment du fond de notre campagne bouseuse ce qu'il savait de la guerre qui brise les familles des deux côtés des belligérants ? 

Lui le savait très certainement et devait en pleurer à s'en noyer au 12 degrés, pour oublier sa conscience qui lui disait de fuir plutôt que d'obéir à sa fonction de garde-champêtre, porte-parole de la République, dont l'autorité consistait à transmettre les ordres de la Défense nationale dans les plus petits coins du territoire communal. 

Mais fallait-il pour autant démissionner et perdre ce maigre revenu qui ne suffisait déjà pas à l'entretien de la vie quotidienne de son foyer et des dépenses de ses mioches qui fanfaronnaient devant les autres enfants de notre petit village qui crânait avec son frontispice de la "Liberté, Egalité, Fraternité" ?

Car soyons juste, bien peu furent ceux qui eurent le courage de déserter, de fuir ou qui s'opposèrent à la guerre, à la torture et à la dégradation des civilisations. Seuls, quelques uns osèrent. Je ne les nommerai pas ici car ce n'est pas l'orgueil qui les intéresse ni le propos de ce jour.

Non, nous ne savions pas que le monde des adultes n'est pas un monde très accueillant suivant les générations où l'on arrive et le pays où l'on tombe…

Pourtant, “Tous les hommes sont frères, mais pour leur malheur, ils ne le savent pas encore.”
 

Pierre Sarramagnan-Souchier, 

journaliste français, citoyen pacifiste.

Légende de l'illustration :

La Terre est ma patrie et l'humanité est ma famille. Khalil Gibran. Calligraphie de Hassan Massoudy 


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4 réactions à cet article    


  • Radix Radix 31 mars 2012 13:45

    Bonjour Pierre

    J’avais dix ans à la fin de la guerre d’Algérie.
    Mon père avait été déporté en Autriche et en rentrant, fin 45, de son long périple qui lui avait fait « visiter » la moitié de l’Europe, il s’est entendu dire, par les « autorités compétente » que, n’ayant pas remplit ses « obligations militaires » (sic) il allait devoir faire son service !

    Il a refusé.

    Depuis nous sommes une famille d’anti-militariste convaincu !

    Radix


    • Pierre Sarramagnan-Souchier Pierre Sarramagnan-Souchier 31 mars 2012 14:39

      Bonjour Radix !

      Mes salutations à votre famille alors…
      De la part du pacifiste de service !
      Pierre

    • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 31 mars 2012 17:54

      Beau texte que celui de Chouraqui. Dommage qu’il n’inspire pas grand-monde !


      • Pierre Sarramagnan-Souchier Pierre Sarramagnan-Souchier 30 juin 2012 11:24

        Précision : 

        Les Accords d’Évian du 18 mars 1962, débouchent sur l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet de la même année.

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