Algérie : dialogue de sourds
Le vide constitutionnel est bien là. Il s’est installé, apparemment, pour durer encore. En haut lieu, on ne semble pas, du moins jusqu’ici, embarrassé par ce vide. On commence à s’y habituer même. Car, passée la première appréhension, les premiers jours de doute que tout pourrait, d’un instant à l’autre, basculer vers l’aggravation de la situation, vers des émeutes que les services de sécurité ne pourraient pas gérer, tout semble calme, come une mer d’huile en cette période caniculaire. On n’en parle plus. La « chose » semble maintenant normale. Elle est admise par tout le monde. Aussi bien par les tenants du pouvoir, les intellectuels organiques ou non, Mme Fatiha Abbou, le vice Ministre de l’état major de l’armée nationale, AGS pour la presse, que le simple quidam qui use ses baskets chaque vendredi entre la place du 1er mai et la Grande poste.
La question du « vide constitutionnel » est devenue elle-même vide. Caduque. Comme l’était l’article 102 de la Constitution au moment de son application. On ne revient pas sur ce passé récent. Tout le monde sait que ce passé récent est la cause de toute la complexité de la situation politique actuelle et de tous les déboires des algériens qu’ils soient dans un camp ou dans l’autre, dans le camp des gouvernants ou des gouvernés pour être plus explicite.
Alors passons à autre chose. Car, la révolution aussi semble s’être bien installée. Les « hirakistes » ne veulent pas déguerpir. Du moins pas encore. Pas avant d’avoir obtenu l’essentiel des revendications ou, ce qui est meilleur encore, la revendication essentielle. Celle-ci se résume en deux mots « Yatnahawou ga3 ». Ce slogan, rappelons-nous, a été prononcé par un jeune algérois, devant la caméra d’une journaliste de la chaine Moyen-orientale « El Arabia », lors de la première grandiose manifestation du 22 février. Ce jeune homme a eu la chance d’être au bon endroit au bon moment… et il avait eu aussi la chance d’avoir eu à l’esprit ce beau slogan. Il est rentré dans l’Histoire de l’Algérie. Pas par effraction mais par une bonne élocution. Comme d’autres sont sortis de l’Histoire par aphasie. Bon bref…
Les tenants du pouvoir essaient, après avoir échoué dans leur contre-révolution, de mener le peuple, par l’intermédiaire de certains « représentants » qu’ils ont eux-mêmes choisis, à un dialogue. Pourtant, des hommes sages, dans l’opposition, avaient proposé à ce pouvoir qu’il devait plutôt négocier son départ. C’est plus logique. Plus simple et plus bénéfique pour tout le monde. Un pouvoir qui a tenu, d’une main de fer, le peuple algérien, pendant un si long règne (1962 – 2019), et qui a failli sur tous les plans, doit savoir se retirer sur la pointe des pieds. Aujourd’hui, il est au pied du mur. Il n’a pas d’autre échappatoire que celle de rendre la souveraineté au peuple. Il n’a pas d’autre voie que celle de la sagesse : l’application de l’article 7.
Le dialogue, on n’en veut pas. Personne n’est dupe pour croire au père Noel. Personne n’est dupe pour faire encore confiance à des hommes dont le seul but, le seul objectif en insistant sur le dialogue, est de préserver, de sauvegarder, le système. Certes, on a sacrifié quelques hommes. On a embastillé quelques têtes parmi les plus décriées par le peuple, mais, c’est pour la bonne cause. La cause de la « cosa nostra » pour rester dans le jargon de la mafia sicilienne.
Tant que le pouvoir est dans cette logique, aucun dialogue n’aura lieu, tous les dialoguistes, c’est-à-dire les hommes choisis par l’illégitime chef d’Etat, finiront par jeter le tablier. Quid d’Abdelaziz Rahabi et de son fameux Forum de dialogue national du 6 juillet dernier d’Ain Benian ? Il en sera de même du panel du dialogue à la tête duquel se trouve l’ex Président de l’APN, Karim Younes. Le peuple a le droit de douter de tout le monde. Ces hommes ne sont pas des saints. Le passé de certains d'entre eux ne plaide d’ailleurs pas en leur faveur. Nous sommes contre le dialogue mené par ce panel choisi par...Bensalah. Certains de ces hommes du panel ne seraient pas, selon la vox populi, nets.
D’ailleurs, deux personnalités de la société civile (le sociologue Nacer Djabi et le vice président de la ligue algérienne des droits de l’homme, Saïd Salhi) ont bien fait de ne pas s'impliquer dans ce pseudo dialogue. Ce qui me pousse à dire cela ? D'abord, au départ, il était question de la participation de 13 personnalités à ce dialogue. Puis, pour des raisons x, cette liste s'est vue rétrécir comme peau de chagrin. Chacune des personnalités à ce "débat", sentant peut-être le piège ou l'arnaque du pouvoir, s'est trouvé un prétexte pour ne pas y aller. Mais, en fait, ce qui renforce ma conviction personnelle de l'inutilité de ce dialogue, c'est l'interview de la constitutionnaliste Fatiha Benabbou. Certes, elle n'a pas révélé grand chose de ce qui s'y est dit, mais, à l’entendre, on avait l'impression, qu'à travers ses réponses, le chef d’Etat, Bensalah ne décide de rien. Autrement dit la résolution de la crise algérienne n'est pas pour bientôt et qu'il vaut mieux, dans ces conditions-là, s'adresser au bon Dieu (l'état-major de l'armée nationale) qu'à ses saints.
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