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Au cœur des catacombes de San Callisto

Prolongeons notre escale romaine avec un lieu capital de l’histoire mondiale : les catacombes de San Callisto.

Avant de sombrer dans les catacombes humides de San Callisto, nous faisons une halte à la Domus Quo Vadis en direction l’antique voie appienne (via appia antica). Nous surprenons les fidèles en pleine messe. Le bâtiment est encore plus modeste qu’une salle de cinéma d’arts et d’essai. Deux jeunes hommes asiatiques, identifiés comme Japonais par la toison de leurs mollets, rejoignent les bancs des croyants et, dans un sourire goguenard, feignent de chantonner un cantique. Pour ne pas déranger l’assemblée dans sa ferveur, nous n’avons pas le temps de détailler le lieu de culte, quoique au premier abord il nous ait paru assez sobre. Selon la légende, c’est à cet endroit que l’apôtre Pierre reçut le commandement « divin » de retourner à Rome y subir la crucifixion. Pour les pèlerins mêlés aux quelques groupes de touristes, l’emplacement revêt donc une certaine importance.

Nous fêtons nos retrouvailles avec cette enchanteresse campagne romaine. Des deux côtés de la route menant à la voie appienne, émergent des ruines comme autant d’épouvantails veillant des gerbes dorées. Quelques cyclistes descendent nonchalamment la pente. Dans un vrombissement, une élégante voiture noire menée par un chauffeur privé dépasse les piétons hâlés que nous sommes. Je tente d’apercevoir le passager, en songeant que, même pour le sacré, certains ne peuvent se départir de leurs grotesques apparats. Petits serfs à casquette, nous laissons passer le convoi de notre suzerain à cravate.

Une fois de plus, le soleil d’août rend notre corps aussi lourd que si nous y laissions pendre une côte de mailles. Comme Tantale, nous demeurons constamment assoiffés. Les incessantes lampées d’eau fraîche bouillonnent dans notre estomac gargantuesque.

Au bord de la route, nous parvenons aux catacombes de San Callisto. Nous apprenons que les visiteurs, même les plus solitaires, doivent se résoudre à rejoindre leur groupe linguistique pour espérer plonger sous terre. Notre guide réceptionne notre horde francophone d’un peu moins d’une dizaine d’individus. Vêtu d’un survêtement et s’appuyant sur un bâton souple, il a un accent helvétique. Est-il Neuchâtelois, Vaudois ou même Jurassien ? Je le questionne, mais, avec un sourire sibyllin, il me réplique ne pas comprendre de quoi je parle. Avant notre randonnée souterraine, il nous présente les symboles primitifs du christianisme tels que le poisson ou le berger, ainsi que l’origine de ces graffitis ésotériques. Après cet intermède, nous gagnons le droit de jouer les troglodytes quelques minutes. Après quelques escaliers, nous nous trouvons une dizaine de mètres sous terre. Avec une température de 16° et un taux d’humidité de 98 %, nous nous trouvons étrangement apaisés. Nous ne ressentons rien de cette panique tout humaine qui envahit celui qui change brusquement de milieu. La voix douce et paisible de notre guide contribue à nous sentir en sécurité.

Nous traversons tout un dédale de galeries en tuf, témoignant du travail titanesque des bâtisseurs de la nécropole. A la lueur des lampes à huile, on a creusé pendant des siècles la dure roche volcanique. Des centaines de niches funéraires comme les tiroirs d’une commode sacrée s’échelonnent au fil de nos pas. Je n’ose pas frôler la roche ou m’appuyer sur la pierre. Les autres gardent également cette pose crispée comme si tout contact avec les tombes devait nous mener dans les torrents du styx.

Dans une salle de quelques mètres carrés reposent les premiers papes. Pour eux, pas de marbre, mais une sépulture modeste. Voilà qui contraste avec le gigantisme de la basilique Saint-Pierre et de la tombe de ce dernier. On se sent ému par ces hommes souvent torturés et exécutés pour n’avoir fait allégeance qu’à leur foi. Enterrés en indigents, ils ont pourtant pesé sur le destin de l’humanité. Mais, après tout, selon les Evangiles, Jésus avait choisi comme monture un âne et n’exécrait rien de plus que la cupidité et les extravagances des Pharisiens. Rien de plus naturel que de leur accorder ces simples niches en guise de couche funéraire.

A quelques mètres, se trouve une statue gisante de Sainte-Cécile, fille de patriciens et patronne des musiciens. Pour signifier sa décapitation, le sculpteur a tracé trois sillons à son cou les trois coups de hache infligés avant de la laisser agoniser durant trois jours. Revêtue de sa longue tunique, elle apparaît légèrement recroquevillée dans une ébauche de position fœtale. Contre un pan du turban ceignant sa chevelure, elle dissimule son visage comme pour étouffer la douleur atroce de son supplice.

Notre guide nous indique des fresques représentant des scènes bibliques. Commandée par de riches romains convertis, et effectuées dans la clandestinité, elles servaient à instruire les chrétiens illettrés. Bien que pâlies, les contours sont nets et leur simplicité quasi enfantine charme les yeux qui les contemplent.

Enfin, nous émergeons des catacombes. Pendant une poignée de minutes, nous avons partagé cet univers presque intact avec les premiers chrétiens d’Europe.


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5 réactions à cet article    


  • maggie maggie 18 août 2008 16:40

    Pour ceux qui voudraient en savoir plus, voici un site qui propose plus de détails ainsi que des photos

    http://www.catacombe.roma.it/fr/dettaglio.html

    Il n’était malheureusement pas possible pour les visieurs du site de prendre des photos mais voici des clichés pour les curieux.


    • italiasempre 18 août 2008 22:54

      Très interessantes aussi le catacombe di Priscilla sur la via Salaria.
      Là se trouvent en effet les premieres representations connues de la Vierge Marie.


      • maggie maggie 19 août 2008 19:18

        Oui, c’est assez caractéristiques des japonais. Les japonais primitif les aïnus avaient une pilosité particulièrement développée.Même si ils se sont métissés avec les populations continentales (coréens et chinois avant tout) une partie des japonais modernes conserve cette particularité. Pour partager ma vie avec un jeune homme d’origine japonaise, je confirme.


      • maggie maggie 20 août 2008 10:48

        Les Aïnus ou Japonais primitifs ont semble-t-il une origine assez mystérieuse. On les a même parfois classé dans la catégorie des caucasiens. Ils se sont effectivement éteint, n’empêche que certaines de leur caractéristique survivent chez les Japonais modernes. Certains Japonais peuvent avoir la chevelure épaisse et laineuse. Certains traits du visage (comme le nez) peuvent être long et le menton carré comme ceux des Européens.


      • italiasempre 19 août 2008 12:08

        Vous vous plaignez serieusement de l’absence de trottoir ou c’est juste une boutade ?

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