À Guangzhou, on pleure quand on meurt, et on rit cantonais
Depuis longtemps, les Français avaient l'habitude de franciser les noms des villes (Rome pour Roma, Londres pour London, Varsovie pour Warszawa, Agora pour Ankara), et c'est la raison pour laquelle nous connaissons la ville de Guangzhou sous le nom de Canton, sans toujours savoir qu'il s'agit simplement de la francisation du nom de la province dont cette ville est la capitale, « Guangdong ».
Elle a le statut administratif de ville sous-provinciale de la république populaire de Chine, mais dans les faits, il s'agit, depuis l'Antiquité, de la plus grande ville du Sud de la Chine. Elle compte aujourd'hui 14,9 millions d'habitants, ce qui en fait la troisième ville la plus peuplée du pays derrière Shanghai et Pékin, et la première du sud de la Chine. Elle forme avec les villes voisines de Shenzhen, Foshan, Dongguan, Zhongshan et Jiangmen, Hong Kong et Macao, la mégalopole chinoise du delta de la Rivière des Perles, grande agglomération s'étirant sur près de 20 000 km2 et rassemblant plus de 65 millions d'habitants, soit l'équivalent de la population française.
Or, en raison de la politique nationale "zéro-COVID" adaptée à la situation de chaque zone géographique, les mesures de confinement se succèdent sans discontinuer pour cette ville qui est le cœur de la puissance économique de la Chine, ce qui entraîne de fortes perturbations de la chaîne d'approvisionnement pour les habitants, mais aussi pour l'exportation des produits qu'elle fournit aux consommateurs du monde entier, ce qui a fortement ralenti la croissance de la deuxième économie mondiale.
Mercredi dernier, les habitants de districts regroupant près de 5 millions de personnes ont reçu des autorités locales l'ordre de rester chez eux au moins jusqu'au dimanche 13 novembre, un membre de chaque famille étant autorisé à sortir une fois par jour pour acheter des produits de première nécessité.
Cette mesure a été prise que les édiles municipales ait signalé plus de 2 500 nouveaux cas détectés au cours des dernières 24 heures. Les transports publics ont été suspendus et les écoles ont été fermées dans une grande partie de Guangzhou, tandis que les vols vers Pékin et d'autres grandes villes ont été annulés, selon les médias officiels.
La Chine a conservé sa politique stricte « zéro-COVID » malgré un nombre de cas relativement faible et aucun nouveau décès. Les frontières du pays restent sous un contrôle strict, et les voyages intérieurs tout comme le commerce sont soumis à des réglementations de quarantaine en constante évolution.
Les restrictions strictes ont déclenché des affrontements occasionnels entre les habitants et les responsables locaux du Parti communiste, qui sont menacés de sanctions si les cas signalés dans leurs zones de juridiction dépassent les niveaux jugés acceptables.
Mardi dernier, la police du nord-est de la Chine a déclaré que sept personnes avaient été arrêtées à la suite d'un affrontement entre des habitants et les autorités appliquant les restrictions de quarantaine liées au COVID-19. Un communiqué de presse du département de police de la ville de Linyi, dans le Shandong, a déclaré que la sécurité publique prendrait des mesures énergiques contre ceux qui "violent illégalement les droits légaux de protection personnelle des citoyens".
Les mesures anti-pandémiques ont provoqué des réactions négatives à travers le pays à l'encontre de l'autorité du Parti Communiste, et on ne connaît pas l'identité des personnes qui ont été arrêtées après l'affrontement. L'information sur ces arrestations est apparue sur les réseaux sociaux mardi matin mais elle a été effacée dans la matinée même par les services de contrôle.
Le Président Xi Jinping, qui a renforcé sa position le mois dernier après avoir obtenu un troisième mandat de cinq ans au pouvoir et après avoir mis en place des "loyalistes" à des postes de haut niveau, a fait du « zéro-COVID » une caractéristique de sa stratégie politique interne.
Parmi les nouveaux promus, on trouve l'ancien chef du parti de Shanghai, où un confinement draconien au cours de l'été dernier a entraîné des pénuries alimentaires, des affrontements avec les autorités et de graves perturbations des chaînes d'approvisionnement mondiales qui sont devenues dépendantes de la fabrication et de l'expédition chinoises.
La semaine dernière, l'accès à la zone industrielle où se trouve une usine qui fabrique des iPhones d'Apple a été suspendu pendant une semaine suite à une recrudescence des "cas covid" à Zhengzhou et à la fuite d'ouvriers de l'usine qui avaient escaladé les clôtures et marché le long des autoroutes pour éviter d'être placés dans des centres de quarantaine où les normes alimentaires, les conditions sanitaires et le non-respect de la confidentialité ont été dénoncées.
Apple a annoncé dimanche que ses clients devraient attendre plus longtemps pour obtenir ses derniers modèles d'iPhone, en expliquant que l'usine Foxconn de la ville centrale de Zhengzhou "fonctionn(ait) à une capacité considérablement réduite".
Les dirigeants chinois ont rejeté les appels de l'OMS pour assouplir les réglementations, refusé d'importer des vaccins étrangers et n'ont pas donné suite aux demandes d'informations plus précises sur la localisation de la source du virus, qui avait été détecté pour la première fois dans la ville centrale de Wuhan fin 2019.
La Chine a signalé que ses échanges commerciaux avaient diminué en octobre, la demande mondiale s'affaiblissant et les contrôles antivirus pesant sur les dépenses de consommation intérieures. L'agence des douanes a indiqué lundi que les exportations avaient diminué de 0,3% par rapport à l'année précédente, en baisse par rapport à la croissance de 5,7% de septembre. Les importations ont chuté de 0,7%, par rapport à l'expansion de 0,3% du mois précédent.
Des spéculations sur un éventuel assouplissement du "zéro-COVID" ont provoqué quelques perturbations momentanées sur les marchés boursiers internationaux, mais le gouvernement chinois n'a pas divulgué ses projets, y compris la possibilité d'importer des vaccins étrangers.
Pfizer doit piaffer d'impatience.
Bien entendu toute autre explication que celle de la pandémie que l'on sait pour expliquer ces fâcheux contretemps ne serait que le fruit de la malveillance de complotistes, qu'il s'agisse de la politique extérieure et du bras de fer avec les Etats-Unis au sujet de Taïwan ou de l'éclatement de la bulle spéculative de l'immobilier à l'intérieur du pays qui a provoqué des émeutes et des sacages de banques locales.
Circulez ! Y a rien à voir.
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source : thediplomat.com
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