Augustin d’Hippone : un théologien entre deux mondes
Saint Augustin, père de l’Église et penseur inclassable, demeure l’un des plus grands théologiens de l’histoire du christianisme. Plus de 1600 ans après sa mort, ses œuvres continuent d’inspirer théologiens, philosophes et écrivains. Pourtant, son parcours fut loin d’être linéaire : il fut d’abord un homme du monde avant de devenir un homme de Dieu. Retour sur un itinéraire intellectuel et spirituel exceptionnel.
Une jeunesse agitée, entre ambition et plaisirs
Né en 354 à Tagaste (dans l’actuelle Algérie), Augustin est le fruit d’un couple mixte : un père païen, Patricius, et une mère chrétienne, Monique, dont la piété marquera profondément son destin. Brillant élève, Augustin excelle dans la rhétorique et se destine à une carrière prestigieuse. Mais sa jeunesse est aussi marquée par une quête de plaisirs. Il entretient une longue liaison avec une femme dont il aura un fils, Adeodat.
Séduit par la pensée manichéenne, il rejette d’abord le christianisme de son enfance, lui préférant une philosophie dualiste qui tente d’expliquer l’existence du mal. C’est à Milan, en 384, qu’un tournant s’opère : il y rencontre Ambroise, évêque influent, dont les homélies le bouleversent.
La conversion et la rupture
La lecture de la Bible et des œuvres philosophiques néoplatoniciennes ébranle ses certitudes. En 386, dans un jardin de Milan, il entend une voix d’enfant lui dire : « Prends et lis » (« Tolle, lege »). Il ouvre alors les Épîtres de Paul, et ce qu’il lit le décide à renoncer à sa vie passée. Il se fait baptiser en 387, puis retourne en Afrique, bouleversé, transformé.
Après la mort de sa mère à Ostie, il fonde un monastère à Hippone, puis devient évêque de la ville en 395. Sa vie, dès lors, se partage entre l’étude, la prière et la lutte contre les hérésies.
Un penseur majeur de la chrétienté
Augustin laisse une œuvre monumentale : ses Confessions racontent son cheminement intérieur, sa quête de vérité, ses errances, puis sa conversion. La Cité de Dieu, écrite en réponse au sac de Rome en 410, oppose la « cité terrestre » — régie par l’orgueil — à la « cité céleste » — fondée sur l’amour de Dieu.
Il affronte les hérésies donatiste et pélagienne, affirmant la primauté de la grâce sur les mérites humains. Pour lui, le salut ne peut venir que de Dieu, et non des seules bonnes actions. Sa pensée influencera durablement toute la théologie occidentale, jusqu’à Luther et Pascal.
Un homme de son temps, un esprit pour tous les temps
Augustin meurt en 430, alors que les Vandales assiègent Hippone. Il meurt dans une Afrique en train de basculer, mais sa pensée, elle, franchira les siècles.
Par son honnêteté intellectuelle, sa profondeur spirituelle, sa lucidité sur la condition humaine, Augustin demeure une figure incontournable. Philosophe du cœur et de la raison, il est ce pont entre l’Antiquité finissante et le Moyen Âge chrétien, entre la Rome des empereurs et celle des évêques...
29 réactions à cet article
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Saint Augustin, revendiqué en ce moment comme inspirateur par deux personnes aussi différentes que le nouveau pape Léon XIV et le vice-président américain JD Vance...
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Saint-Augustin, de l’Algérie chrétienne
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« ..Sa pensée influencera durablement toute la théologie occidentale, jusqu’à Luther et Pascal.. »
Pas Calvin qui soutient une prédestination pour les uns et pas pour d’autres ...
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Il est intéressant d’observer que Gide et Nietzsche ont tous deux exprimé leur dégoût (il n’y a pas d’autre mot) à l’égard de saint Augustin. Dans son Journal, Gide écrit à son propos : « Nausée mystique. C’est à vomir » (17 février 1945). Quant à Nietzsche, il le qualifie d’« être malpropre » (Antéchrist, 59), dont « le manque de noblesse dans les attitudes et les désirs va jusqu’à devenir blessant » (Par-delà le bien et le mal, III, 50). Ce sont là des mots très forts, quasiment sans équivalents, chez l’un comme chez l’autre. Comment expliquer un tel rejet ? Ce n’est pas le christianisme qui est en cause, après tout l’un comme l’autre savaient apprécier la Bible, ou Pascal. Non, c’est spécifiquement saint Augustin qui est visé. L’explication est la suivante : Gide comme Nietzsche étaient des natures éminemment aristocratiques, des artistes jusqu’au bout des ongles. On peut dire que chez ces deux célibataires la dimension esthétique de l’existence prévalait sur tout le reste. Et saint Augustin est justement l’auteur le moins aristocratique qui soit : il est charnel, passionné, spontané, excessif, etc. Il ne s’agit donc pas là tant d’une question de théories, de croyances, que de tempérament : saint Augustin éveille chez ces deux esthètes l’horreur que causerait une brute, un animal, un porc qui prétendrait écrire. On ne peut guère s’empêcher de mesurer la distance qui sépare leur époque de la nôtre, et de penser que de leur temps le goût était sans doute bien plus développé que de nos jours, quand on voit la faveur nouvelle dont jouit saint Augustin chez les catholiques, qui le considèrent comme le plus grand génie de l’histoire et le summum de la distinction intellectuelle...
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@Laconique
dont jouit saint Augustin chez les catholiques, qui le considèrent comme le plus grand génie de l’histoire et le summum de la distinction intellectuelle...
En même temps ce sont de grands partisans incapables de voir la grandeur ailleurs..
Quand on pense que ces gens sont obligés de remonter à Thomas d’Aquin quand ils veulent faire référence à une pointure intellectuelle de leur bergerie..Sincèrement c’est assez comique quand on y songe.
Y a jamais eu autant de grands esprits que depuis que la chape de plomb ecclésiale s’est effondrée et les gus vénèrent toujours Thomas d’Aquin et Augustin..
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@Gollum
« les gus vénèrent toujours Thomas d’Aquin et Augustin »
Oui, dans le cas de Franck Abed c’est tout à fait ça. Après, il faut que je reste mesuré, parce que je reste, officiellement, catholique, et en tout cas chrétien.
Mais ce qui est drôle, dans le cas des catholiques ultra-conservateurs comme JD Vance ou Franck Abed, c’est qu’ils font de saint Augustin une sorte de Platon chrétien, un pilier de la Tradition, alors que pour les vrais penseurs aristocratiques saint Augustin est avant tout un plébéien (« religion de masse » pour reprendre votre expression). C’est la grande contradiction (une des contradictions) des chrétiens ultra-conservateurs qui rêvent d’une religion d’élite, hiératique, marmoréenne, alors que s’ils connaissaient mieux l’histoire des idées ils sauraient que le christianisme est l’exact contraire. Ils sont pris dans cette contradiction et ils n’arrivent pas en sortir. C’est pourquoi il me semble que le christianisme de gauche à la Bergoglio est beaucoup plus cohérent. D’une manière générale les intégristes connaissent très mal l’histoire des idées en effet (et ils se fichent complètement de ce qu’on peut trouver dans la Bible).
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@Laconique
Une fois encore, vos interprétations sont erronées, tant sur le fond de mes analyses que sur ce que je suis.
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@Laconique
Vous qui semblez vénérer Platon, avez dû reconnaitre cette proximité de l’idée platonicienne « l’âme savait avant d’être incarnée dans le corps » avec celle augustinienne de « l’âme destinée à se rapprocher de Dieu après s’être détachée du corps ».
Saint-Augustin a contribué à diffuser l’idée devenue chrétienne (*) que foi et raison ne sont pas incompatibles.
Platon serait-il devenu chrétien s’il était né cinq siècles plus tard ?
(*) https://onenpensequoi.over-blog.com/2024/11/modele-pour-l-assemblee-nationale-maillon-entre-l-egypte-et-le-vatican-l-ecole-d-athenes.html -
@ Laconique
« ..Gide écrit à son propos : « Nausée mystique. C’est à vomir ».. »
Gide n’est pas un bon exemple.
Son homosexualité était probablement la cause de son étouffement dans une société qui ne s’y prétait pas encore, ou plus. Il accusait l’Eglise de ne pas reconnaître le plaisir comme aussi essentiel que le corps et l’âme.
Une frustration compréhensible aujourd’hui qui l’a conduit à vouloir modifier le monde autour de lui plutôt que lui-même.
L’Eglise catholique évolue à pas lents, trop lents pour beaucoup, une sagesse pour d’autres qui y voient une raison de sa longévité.
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@L’apostilleur
p>« l’âme destinée à se rapprocher de Dieu après s’être détachée du corps »
C’est aussi la voie du soufisme…
https://www.youtube.com/watch?v=FUhXUIoCLrA
https://www.youtube.com/watch?v=VdXC_gLG_e8
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@Laconique
D’une manière générale les intégristes connaissent très mal l’histoire des idées en effet
C’est une sclérose mentale qui vient de l’idée sous-jacente que ce qui vient du monde ne peut être que mauvais...
Étonnant du reste qu’ils aient réussi à intégrer Platon.
Et quand ils s’intéressent aux idées extérieures ces dernières sont complètement déformées dans le sens qui leur convient.
C’est flagrant avec Nietzsche leur bête noire. Mais c’est aussi le cas de bien d’autres..
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@Durand
Il a raison.
« les français ne sont pas responsables.. »
Les « responsables » nous ont quittés pour beaucoup. Les français d’aujourd’hui, les harkis et tous les algériens qui voulaient une Algérie française ne sont pas responsables de ce passé.« La France se fracture.. »
C’est certain.
Les français comme ce cardinal d’Alger doivent se plier aux exigences nationales algériennes.
Les musulmans en France aussi. -
@L’apostilleur
« idée augustinienne de « l’âme destinée à se rapprocher de Dieu après s’être détachée du corps »
Idée platonicienne en effet, mais pas du tout biblique, Bible qui ne parle jamais de l’âme mais de la résurrection de la chair ! C’est toute l’ambiguïté de saint Augustin qui navigue sans cesse entre des paradigmes inconciliables. Mais je sais que pour vous les Écritures ont peu de poids par rapport au Magistère...»Platon serait-il devenu chrétien s’il était né cinq siècles plus tard ?"
Je doute que Platon, aristocrate, partisan de Sparte, qui préconise dans La République de laisser mourir les citoyens malades et à la charge de la cité, ait quoi que ce soit à voir avec la pensée chrétienne. Là encore il faut lire les textes. Mais les chrétiens (Franck Abed y compris) se sont jetés sur Platon pour donner un fondement à leur métaphysique, tant il est vrai qu’ils sont doués pour tourner n’importe quelle pensée dans leur sens, comme l’observe justement Gollum. -
@L’apostilleur
Vous dites qu’il a raison mais vous tordez l’essentiel de ce qu’il dit…
« Ce que m’ont appris ces plus de vingt années en Algérie, c’est à quel point ces 132 ans de colonisation ont laissé une blessure profonde dans l’âme algérienne… »
Le déni français de son crime colonial a privé la France de l’accès à sa propre mémoire. Ainsi, la France n’a fait que précipiter sa propre fin en Algérie car, outre l’hypocrisie à laquelle vous vous accrochez et qui la déshonore, une nation sans mémoire est une nation qui meurt.
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@Laconique
« ..les chrétiens... se sont jetés sur Platon pour donner un fondement à leur métaphysique, tant il est vrai qu’ils sont doués pour tourner n’importe quelle pensée dans leur sens.. »
C’est une perception des événements.
On peut y voir aussi cette nécessité pour (presque *) n’importe qui de chercher un chemin compatible pour la foi et la raison comme tente d’en parler le lien qui vous a été communiqué plus haut.
(*) Averroès (commentateur d’Aristote) avait acquis cette conviction, ses coreligionnaires le chasseront et brûleront ses écrits.
Calvin ose une prédestination sélective.
Quand à ceux qui ont parcouru le Talmud ... !!!
Le chemin est étroit, vouloir le trouver pourrait être mis au crédit de ses chercheurs. -
@Durand
« Une nation qui meurt » c’est une nation qui laisse abîmer sa culture dont la religion est un fondement historique en France avec ses racines romaines et grecques.
Les charias hors des nations islamiques, les minent partout. -
@L’apostilleur
Non, c’est parce que la France est déjà morte qu’elle se laisse miner et pas seulement par la charria !
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@Franck ABED
M. Laconique (qui ne l’est pas autant qu’il se prétend l’être), n’est pas très clairvoyant et a du mal à saisir les personnes.
M. Abed, pardonnez lui car il ne sait pas ce qu’il dit.
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@Durand
Le meussieu Dumouch de votre 2ème lien raconte que les Darvish (mendiants en persan) seraient une sorte de spectacle comme les avaleurs de sabre. Il n’a pas fait référence aux fakirs (faqir : pauvre en persan).
Je me suis arrêté là dans sa perception du mysticisme soufi. Vous voudrez bien m’en excuser.
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@Gollum
C’est une sclérose mentale qui vient de l’idée sous-jacente que ce qui vient du monde ne peut être que mauvais...
Ce sont les mêmes qui ont obligé Thérèse d’Avila à s’expliquer devant l’Inquisition. Les soufis que l’on cite plus haut en sont l’exact opposé, proches de Thérèse en matière de mysticisme.
Ceux qui n’ayant pas de foi la remplacent par la religiosité et en font la vérité absolue. Comme les papistes par exemple. Et tout une immense majorité des abrahamiques en général.
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@Seth
Je n’ai pas tout gobé non-plus mais j’ai mis le lien quand même parce qu’il n’y en à pas beaucoup d’autres qui présentent ce type de point de vue… Le terme “mystique“ n’est d’ailleurs pas non-plus très adapté pour définir le soufisme.
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@Seth
« Il n’a pas fait référence aux fakirs (faqir : pauvre en persan). »
Vers la 25eme minute il en parle…
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@Durand
Le terme « mysticisme » désigne un rapport personnel et proche avec Dieu au point de l’atteindre (Thérèse d’Avila et sa transverbération), c’est la démarche des Darvish qui ne font que passer régulièrement dans leurs « monastères » et à part les maîtres n’y sont pas attachés et vivent par ailleurs une vie profane et « tournent » lors de la Sema pour atteindre Dieu, ce sont les vrais « mendiants » et non ceux des bouges folkloriques d’Istambul. Vous pouvez y assister (mais il n’y a pas de « programmation » pour cela) dans leur sorte de « temple » à Konya en particulier où se trouve le tombe de leur maître Mevlana. Textes profanes, musique, instrument (dont le ney)... tout y est codé.
Si vous vous intéressez au soufisme, je vous recommande la lecture de La Conférence des Oiseaux de Attar.
Vous pouvez lire aussi Mavlana plus connu sous le nom de Rumi, en particulier le Masnavi, à décoder à 3 niveaux...
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@Seth
« ..à Konya en particulier où se trouve le tombe de leur maître Mevlana. Textes profanes, musique, instrument (dont le ney)... tout y est codé.. »
Cette ville était hors du temps il y a quelques années. L’intégrisme religieux s’imposait partout dans la ville.
Une « expérience » pour un occidental, intéressante mais à petite dose. -
@Durand
« ..et pas seulement par les charrias.. »
Oui l’extrême-gauche communautariste y contribue aussi. -
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@L’apostilleur
Oui l’extrême-gauche communautariste y contribue aussi.
alors comme ça, le communitarisme de gauche , n’a rien avoir avec l’apartheid de droite, ?l’apostilleur ici est l’exemple même du communitarisme,relisez tout ce qu’il dit est dune projection(huh huh), c’est comme cela qu’iíl contribue à l’extrême connerie ambiante
c’est un bouffon
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@Seth
Le soufisme m’intéresse ici comme une passerelle possible entre chrétiens et musulmans…Et même la seule possible, sans doute.
Par ailleurs, le Maghreb n’est pas bien loin de Rome.
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