Chronique des cuns ordinaires (2)
Tout ce qui entre dans la bouche de l'homme est soumis à de nombreuses règles et à de nombreux tabous. Que l'on songe par exemple aux nourritures kacher ou halal, aux rituels obsessionnels de certains régimes. Les adeptes de ces différentes croyances – car il s'agit bien de systèmes de croyance – proclament volontiers : « Tout ce qui entre dans la bouche doit être pur ».
Pour illustrer cette assertion, il suffit de songer aux multitudes de régimes des cuns : le régime « paléo », le régime sans gluten, les régimes végétariens, végétaliens ou vegans, comme disent les Anglo-Américains, nos maîtres en mauvais goût ; le régime méditerranéen, le régime Okinawa, le régime crétois ou le régime macrobiotique. Il existe aussi des régimes mono-diètes, les cures « détox », etc.
Mais de quoi les cuns ordinaires sont-ils friands ? On a déjà vu les burgers et les pizzas, que les cuns absorbent avec des sodas. Par fainéantise, par manque de temps ou parce que c'est rapide et pratique, certains cuns se tournent volontiers vers les plats préparés, en semi-conserves ou en surgelés, qu'il suffit de réchauffer au four à micro-ondes. Pour, prétendument, flatter le goût appauvri des cuns et pour améliorer les microscopiques qualités gustatives de leurs plats, les géants de l'agro-alimentaire ajoutent une quantité impressionnante de produits chimiques, dont la liste est longue de Paris à Pontoise. Quand on mange un plat en sauce, on est sûr d'absorber 66 à 75 % de substances qui n'ont rien à voir avec l'appellation du plat (« nourriture transformée »). L'auteur ne donnera pas de nom de marques, qui s'étalent dans les kilomètres de rayonnages (« gondoles ») des super et hyper-marchés.
De plus, en raison des graves maladies causées par cette nourriture frelatée, les géants de l'agro-alimentaire sont responsables de nombreux cas de cancers, de diabètes de type 2, de maladies cardio-vasculaires pouvant entraîner la mort, et de diverses autres maladies : Alzheimer, Parkinson, etc. Les géants de la distribution commerciale, complices des géants de l'agro-alimentaire, se sont mués en tueurs en masse (mass-killers, comme disent nos amis États-Uniens). Les cuns, bien qu'avertis de ces dangers mortels, continuent cependant à s'alimenter de cette horrifique façon. Ce qui fait le bonheur des sociétés de chimie médicamenteuse, ravies de soigner ces patients à vie.
Alors, pour pallier ce que pourrait avoir de catastrophique pour leur santé cette nourriture transformée, certains cuns se tournent vers le bio et le végétarisme, autres grands mythes contemporains.
Le bio est une mode née en réaction à la malbouffe, pour échapper aux produits chimiques que les agriculteurs (on ne dit plus paysans, mais agriculteurs), déversent à profusion sur leurs cultures et dont ils nourrissent le bétail, dans un légitime souci de rendement. De nos jours, tout est affaire de rendement. Certaines sociétés états-uniennes ont un quasi-monopole sur ces produits mortifères (on peut citer la société états-unienne MonSalo, pour ne pas la nommer, qui impose ses produits au monde entier).
Or donc, en réaction contre les cultures chimiques, on a sagement décidé de revenir à de plus saines cultures, à des plus sains élevages, traditionnels, en réduisant autant que faire se peut l'apport de produits chimiques. Et le résultat fut : l'agriculture « bio », abréviation de biologique. Mais toute agriculture naturelle n'est-elle pas biologique ?
Les géants de la distribution commerciale se sont engouffrés dans ce créneau porteur (de sous), et il n'existe maintenant aucun magasin digne de nom qui n'ait son rayon bio. Avec cette constatation : le bio est plus cher. Car, diable, cultiver des légumes sans « pesticides » (insecticides), élever de la volalille et du bétail sans antibiotiques, ça revient cher. Moins on ajoute de saletés, plus c'est cher. C'est l'équation du bio : moins égale plus.
Avec cette autre remarque : comme l'atmosphère terrestre est archi-polluée, les légumes et fruits bio sont presque autant pollués que les légumes et fruits traités chimiquement. De toute façon, qu'on se rassure ; nous allons tous crever de la pollution (conclusion encourageante et optimiste de l'auteur). A force de produits chimiques, les éleveurs ont fini par tuer la poule aux œufs d'or – et au fipronil.
A côté du bio, se développe aussi la tendance à ne consommer que des fruits et légumes. On appelle cela : le végétarisme, qui se scinde en deux grandes branches, qui sont le végétarisme proprement dit, et le végétalisme. Le végétarisme admet quelques dérogations : on peut consommer du miel, du lait, des œufs, voire des animaux à sang froid (poissons, crustacés). On appelle ces derniers des flexitariens. Le végétalisme, dans un esprit obtus et sectaire, n'admet rien de tout cela, et peut aller jusqu'à refuser qu'on porte des vêtements en cuir d'animaux, en laine d'animaux. Il ne faut pas porter atteinte à la vie animale de quelque manière que ce soit. Il est même interdit d'insulter son chien.
Pour accentuer l'effet de mode, les cuns ont adopté un mot anglo-américain : végan, ou « veggie », qui est ce qu'on appelait avant le végétalisme. Ça fait toujours plus distingué de le dire en anglais.
On a fait beaucoup de reproches au végétarisme, qui entraîne des carences en certains éléments vitaux. On a aussi souvent mis en avant par exemple qu'Hitler était végétarien (×). L'auteur pense quant à lui que, en raison de sa denture, l'homme est fait pour le régime omnivore. Quant aux cuns, s'ils ont adopté le végétarisme, c'est moitié par conviction personnelle, moitié par désir de suivre une mode.
La mode gouverne en effet les goûts alimentaires de beaucoup de cuns. Il était un temps où, venue d'Afrique du Nord avec les pieds-noirs, la mode était au couscous, qui constitue un plat complet (semoule / légumes / viande). On continue de servir le couscous dans des gargotes sous les appellations de couscous royal (trois sortes de viandes : mouton, poulet et l'inévitable merguez à 90 % de gras et de déchets indéfinissables) ; ou de couscous impérial (mouton, poulet, merguez, et méchoui ou brochettes). Le couscous républicain n'existe pas – du moins à la connaissance de l'auteur –, le Maghreb n'ayant pas de notion républicaine bien définie.
On peut également évoquer la mode de la cuisine japonaise, des plats chinois, vietnamiens, thaïs ou autres. L'ennuyeux, c'est qu'il y a de moins en moins de cuisiniers chinois dignes de ce nom, et que les plats arrivent souvent tout préparés de grandes centrales de préparation, qui livrent à droite à gauche les mêmes plats, qu'ils soient chinois au autres.
A côté de tout cela, l'on a affaire à un paradoxe étonnant : plus les cuns ont le goût détérioré, anémié, plus ils suivent des émissions télévisées sur la cuisine. Les vieux de la vieille se souviennent peut-être de l'émission de Raymond Oliver et de Catherine Langeais Art et magie de la cuisine. Depuis, on ne compte plus les émissions ; il existe même de brèves séquences de quelques minutes comme Petits plats en équilibre, par exemple, donnant de petites recettes simples et faciles à préparer. Dernière recette : comment faire un œuf dur (le plus dur, dans l'histoire, c'est de ne pas rater la sauce).
Nous avons fait un petit tour d'horizon des goûts du cun culinaire. L'auteur rappelle en conclusion cette sage parole de Feuerbach : « L'homme est ce qu'il mange ». Et ce qu'il mange, ma foi, n'est pas terrible.
R. Rongier
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Note
En fait, il est devenu végétarien en 1931 après le suicide de sa nièce Geli Raubal. Son végétarisme contrebalancerait d'une part ses fortes pulsions sadiques, et d'autre part serait aussi sans doute dû à des problèmes de santé (estomac, intestins).
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