Chirac, gangster de la République
Cette haine constamment palpable entre Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac, malgré les sourires de façade, remonte à un événement bien précis, touchant comme en effet à une dispute sur le partage de commissions sur des ventes d'armes. C'est en tout cas ce que raconte Hervé Gattegno dans son ouvrage, dont je recommande la lecture (*), qui présente un Jacques Chirac n'hésitant pas à employer des moyens de gangster pour arriver à ses fins. Si on y ajoute un chapitre sur le vol des documents mis au secret par Roussin, l'ex-collaborateur de Jacques Chirac qui s'est littéralement sacrifié pour lui en acceptant d'aller en prison sans broncher, le tableau final du "président aimé par tous les français" (sans doute parce que l'autre est désormais franchement détesté) est plus que sombre. Chirac, en fait, aura été, tout au long de sa carrière, un véritable gangster de la République !
L'histoire de Gattégno démarre juste après l'élection de Jacques Chirac, qui, en véritable animal politique, est assoiffé de vengeance après ce qui a été la trahison d'anciens fidèles passés dans le clan Balladur, qu'il a obligé à un piteux appel au vote pour le corrézien au soir du premier tour de l'élection. L'appel à voter Chirac sera presque inaudible de la bouche de Balladur, contraint à faire ce voyage de Canossa télévisuel après une campagne où les "boules puantes" respectives avaient été copieusement balancées.. Les conjurés avaient oublié une chose : Balladur, auprès du grand public avait le charisme d'une limande, alors que le sourire enjôleur de Chirac avait fait des ravages auprès des électeurs (et des électrices, dit-on, sans oublier une marionnette de Guignols plus sympathique qu'autre chose !). Leur rivalité avait éclaté au grand jour, et promettait désormais de perdurer. Le soir du premier tour, Balladur avait même dû faire taire ses partisans sifflant Jacques Chirac ! Sarkozy, comme Léotard, avaient misé sur le mauvais cheval et s'étaient fait un ennemi mortel, du genre à ne jamais oublier les humiliations : Jacques Chirac.
En animal connaissant bien les terres de chasse privilégiées des grands partis, Chirac a vite trouvé de quoi les mettre au pas : les coincer sur leurs manières, celles consistant à amasser -comme lui- des liasses d'argent à partir de ventes d'armes biaisées. Très vite, il va faire mouche, raconte Gattegno : "les recherches commandées par l'Élysée portaient sur la destination de mirobolantes commissions versées en marge d'un contrat signé en novembre 1994 par François Léotard, alors ministre de la Défense du gouvernement Balladur, avec l'Arabie Saoudite. Baptisé Sawari 2, l'accord prévoyait la livraison par les industriels français de deux frégates armées à la marine saoudienne (*°), avec une option sur la construction d'un troisième bâtiment. Montant du contrat : entre 3 et 4,2 milliards d'euros. Durant la campagne électorale, plusieurs rapports confidentiels avaient été transmis à l'état major du candidat Chirac pour signaler qu'une partie des sommes devait alimenter les caisses du camp adverse. Au lendemain du scrutin, le Président exigea des preuves. Dominique de Villepin supervisa l'opération. En juillet 1995, le nouveau ministre de la Défense, Charles Millon, fit placer sur écoute téléphonique par la DGSE au moins trois collaborateurs de son prédécesseur'. D'autres surveillances et filatures furent confiées à une équipe d'agents des services secrets. Leurs rapports soulignèrent le rôle d'un homme d'affaires saoudien, cheik Ali Bin Mussalam, introduit auprès de la famille royale à Riyad et propriétaire de l'hôtel Prince-de-Galles à Paris : négociateur du contrat, il était censé percevoir une commission de 8 %, à partager avec deux intermédiaires libanais". La nasse n'était plus qu'à poser pour ferrer les poissons pilotes du balladurisme qui pilotaient à Paris le sheikh. Les chiraquiens se doutaient bien des passages de liasses au QG de Balladur et n'avaient aucune envie de se faire à nouveau avoir. Ils n'étaient pas les seuls à le savoir : les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient préconisé le rejet des comptes de campagne d'Edouard Balladur !
Le piège était déjà refermé sur l'un des protagonistes les plus en vue dans l'affaire. "Grâce aux confidences d'un autre protagoniste, écarté de la distribution, les hommes du Président reconstituèrent l'emploi du temps du cheik Ali au cours de ses négociations. Ils découvrirent ainsi qu'à l'inverse des intermédiaires habituels, celui-ci entretenait autant de contacts auprès des politiques que parmi les industriels. Après un entretien avec Nicolas Bazire, chef de cabinet d'Édouard Balladur à Matignon, le 30 octobre 1993, le Saoudien avait rencontré à deux reprises le Premier ministre en personne, en novembre 1993 et janvier 1994. Entre décembre 1993 et janvier 1995, onze rendez-vous - dont un déjeuner au ministère de la Défense, le 21 décembre 1994 - l'avaient mis en présence de François Léotard, parfois accompagné de Renaud Donnedieu de Vabres - alors son conseiller le plus proche et futur ministre des gouvernements Raffarin et Villepin. Au printemps 1995, le même Donnedieu de Vabres, membre du comité de campagne de Balladur, s'était entretenu deux nouvelles fois avec le cheik Ali, juste avant que ce dernier n'encaisse, le 15 avril, un premier acompte, dont le montant est toujours resté secret. C'était une semaine avant le premier tour de l'élection présidentielle". Dans le lot figurait Nicolas Bazire, nommé (ça tombe bien !) en 1995 justement associé-gérant de la banque Rothschild & Cie, c'est un homme très proche de Sarkozy ("recasé" depuis), au point d'être son témoin lors de son mariage -plutôt discret- avec Carla Bruni le 2 février 2008. Bref, le pion essentiel pour la manœuvre de Frégates !
Ayant décidé lui-même d'en finir, Chirac se rendra lui-même sur place conclure définitivement le contrat, une fois élu, et arrêtera par la même les versements au parti de Balladur. Ce qui aura tendance à plutôt choquer les saoudiens ! C'était sans compter avec les intermédiaires, dont les deux associés libanais du Sheikh Ali. Il y a là l'ancien propriétaire de la station de ski Isola 2000 (Takieddine), et l'ancien beau-frère du célèbre marchand d'armes Khashoggi (El-Assir)... Selon Gattegno, en effet il n'y a aucun doute sur la destination finale des commissions : "L'un des rapports remis aux hommes du Président indique qu'en vertu du dispositif mis en place en 1994, le cheik Ali Bin Mussalam aurait reversé une partie du paiement dans les caisses du Parti républicain pour aider à l'élection de M. Balladur". Soit 4% du contrat pour les deux intermédiaires, le sheikh en convervant lui aussi 4%. Sur 19 milliards de francs de contrat... la somme étant payée en plusieurs fois jusque 2001, où les paiements s'arrêteront brusquement. On pense en fait que le couple d'intermédiaires El-Assir-Takieddine aurait dû recevoir au total 87 millions, dont un quart aurait été destiné aux rétro commissions : à ce stade, les valises de Balladur ont reçu effectivement en 1995 10,25 millions de francs de l'époque. C'est où nous en sommes aujourd'hui dans l'enquête. Les paiements devaient continuer après encore, si Chirac n'y avait pas mis un frein. Et selon les informations recueillies, tout était stipulé noir sur blanc dans un contrat dont l'original est déposé dans un coffre en Suisse. Pour cela, un homme va s'employer à le récupérer : Michel Mazens, "le nouveau président de la Sofresa - la société d'État chargée des tractations commerciales franco-saoudiennes"... nommé par Chirac, qui va utiliser pour arriver à ses fins des méthodes que n'aurait certainement pas renié un Charles Pasqua, nous explique Gattégno :
"Figure des réseaux chiraquiens, cet ancien policier à la carrure de rugbyman, longtemps attaché à la sécurité de Marcel Dassault, va s'employer à décourager les deux Libanais. Le premier s'incline rapidement : un matin, alors qu'il se rase dans la salle de bains de son chalet de Gstaad, en Suisse, Abdul el-Assir voit deux balles de revolver se ficher dans sa glace. Peu après, son frère, qui vit à Madrid, reçoit un message explicite : « Abandonnez l'affaire. » Le second, Ziad Takkiedine, est directement approché à Paris par l'agent de l'Élysée, dans le somptueux appartement qu'il possède, au rez-de-chaussée d'un immeuble proche du Trocadéro". Vous avez noté que notre premier homme habitait la station de Gstaad, la même où viendra se réfugier notre cher Jojo national, visiteur du Fouquet's un 6 mai....
- "Vous devez renoncer", lui dit l'homme. - "J'ai un contrat, je suis dans mon droit", répond l'intermédiaire. - "Vous ne pouvez rien faire, seul contre un État. Vous n'êtes pas de taille. Nous savons tout sur vous et nous avons les moyens de vous faire changer d'avis." Et quand "l'Etat" se met à faire comprendre ce qu'il veut qu'il fasse.. Effectivement, cela peut vite devenir dangereux, précise un peu plus loin Gattegno : "quelques jours plus tard, au téléphone, une voix lui indique l'adresse et les horaires de l'école de ses enfants. Son chauffeur découvre des impacts de balle sur sa limousine. Sans qu'il le sache, une caméra miniature est placée dans son appartement. Lorsque l'émissaire de l'Élysée revient le voir, Takkiedine lui demande de pouvoir "négocier avec Chirac". "Il n'y a rien à négocier", s'entend-il répondre. A bout de nerfs, les deux intermédiaires finiront par prendre l'avion pour Genève avec Michel Mazens. Là, ils feront extraire d'un coffre l'unique exemplaire du fameux contrat, qui sera déchiré sous leurs yeux. De la face cachée du contrat Sawari 2 ne restera, alors, plus que des miettes". Les méthodes employées sont bien mafieuses : ce sont celles des manœuvres d'intimidation du SAC, c'est l'héritage Pasqua qui continue ses ravages. On a fait tirer sur des individus pour leur faire peur, en laissant entendre que la prochaine salve pourrait bien être mortelle. Difficile d'imaginer que le commanditaire de ses actions, en l'occurrence obligatoirement Jacques Chirac, n'ait pas été informé au minimum du but, sinon des méthodes utilisées. Ce sont bien des méthodes de gangster, en tout cas ! Des façons de faire avec lesquelles on n'a pas encore totalement terminé, en prime !
(*) Hervé Gattegno lui aussi... surveillé de près par la même fine équipe de ribouldingues de toitures... les mêmes dont j'avais à deux reprises expliqué les méthodes, qui avaient débuté avec le vol des documents de Michel Roussin... non, franchement, l'élève n'est pas loin du maître en la matière, il l'aurait même parfois dépassé, ce que doit encore penser Anne Fulda d'ailleurs.
(**) la Al-Makkah et la Al Ryadh ; du type La Fayette, de type furtif. Les mêmes que les six vendues à...Taïwan, en modèle plus avancé encore " Elles intègrent par ailleurs, les systèmes d'armes les plus avancés en particulier le SAAM ARABEL/ASTER équipant le porte-avions Charles de Gaulle."
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