Aux sources Antimodernes de l’écologie
La sensibilité environnementale naît avec les antimodernes au XIXème siècle, effarés par les ravages de l'industrialisation et de l'imposition impérialiste des infrastructures énergivores nécessaires au capitalisme, sans lesquelles nous ne serions pas autant sur Terre aujourd'hui : sur toute la Terre, la démographie n'a pas dépassé les 500 millions pendant toute l'Histoire d'homo sapiens, de la période archaïque des chasseurs-cueilleurs qui rôdaient entre certains territoires définis (ils ne se hasardaient pas non plus si facilement au petit bonheur la chance : ils connaissent des lieux où passer certaines saisons, où trouver certaines ressources, etc.) à 1800 (les 4-6 derniers millénaires voyant se développer l'implantation étatisée).

Source encyclopédique
En 1800, année charnière de la révolution industrielle (machine à vapeur, train, puis progressivement télégraphe, téléphone et cinéma au courant du siècle, productions textiles et automobiles, engrais chimiques, agroindustrie, élevage industriel, etc.), la population mondiale a atteint 1 milliard. En 1900 : 2 milliards. En 1950 : 3-4 milliards. Puis, en 2010 : 7 milliards, voire 10 milliards en 2050 (les démographes considérant que la population décroîtrait naturellement vers cette période que nous vivrons bientôt). Autant dire, donc, que la progression fut exponentielle, précisément sur la base de la surexploitation technoscientifique par le capitalisme (mécanique, pasteurisation, courant électrique, ondes radios, microprocesseur, nucléaire, etc. : quelle chance !). De plus, les idées libérales n'auraient pas eu le vent en poupe avant 1800, si l'imprimerie n'avait pas été inventée, permettant la diffusion de leurs idées. Et, pour rappel, le libéralisme est d'abord un anti-absolutisme, anti-arbitraire royal, même dans l'absolutisme citoyen de Thomas Hobbes.
Ce que je veux dire, c'est que les bourgeois de la féodalité tardive ont eu de la chance, par la contingence des inventions technoscientifiques sociohistoriques, qu'ils récupérèrent pour déployer leur ère d'affairisme lucratif actuel, sur la base des Révolutions libérales anglaise, américaine puis française. Autant vous dire, donc, qu'à l'époque le progressisme n'était pas du tout comme aujourd'hui, et qu'il était économiste, affairiste lucratif, libéral, capitaliste. C'était cela, le progrès en 1850, même si des Victor Hugo ou Émile Zola soulignèrent la dimension grandissante des misérables et des prolétaires, et que l'on ne peut pas dire que la notion de progrès ait vraiment perdu cette acception macronienne. C'est d'ailleurs ainsi que la notion de progressisme évolua, de sorte qu'aujourd'hui, en Occident, quelqu'un qui a un peu de famille, quelques bons amis et qui rempli ses devoirs bureaucratiques peut vivoter avec un minimum de confort techno-existentiel, sur la base dudit affairisme lucratif, même si jamais il ne bougera bien de chez lui sans copains et qu'il doit éviter la malchance de coups durs à encaisser en même temps. Les choses sont très complexes.
Je disais donc que l'antimodernisme est le premier écologisme (cette question de l'industrialisme divisa d'ailleurs aussi Proudhon et Marx), et qu'on ne peut pas exactement donner tort à l'antimodernisme, pour le meilleur et pour le pire. J'ai cité des écrivains : pensez à Jean Giono. C'est un homme du terroir, qui passe pour d'extrême-droite aujourd'hui. Or la question du territoire n'est pas si aisément éludable qu'on le voudrait, donc la question de savoir qui est souverain sur ce territoire.
Prenez les zadistes : c'est une affaire de souveraineté, que vous le vouliez ou non, et seul le régime diffère. Les zadistes, pour le meilleur et pour le pire, se veulent tendanciellement anarchistes écosocialistes altermondialistes décroissants. C'est un petit mic-mac ad hoc, seulement impossible de faire les choses autrement, dans l'engagement qui charrie la complexité du réel.
Difficile alors, de savoir ce que serait un progressisme écologiste universaliste pur et dur, et pour tout dire théorique abstrait. C'est que dans localisme il y a local, tous les militants aiment leur local, leur petit refuge, leur petit cocon, leur petit chez-eux, comme tout le monde, et local ça signifie le lieu, donc un terrain. Même quand ce terrain se veut ouvert et libre, c'est justement les valeurs d'ouverture et de liberté, que l'on y escompte souveraines, pas le choix : la souveraineté est simplement plus spiritualisée qu'ailleurs. Enfin, c'est trop vite dire : chaque occupant de chaque lieu, partage et cultive les mœurs locales, l'esprit du lieu comme on dit. Ces mœurs/cet esprit est souverain dans son genre coutumier ou, si vous préférez, accoutumé. Le mouvement libertaire, avec tous les libertarismes en son sein, c'est toute une culture, peu importe qu'elle se veuille "contre-"culture : culture ou contre-culture, c'est toujours culture, avec ac/coutumances, mœurs et morales idoines qui y règnent souverainement, il ne faut pas se leurrer (j'aimerais bien les y voir, si un "néofacho" se mettait à militer dans un local autogestionnaire). Ou, si vous préférez, ce sont des habitudes, des réflexes, des incorporations, des habitus (Bourdieu).
Rejettera-t-on l'écologisme au prétexte qu'il provient des antimodernes ? Et, si oui, que proposera-t-on en face ? Pas sûr que les programmes type projet Vénus conviennent aux anars. Par contre, aux communistes et écosocialistes, certainement. Comment s'y retrouve-t-on, dans tous ces idéologismes picrocholins ? Seul le conséquentialisme compte souverainement, il me semble.
Les arbres - et pas que les arbres - sont à la mode.
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