Algérie : Hirak et discours du vice-ministre de la défense nationale
Depuis le début du hirak, les Algériennes et les Algériens ont pris l’habitude d’attendre le discours que le vice Ministre de la défense, Ahmed Gaid Salah, prononce, régulièrement, chaque mardi, à partir d’une caserne du sud algérien ou d’une école de formation militaire à Biskra ou ailleurs. Tel un métronome, celui-ci revient régulièrement pour commenter les évènements de la semaine précédente, liés, évidemment, au hirak, et essayer, par la même occasion, d’imposer, à tous et à toutes, le point de vue de l’état-major et la manière, dont on doit, selon lui, procéder pour régler la crise algérienne. Sauf que le peuple, celui qui occupe aussi régulièrement les places publiques et les grandes artères de villes algériennes, ne se laisse pas, comme je l’ai dit précédemment, conter fleurette. De ces discours du chef de l’Etat-major, il n’en a cure.
Le hirak a atteint, depuis longtemps déjà, le point de non retour et aucune force, fut-telle militaire, ne pourra le contraindre à renoncer à ses revendications légitimes. Le chef de l’état-major a beau claironné qu’il n’acceptera aucun préalable de la part du hirak et qu’on devrait aller aux élections présidentielles dans « les plus brefs délais », mais les Algériens ne l’entendent pas de cette oreille. Le but du hirak est de démanteler tout le système de gouvernance qui a prévalu jusque là. Et tant que ce but, cet objectif noble et réaliste en même temps n’est pas encore atteint, on ne reculera pas. On ne fera pas marche arrière. Car, l’on sait que faire marche arrière équivaudrait à renoncer au processus révolutionnaire et que ce serait donc un suicide collectif.
Lors de son dernier discours, prononcé à partir du siège du MDN, sur les hauteurs d’Alger, le chef de l’état-major a tout rejeté en bloc. Tous les préalables posés par le panel (qui a été reçu dernièrement par le chef d’Etat par intérim), pour un début de dialogue, sont considérés comme « un diktat » inacceptable par Ahmed Gaid Salah qui ne croit qu’à la seule vertu de l’élection présidentielle « dans les plus brefs délais ». A chaque préalable, à chaque condition que tout un peuple réclame, depuis plusieurs semaines maintenant, le vice Ministre de la défense à répondu « niet !
Les détenus d’opinion ? Il y a la justice, souveraine, qui devrait s’occuper de leur cas, a-t-il précisé, comme si dans le pays, celle-ci, la justice, est vraiment libre et indépendante et qu’elle n’obéit pas à des injonctions venues d’en haut.
Le quadrillage par les forces de l’ordre des grandes villes et notamment d’Alger ? Cela est fait dans le but d’éviter que le mouvement citoyen, pacifique jusque- là, ne soit infiltré par des éléments venus de Mars ou de je ne sais quelle autre planète de notre système galactique. Les gendarmes armés jusqu’aux dents et postés sur l’autoroute Est-Ouest, à quelques km d’Alger ne sont là que pour préserver la quiétude des Algérois et ne pas les perturber dans leur sieste (dixit Ibtissem Hamlaui, une blonde à la langue de bois comme, seul le FLN sait en fabriquer).
Le départ du gouvernement Bedoui ? Non, pour quoi faire ? Il est constitué d’éléments très compétents, preuve en est « qu’ils ont pu réaliser durant cette courte période ce qui n’a pas pu être réalisé pendant des années ». Pourtant, dès le départ du Hirak, ce gouvernement, formé du temps de l’ex Président Abdelaziz Bouteflika, est dans le collimateur. Tout autant que les autres « B » dont certains sont déjà tombés. Paradoxalement donc, la théorie des dominos sur laquelle le hirak avait fondé tous ses espoirs n’a pas eu l’effet escompté. Mais si cette théorie des dominos n’a pas fonctionné à merveille, le peuple algérien, qui est par ailleurs un adepte des jeux de société, saura faire échec et mat au cheval de Troie. Comme il l’avait déjà fait au roi.
En somme, AGS a répondu point par point à toutes les préoccupations du hirak et des personnalités politiques qui ont été choisies pour mener le dialogue tant attendu mais pas dans le sens d’un désamorçage de la crise. Son jusqu’au-boutisme plus que suspect dans le soit disant respect de la Constitution alors que celle-ci est devenue caduque depuis belle lurette, son insistance plus que suspecte sur l’organisation dans les plus brefs délais d’une élection présidentielle alors que le peuple demande plutôt une phase de transition, risquent, de notre point de vue, de constituer une impasse sérieuse à la crise. Cela risque d’enfoncer davantage le pays dans une crise aux multiples conséquences politiques et économiques. Car plus la crise dure et plus l’Algérien devient réfractaire à tout ce qui émane des autorités tant civiles que militaires. Nous risquons carrément de rentrer dans un cycle de désobéissance civile.
Toujours est-il que le peuple, lui, est déterminé à ne pas abandonner la lutte pacifique d’autant plus que les vacances sont presque finies. La rentrée sociale risque d'être plus chaude que la période caniculaire actuelle.
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