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Accueil du site > Tribune Libre > Cet art officiel qui se pisse dessus, quel aveu !

Cet art officiel qui se pisse dessus, quel aveu !

L’affaire du crucifix sulpicien dans la pisse, vandalisé à la Collection Lambert d’Avignon, dimanche 17 avril 2011, a fait pousser des cris d’orfraie aux fidèles de l’art contemporain officiel. Le délit  attribué à des intégristes catholiques ne signe-t-il pas un climat d’intolérance qui menace la liberté de création artistique ? C’est ainsi que, comme les trains, des intégristes peuvent en cacher bien d’autres.

La stimulation d’un réflexe de répulsion pour capter l’attention
 
Qu’on ne se méprenne pas, on condamne ce délit sans réserve comme toute violence contre les biens et les personnes. Celle-ci ne résout rien. On ne doit pas exprimer l’aversion que l’on ressent, comme l’ont fait les auteurs insensés de cet acte de vandalisme.
 
Mais le propriétaire du bien détruit et son exposant ne peuvent pour autant s’exonérer de leurs responsabilités : leur était-il si difficile d’anticiper les réflexes de répulsion, de condamnation voire de révolte que ne manquerait pas de provoquer chez des chrétiens ce traitement insolite, aussi gratuit que méprisant, réservé à l’image symbolique du fondateur de leur religion et du supplice tragique auquel il est identifié, un crucifix baignant dans l’urine ? Et pourquoi pas en planter un, tant qu’on y est, dans un étron ? Quel musée ne serait pas preneur ?
 
Toutes les arguties incontinentes dont l’art contemporain officiel cherche à masquer le plus souvent le vide de ses représentations indigentes, ne peuvent faire admettre ce montage que l’on juge détestable, même si on ne partage pas la foi chrétienne. On a ainsi entendu dire que l’urine et le sang avaient par temps d’épidémie de SIDA une signification particulière. À en en croire ses thuriféraires, ce crucifix dans le pipi serait un témoignage d’empathie envers les malades. Comment tomber dans le piège de ce leurre d’appel humanitaire pour justifier l’injustifiable ? On ne sache pas que ce genre de pitreries fasse des miracles, même si le thème de l’exposition d’Avignon était « Je crois aux miracles  ». 
 
De l’urinoir à la pisse dans un musée
 
Car avant de scandaliser des croyants chrétiens, ce crucifix dans le pipi porte atteinte à la noble idée que l’on se fait de l’art. La photo de l’immersion d’un crucifix sulpicien dans la pisse suffit-elle à faire une œuvre d’art ? Tout juste est-on en présence d’un mauvais gag de carabins éméchés pour faire scandale et parler de soi.
 
Il s’inscrit dans la tradition désastreuse d’un 20ème siècle qui s’est ingénié à exhiber la « misère de l’art » dans tous ses états (1) : il s’agissait d’inventer n’importe quoi pour se présenter comme une avant-garde. Mais la logique de cette course sans fin est que l’avant-garde d’un jour se fait toujours dépasser par celle du lendemain et devient bientôt une arrière-garde qui ne mérite même pas qu’on s’en souvienne. Que peut bien signifier d'ailleurs dans l’aventure artistique ce lexique militaire sinon la mise au pas de l'art par le marché ?
 
C’est ainsi qu’un acte créateur avec tout le travail patient et difficile qu’il implique, n’a même plus été utile pour produire une œuvre. L’idée la plus saugrenue, aussi vite réalisée que conçue, suffisait à créer la surprise. Des musées ont accueilli sans honte des tableaux bleus, blancs, rouges ou noirs, accompagnés parfois d’ élucubrations sur l’épiphanie du « monochrome », comme « aboutissement d’un parcours ». Duchamp s’est permis, lui, d’exposer dans un musée un urinoir, baptisé « Fontaine ».
 
S’il a prétendu, cependant, faire œuvre pédagogique en montrant, avant Mac Luhan, que « le médium est le message » et que, jouissant d’une autorité usurpée, le musée qui l’abrite, fait - hélas ! - l’oeuvre d’art par simple argument d’autorité implicite, nombre de ses imitateurs paresseux, eux, s’en sont donné à cœur joie à sa suite pour se faire passer pour des artistes. Est-il si étonnant qu’après le contenant, un musée en vienne à exhiber le contenu, la photo d’un bac d’urine où trempe, pour choquer le chrétien, le symbole le plus sacré de sa religion ?
 
Il est en tout cas un sentiment qui ne trompe pas. On est heureux quand on ressort du Louvre ou du Musée d’Orsay à Paris après s’être recueilli, par exemple, devant « Amour et Psyché  » de Canova, « Une Mère et sa fille  », un autoportrait de Mme Vigée-Le Brun, « le Tépidarium de Pompéi » de Chassériau ou encore « La Danse  » de Carpeaux. À la vue de ce crucifix sulpicien dans la pisse, exposé avec les honneurs dus à une œuvre d’art, on éprouve, en revanche, un sentiment de honte. L’intégrisme de l’art contemporain officiel est aussi répugnant que les intégrismes religieux. Le seul plaisir toutefois qu’on en retire, c’est de le voir parfois, comme ici, se faire pipi dessus : quel aveu ! Il ne peut mieux exhiber son indigence. Paul Villach 
 
(1) Jean-Philippe Domecq, « Misère de l’art  », Éditions Calmann-Lévy, 1999. 

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18 réactions à cet article    


  • tikhomir 29 avril 2011 11:03

    Bonjour,

    Je suis d’accord avec le fond de l’article.

    Par contre pour la « détérioration », non. Il ne s’agit pas d’une détérioration ou d’un délit commis par des « intégristes » ni de « violence envers des biens », il s’agit d’art contemporain fait par des artistes. Ceux qui ont frappé cette photo à coup de marteau sont des artistes. Ils ont fait évoluer l’œuvre et cette œuvre est donc une œuvre collective désormais (ces artistes devraient donc être rémunérés pour leur travail). Ce qu’ils ont fait est artistiquement contemporain : ça pose question, ça interpelle, ça choque, c’est provocant, pour le reste, c’est au public d’essayer de trouver une signification.

    La preuve que c’est une œuvre d’art et que ces gens sont des artistes ? L’œuvre est exposée et en l’état, elle n’a pas été restaurée.


    • Paul Villach Paul Villach 29 avril 2011 11:23

      @ Tikhomir

      Tant qu’on y est, vous n’avez pas tort, l’ironie est une bonne réplique ! Paul Villach


    • tikhomir 29 avril 2011 12:18

      La seule ironie dans mon message c’est à propos de l’« art contemporain », que je ne considère pas comme un art et qui à mes yeux ne produit aucune « œuvre ». Les « artistes » contemporains sont des charlatans.

      Le fait que je ne considère pas les gens qui ont modifié l’« œuvre » comme des délinquants ni comme des destructeurs, n’était en revanche pas de l’ironie. A mes yeux, ce sont réellement des « artistes » contemporains qui devraient être rémunérés puisque l’« œuvre » est toujours exposée telle quelle et que les gens vont la voir et payent leur droit d’entrée. Si le musée avait restauré la photo ou au moins le cadre, OK, mais là non, ils l’exposent comme ça en tant qu’« oeuvre », Serrano est d’accord puisqu’il ne demande pas de restauration ni de la photo ni du cadre, c’est donc réellement de l’« art » contemporain. Il n’y a pas d’ironie là dedans.


    • Paul Villach Paul Villach 29 avril 2011 12:31

      @ Tikhomir

      Si l’ironie n’est pas de la partie, je ne vous suis plus !

      Intact ou brisé, ce montage ne peut prétendre à la dignité de l’oeuvre d’art.

      Je récuse en effet l’idéologie en vigueur qui veut que tout soit de l’art.
      Si tout est de l’art, plus rien n’en est. Paul Villach


    • joelim joelim 29 avril 2011 14:34

      Disons que, brisé, ce truc n’est pas moins de l’art qu’il ne l’était avant. 

      Et évidemment il est abusif de parler d’art pour l’art contemporain, qui n’est qu’un ensemble de tentatives narcissiques.

    • tikhomir 29 avril 2011 14:49

      Cette « oeuvre » n’est pas « brisée », elle est simplement modifiée.


    • Alois Frankenberger Alois Frankenberger 29 avril 2011 12:13

      Il n’existe pas de distinction claire entre ce qui relève de l’art ou du bricolage.

      Cette photo est donc une oeuvre d’art, certes provocatrice, dont la valeur marchande doit être proche de zéro ( un chrétien ne l’achètera pas et un non chrétien ne voudra pas afficher un crucifix chez lui ).

      C’est pour ces raisons mercantiles que je pense qu’il ne faut pas exclure que la vandalisation de l’oeuvre soit liée à une tentative d’escroquerie à l’assurance.

      Tant qu’on n’aura pas attrapé les coupables on ne peut de toute façon en dire plus.


      • voxagora voxagora 29 avril 2011 12:52

        Vous avez raison.

        Au-delà (ou plutôt en-deçà) des arguments
        qui tentent de justifier une exposition 
        de sécrétions intimes couplées à un symbole dont on sait qu’il est sacré pour certains,

        ce qui est visé n’est pas la noblesse d’un art,
        ni même la provocation, qui peut être positive,

        même pas l’espoir de faire du fric, ou de se faire connaître (car pourquoi pas ?),

        c’est la jouissance impunie de jouer avec, de recouvrir l’autre de son pipi/caca.
        Le déguisement verbeux d’une posture des plus infantiles.

        • voxagora voxagora 29 avril 2011 12:53

          Je m’adresse à l’auteur,

          pas au commentateur précédent.

        • Paul Villach Paul Villach 29 avril 2011 14:30

          @ Voxagora

          Je partage volontiers votre point de vue. Quel avilissement de la part des auteurs d’une pareille posture ! Paul Villach


        • french_car 29 avril 2011 14:14

          Ah tiens j’ai été censuré youpi smiley


          • gordon71 gordon71 29 avril 2011 14:46

            piss christ, corrida etc..ou, quand la masturbation intellectuelle est élevée au rang d’oeuvre d’art


            • non667 29 avril 2011 20:59

              oui c’est une œuvre d’art , il y a mieux : un rabin cuisant sur une poêle à frire par exemple !
              mais là stop ! cela aurait des rn et nous rappellerait lhlpsdnh ! smiley smiley


              • Alexis_Barecq Alexis_Barecq 29 avril 2011 21:54


                L’urine, matériaux noble, sous-produit du métabolisme, est effectivement rabaissé dans sa dignité par un instrument et scène de torture, qui plus est symbole d’une institution criminelle depuis des générations (le crime des Croisades, le scandale de la mise à l’index du préservatif...).

                Néanmoins, la liberté artistique, donc la liberté d’expression, devrait l’emporter.


                • docdory docdory 30 avril 2011 00:55
                  Cher Paul Villach
                  Cette histoire m’inspire plusieurs réflexions 
                  1°) La liberté d’expression est l’une des libertés les plus fondamentales. La liberté d’expression, c’est comme la peine de mort, on est pour ou on est contre : on ne peut pas par exemple dire « je suis contre la peine de mort sauf dans les cas de Hitler, Pol Pot , Dutroux ou Fourniret » . Dire cela , c’est être pour la peine de mort.
                  De même qu’on ne peut pas dire , « la liberté d’expression je suis pour , sauf dans le cas des homophobes, des racistes, des sexistes, des négationnistes, des caricatureurs de prophètes ou des photographes de statues religieuses compissées ». Dire cela, c’est être contre la liberté d’expression. Etre pour la liberté d’expression, c’est accepter que s’expriment des idées qui déplaisent à beaucoup de gens, ou même qui sont franchement ignobles ou inacceptables.
                   La France et l’union européenne se grandiraient en purgeant le droit de toutes les restrictions législatives qui limitent la liberté d’expression, et qui font que certains se sont crus autorisés à porter plainte contre Houellebecq, Charlie hebdo, Zemmour, et aussi contre des personnages répugnants comme comme Dieudonné etc ...
                  En raison du principe fondamental de notre civilisation qu’est la liberté d’expression, cette action d’un commando religieux contre une exposition est totalement inacceptable. 
                  2°) Cette affaire est à rapprocher de la fameuse affaire Caliméro . Il s’agit de ce strasbourgeois qui a fait une vidéo dans laquelle il découpe une page du coran , dessine un terroriste dessus, en fait un avion en papier qu’il projette ensuite sur une petite boite en carton symbolisant le WTC, ensuite de quoi il brûle le coran, puis pisse dessus.La vidéo originale à été censurée sur youtube ainsi que semble t-il partout ailleurs .
                  Curieusement, elle n’est plus que partiellement disponible en deux parties ( entrecoupée de commentaires particulièrement inquiétants) sur le site internet de fanatiques islamistes :
                  Ce qui est bizarre ,c ’est la différence de réaction de la société .
                  - Dans le cas de la photo «  piss christ » qui vient d’être vandalisée, de nombreuses voix, en particulier dans la gauche bobo, se sont élevées à juste titre pour protester contre cette atteinte à la liberté d’expression par des fanatiques. Les destructeurs de photos sont sous le coup d’une plainte
                  - Rappelons que l’art contemporain utilise beaucoup la vidéo , et l’on voit donc beaucoup de vidéos dans certaines expositions d’art contemporain. La vidéo de Caliméro peut donc parfaitement être considérée comme une « oeuvre d’art contemporain » ( même si certains pourraient arguer du fait qu’il s’agit plutôt d’une blague de potache ayant peut être un peu forcé sur la bière d’Alsace ). D’un point de vue artistique, il est difficile, et même impossible, d’affirmer que cette vidéo a moins « d’artisticité » que cette photo d’une statue de Jésus dans un bocal d’urine.
                  Or , le dénommé Caliméro est en cours de procès , suite à une plainte d’un responsable de la mosquée de Strasbourg, pour « incitation à la haine raciale », et que le procureur a déjà requis contre lui 3 mois de prison et 1000 euros d’amende. ( Jugement semble t-il le 9 mai )
                  On aurait pu s’imaginer que les mêmes qui ont dénoncé l’atteinte à la liberté d’expression du photographe de « piss Christ » se seraient levés comme un seul homme contre l’atteinte incroyable à la liberté d’expression de ce vidéaste subversif . Pas du tout, silence radio, il a plutôt été traîné dans la boue et personne à gauche n’a semble t-il protesté contre son sort ...
                  De cette affaire , on peut déduire une sorte de nouveau et bizarre code de déontologie implicite, artistico-médiatico-juridique, concernant l’art contemporain :
                  1°) Faire une oeuvre susceptible de choquer des fanatiques chrétiens, c’est « bien » , c’est de l’art, c’est subversif, c’est la liberté d’expression c’est même « de gauche » .
                  Faire une oeuvre susceptible de choquer des fanatiques musulmans, c’est « mal » c’est de « l’incitation à la haine raciale » et de la « stigmatisation », ce n’est pas de l’art, c’est réactionnaire, c’est « de droite » et même « d’extrême droite » .
                  2 °) Personne n’a porté plainte pour incitation à la haine raciale contre l’oeuvre « piss Christ » pour la bonne et simple raison qu’il n’y a pas de « race chrétienne » ( il n’y a d’ailleurs pas de races du tout, en réalité ! ). Si des intégristes chrétiens avaient porté plainte pour ce motif, ils se seraient fait rire au nez par n’importe quel juge .
                  Par contre, pour la vidéo de Caliméro, des juges acceptent de conduire un procès pour incitation à la haine raciale ( alors que l’idée d’une « race musulmane » est aussi absurde que celle d’une « race chrétienne » ) et il se trouve un procureur pour requérir une condamnation pour ce qui est en réalité un délit de blasphème maquillé en incitation à la haine raciale , alors que le délit de blasphème n’existe pas en France.
                  Il n’y a évidemment pas plus d’atteinte à la « race musulmane » dans la vidéo de caliméro, que d’atteinte à la « race chrétienne » dans la photo « piss Christ » .

                  Tous les français sont égaux, mais apparemment , certains semblent plus égaux que d’autres ...
                  Le verdict du procès Caliméro sera à surveiller de très très près ...


                  • Paul Villach Paul Villach 30 avril 2011 10:44

                    @ Cher Docdory

                    Je souscris volontiers à votre analyse.
                    1- Je condamne, ce délit, vous l’avez vu, en début d’article.

                    2- Le problème que je pose est celui du vandalisme de l’art par des pseudos artistes qui jouissent de la protection des acteurs du marché pour des raisons qui n’ont rien d’artistique.

                    3- Il reste que l’agression gratuite sous couvert de démarche artistique pose problème.
                    - Je ne vois aucun inconvénient à ce qu’un tel montage de crucifix dans l’urine figure dans « Charlie Hebdo » ou « Le Canard enchaîné » ou dans n’importe quel média. La loi pose en principe la liberté d’expression sous réserve de répondre de son abus devant un tribunal.
                    - Mais un musée se disqualifie quand il propose une caricature de l’art comme une oeuvre d’art digne d’être exposée.

                    Tout ce qui relève de la liberté d’expression n’est pas oeuvre d’art
                     ! Paul Villach


                  • antonio 30 avril 2011 10:30

                    Une anecdote me revient en mémoire :
                    Il y a bien quarante ans, dans une petite ville de province, la Cathédrale fut profanée :
                    cierges brisés, fleurs éparpillées, excréments humains déposés sur l’autel.
                    Les coupables furent identifiés et condamnés.
                    Aujourd’hui, je m’interroge. Les auteurs de ces faits n’avaient-ils pas réalisé une oeuvre d’art, menant à bien une « performance », un « happening », que sais-je encore ? La Justice n’a t-elle pas vilipendé à tort de jeunes artistes prometteurs, brisant dans l’oeuf leur créativité , et causant ainsi des dommages irréparables à l « art contemporain » en le privant de géniaux représentant ?


                    • antonio 30 avril 2011 10:32

                      Bien sûr, il faut lire « représentants ».

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