Chirac : avril en septembre
C’est à un déferlement d’hommages rendus à l’ex-président de la République que l’on assiste depuis l’annonce de son décès. Rien d’étonnant dans ce constat, eu égard aux quatre décennies de vie politique du défunt, et notamment à ces douze années d’exercice du pouvoir au sommet de l’État durant lesquelles son portrait est resté accroché dans toutes les mairies de France. Là où la chose devient en revanche carrément cocasse, c’est lorsqu’un hebdomadaire dominical nous gratifie, dans sa dernière édition, de ce qui ressemble fort à un poisson d’avril en septembre…
En l’occurrence, ce ne sont ni des confidences étonnantes sur l’ex-président ni des photos inédites du plus célèbre des Corréziens qui ont retenu l’attention dans le dernier numéro du Journal du Dimanche, mais un sondage réalisé – depuis l’annonce du décès de Jacques Chirac – par l’institut Ifop. On y découvre que le défunt occupe la première place dans le classement des présidents préférés des Français, à égalité avec le chef de la France Libre et père fondateur de la Ve république, le général De Gaulle en personne, ce commandeur à la haute stature dont se revendiquent tant de nos caciques politiques !
Pour 30 % de nos compatriotes, ce sont en effet l’amateur de tête de veau et « Le grand Charles » qui font la course en tête, largement devant le « sphynx » François Mitterrand, crédité de 17 %. Suivent l’arrogant « marcheur » Emmanuel Macron et le velléitaire agité Nicolas Sarkozy, tous les deux à 7 %. Encore plus distancés, viennent ensuite le grand ami des « bagnoles », des « clopes » et des Rothschild Georges Pompidou à 5 % et l’Ex au look de croque-mort de BD Valery Giscard d’Estaing à 3 %. Enfin, c’est le replet pilote de scooter François Hollande qui ferme la marche avec 1 % des voix.
Un vrai gag ! Notons à cet égard que le même institut affichait, dans une étude datée de novembre 2013 un classement très différent et, disons-le, autrement plus crédible que cette parodie si manifestement liée au contexte émotionnel et à l’incroyable battage médiatique qui a submergé les ondes depuis l’annonce du décès de Chirac.
En 2013, De Gaulle culminait fort logiquement à 35 % devant Mitterrand à 28 %. Loin derrière ces deux-là, Sarkozy et Chirac se tenaient dans un mouchoir de poche, respectivement à 11 % et 10 %. Encore plus loin, Pompidou et Giscard d’Estaing – dont les mandats s’estompent de plus en plus dans les mémoires – se donnaient la main à 7 %. Quant à Hollande, il était déjà scotché à la dernière place, avec un score peu glorieux de 2 %. Pas de Macron, évidemment, car il n’était pas encore en poste.
Le sondage effectué par l’Ifop pour le compte du JDD a d’autant moins de valeur que la même enquête donnera, à n’en pas douter, des résultats très différents dans quelques années, sans doute assez proches du sondage de 2013. Et pour cause : l’émotion retombée et la frénésie médiatique dissipée depuis belle lurette, Chirac ne sera plus jugé comme il l’est aujourd’hui – pour cause de deuil – sur la sympathie que sa personne inspirait et sur l’empathie dont il faisait preuve au contact des Français, mais sur son bilan politique dont la principale caractéristique – à la notable exception de la question irakienne – est une abyssale vacuité.
En attendant que les pendules soient remises à l’heure, Chirac, là où il est, doit rigoler comme un bossu d’être crédité du même score de reconnaissance que le général, lui qui a surtout marqué ses compatriotes par sa complicité non feinte avec les agriculteurs, son effarante capacité à engloutir charcuteries et fromages de nos terroirs, et l’image de bon vivant proche des gens qu’ont donnée de lui durant de longues années Les Guignols de l’info. Une bouteille de Corona céleste en main, Chirac doit franchement se marrer à la lecture de ce sondage « abracadabrantesque », et surtout jubiler en pensant à la bobine de ses « amis » Giscard et Sarkozy, laminés par le bulldozer corrézien. Pour un peu, cela nous vaudrait l’une de ces saillies (verbales) dont il avait le secret*. Hélas ! la connexion n’est pas encore établie.
* Genre « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille », « Ça m’en touche une sans bouger l’autre » ou bien encore « Moi, à cette heure, c’est coucouche panier, papattes croisées, bouboule en rond ».
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