• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Coke en stock (VI) : avion oublié, pilote connu, les deux Guinées

Coke en stock (VI) : avion oublié, pilote connu, les deux Guinées

On a déjà vu deux beaux cas d’espèce de transport transatlantique de drogue d’origine colombienne vers l’Afrique de l’Ouest. Il y a quelques mois auparavant, on en était resté au transfert par sous-marins artisanaux. Aujourd’hui, il semble que les trafiquants aient choisi de passer la vitesse supérieure en choisissant des avions gros porteurs à réactions ou de petits avions de tourisme bourrés d’essence. Reste l’avion d’affaire pour VIPs qui n’a pas encore servi pour le trafic. C’est chose faite, remarquez, au milieu de l’été 2008, avec un autre avion encore. Et un autre pays également. Après le Mali, la Sierra Leone, place à la Guinée Bissau, voisine de la Guinée-Conakry.

 

Le 12 juillet 2008, un avion immatriculé N351SE , un Gulfstream G1159B de 1969, censé apporter des médicaments destinés aux militaires du pays se pose lui aussi en catastrophe en Guinée Bissau, en prétextant lui aussi un incident technique. Il y a bien une méthode d’accès qui a été mise au point, quel que soit l’avion ou le pays. L’avion est aussitôt entouré de militaires, et deux pilotes et un mécanicien sont à bord. : Carmelo Vásquez Guerra, Carlos Luis Justiniano Núñez et Daniel Aguedelo Acevedo. L’avion appartient à LB Aviation Inc, installé à Yorklin, dans le Delaware, un village perdu de 300 habitants entre Hockessin et Greenville, la patrie de DuPont. A bord, plus de 600 kilos de cocaïne. La DEA et Interpol sont prévenus mais n’arrivent que cinq jours plus tard (un fâcheux hasard ?) : la drogue a alors disparu ! La police avait été empêchée durant tout ce temps de monter à bord, une interdiction menée par les militaires locaux. "Les agents de la douane avaient été empêchés d’accéder à bord de l’appareil et à la cargaison transportée et cela avait augmenté les suspicions à propos des produits transportés", précisait le procureur général du pays, Amine Michel Saad.

L’avion est un Gulfstream assez ancien, c’est le 64eme seulement produit (le premier de la série II a volé le 2 octobre 1966 !) et qui a aussi porté le n°N940BS. Mais aussi N43RJ, N95SJN940BS, N950BS, N341NS, N95SV, bref un habitué de la valse des étiquettes, photographié souvent à Fort Lauderdale, symptomatique de malversations possibles. On retombe sur la Floride ! Il avait reçu le droit de se poser en provenance des forces aériennes du pays, selon le procureur toujours, et de l’aviation civile de Guinée Bissau. L’avion venait d’Espagne, pour apporter des "médicaments" aux militaires, paraît-il. Trois jours après, l’avion avait tenté de rédécoller, mais le même problème technique persistait, le forcant à revenir sur place. On pense plutôt qu’il venait d’ailleurs et partait en fait en Espagne... Le 17, l’ ASENA lui interdisait de quitter le territoire, sur décision d’un juge, ainsi que le G5-JIA venu lui prêter assistance, ce même jour.. Ce dernier était l’ancien C-GWXD canadien, un très (trés) vieux Fokker 300M d’Air Africa Associates, une compagnie totalement inconnue. Vu ici à Segunda-Feira, à Rio de Janeiro, le 16 mars 2009 : lui aussi aime les traversées de l’Atlantique, visiblement (on l’a vu aussi à Lyon et à Genève). Et de le pister pourrait être passionnant : dans cette pièce de théâtre, le second rôle pourrait détenir des indications précieuses. L’avion, dans les années 80, travaillait pour l’ONU sous le numéro HB-AAZ. Affrêté par Balair, une société suisse ayant comme base... Jérusalem, ça ne s’invente pas !

Les enquêteurs saisissent quand même sept téléphones satellitaires à bord du Gulfstream. Leurs relevés indiquent que l’avion venait du Panama, de Tocumen, en fait, et non d’Espagne, avec de l’équipement sanitaire, paraît-il. Il avait été photographié à Fort Lauderdale sous une autre livrée le 3 mars 2008, quatre mois seulement avant. Une livrée bien ressemblante en fait, comme si on s’était contenté de repeindre le dessous pour changer l’apparence extérieure de l’appareil. Un de ces plans de vol du 21 mai 2008 indiquait qu’il volait de Fort Lauderdale à Las Americas à Saint-Domingue : était-il alors en train déjà de préparer sa traversée ? Ou de charger sa cargaison ? Toujours est-il qu’il ne rentrera plus jamais aux Etats-Unis après cette date !

Et pourquoi donc l’avoir repeint ainsi ? Car sa livrée d’origine est fort similaire à cet appareil. Un autre Gulfstream, le N°75 de la série, numéroté N211SJ et appartenant à Mobarak Aircraft LLC, vu en mars 2007 sous ce nom. Il suffit de peindre le dessous seulement couleur bordeaux pour obtenir le N351SE ! La société est évidemment une société de Floride, résident à Fort Pierce. Or Mobarak Aircraft à une spécialité : la peinture ! Justement ! L’appareil, soupçonné d’avoir servi au trafic de drogue au Vénézuela avait été carrément saisi et donné ensuite à l’armée vénézuelienne, qui l’avait rebaptisé 0010, pour s’en servir comme avion de VIPs pour ses généraux. Il avait été photographié à Caracas à La Carlota (General Francisco Miranda) en juin 2008 encore. Des spotters malins l’avaient pris en photo auparavant avectrois autres prises de guerre des vénézueliens (Un Cessna Citation numéro 2470 et deux Aero Commander). Tel quel, si on ne répertorie pas le numéro de série de l’appareil, il se pourrait donc très bien aussi que l’appareil soit celui saisi par Chavez et simplement à moitié repeint : seule sa présence ou non sous sa robe ancienne et sa présence au sein de l’armée permettrait d’éluder la question. On ne doit pas exclure non plus l’idée. La comparaison des deux appareils est édifiante. On n’a jamais pris Chavez pour l’ange qu’il se prétend être parfois. A noter aussi que ce N351SE ressemble comme deux gouttes d’eau à un appareil déjà décrit ici : le N475LC, celui du kidnapping d’islamiste italien par la CIA... Là, il n’y a plus que la décoration de queue comme différence.

Mobarak possédait d’autres appareils dont le N500MA, un Gulfstream de même type, G1159B. Et Mobarak est justement et effectivement spécialisé dans la... peinture d’appareils, à t-on constaté. Reste à savoir s’ils avaient du Bordeaux comme teinte au fond de leur atelier ! En tout cas, on a bien cherché en même temps à le camoufler, et en même temps à le laisser reconnaissable cet appareil : dans quel but ? Celui d’induire en erreur, ou de laisser planer le doute ! Peindre à moitié avec les caches sur les filets argentés et gris de peinture du modèle précédent requiert plus de temps que de repeindre l’avion en totalité : ceux qui ont fait ça ont donc une autre idée derrière la tête que de simplement changer la couleur de l’appareil ! Il y a donc une volonté manifeste dans ce camouflage assez soigné. Du travail de pro !

L’enquête menée par le procureur et un juge de Guinée Bissau va vite démontrer ce dont on se doute : les militaires de l’aéroport étaient bien dans le coup et on tout fait pour empêcher la saisie de la drogue qui leur était donc destinée. Très vite aussi, l’emprise du gouvernement sur l’affaire va être démontrée également. L’enquête de la police va être en effet désastreuse pour le pouvoir en place. Elle indique tout de suite nommément comme commanditaire Ousmane Conté, le fils aîné du président Lansana, de Guinée (et non de Guinée Bissau) décédé en 2008. Le 24 février 2009, l’affaire éclate en effet au grand jour dans le pays voisin : Ousmane Conté est arrêté et il avoue aussitôt sa participation à un trafic de drogue : "Je reconnais être impliqué dans le trafic de drogue en Guinée (Conakry). C’est vrai je suis dans cette affaire de drogue, je le reconnais, mais je n’en suis pas le parrain". L’homme affirme à la presse avoir une cassette résumant tous les coups tordus de ces anciens alliés. Il semble décidé à tout balancer, façon cassette Méry. Arrêté et molesté on le croit mort. Le 5 mars, il est obligé de faire une mise au point en affirmant que les rumeurs sur son décès sont infondées.

Dans cette affaire, en réalité, il y en a un qui a vite compris l’intérêt à se saisir de l’histoire. C’est Moussa Dadis Camara, le nouveau leader de la junte de Guinée qui a pris le pouvoir à la mort de Lansana Conté père, qui n’hésite pas à interwiever en direct à la télévision deux pilotes colombiens arrêtés ! A chacun son programme de télé-réalité ! Ousmane Conté n’est pas le seul inculpé en Guinée Bissau : le capitaine Rui Na Flack et le lieutenant Augusto Ar mando Balanta, qui avaient été pris en flagrant délit de transfert des 634 kg de drogue, sont aussi de la fête. Tous accusent également lors de leur inculpation Tagmé Na Waié, l’ancien chef de la police militaire devenu chef d’état-major des armées, comme étant à la base du trafic. Tout l’entourage présidentiel de Guinée Bissau et de Guinée est gangréné : "Outre Ousmane Conté, un autre fils du feu général–président, Ansoumane, Conté ainsi que son beau frère, Saturin Bangoura et même la première dame, Henriette Conté, sont dénoncés par des présumés narcotrafiquants." Plus loin encore, Les Afriques ajoute :"Selon des informations relayées en Afrique de l’Ouest, les aveux des narcotrafiquants et de Ousmane Conté, vont plus loin que la hiérarchie policière, militaire et administrative de la Guinée et touche directement des élites en Guinée Bissau et éclabousse quelques palais présidentiels de la région. Une cassette des aveux complets aurait été confisquée." Difficile de faire pire, il me semble. Cette fois, le scandale touche déjà deux états voisins. Et a des ramifications jusqu’au Niger et au Sénégal !

Mais le 2 mars 2009, la donne avait changé quelque peu en Guinée Bissau avec l’assassinat du président Joao Bernardo Vieira par des militaires qui l’avaient rendu responsable de l’assassinat, justement, de celui de Tagmé Na Waié, tué le 1er mars 2009. Les deux se détestaient cordialement depuis des années, et le pays avait depuis sombré dans le plus complet chaos. La constatation lapidaire à faire est que les militaires dirigent véritablement le pays et veulent imposer leur loi, c’est une évidence : la dictature est proche. Et ce dans les deux pays. On en est persuadé à entendre aujourd’hui le mot "crime contre l’humanité" à propos de certaines de leurs exactions. 157 morts dans un stade de Conaky, en Guinée, nous annonce Fatou Bensouda, du CPI. Cette partie de l’Afrique est à feu et à sang. Résultat, victimes de factions et de vieux conflits ethniques, ils se dévorent entre eux, ces militaires assoiffés de pouvoir politique : en moins de 10 ans, trois chefs d’Etat major de l’armée de Guinée Bissau ont été assassinés dans le pays : Ansumane Mane (en 2000),Verissimo Correia Seabra (en 2004) et , (on vient de le voir) !

Selon certaines informations, le 26 février 2008, un avion similaire, ou peut-être bien le même, était arrivé trois jours seulement avant l’assassinat de Tagme Na Wai. L’avion s’était posé et avait redécollé quatre heures à peine après (direction l’Espagne et Marbella ?), mais l’aéroport n’avait rien gardé comme preuve de son passage. Le même jour, 200 kilos de drogue avaient disparu d’un hangar de la Marine nationale de Guinée-Bissau. On avait vu ce jour-là certains soldats restés loyaux à l’ancien président charger à bord la drogue. L’attaque du 23 novembre 2008 contre "Nino" Vieira. avait été précédée par une tentative de coup d’Etat organisée, justement, par le chef d’état-major de la Marine bissau-guinéenne, l’amiral Américo Bubo Na Tchuto. L’homme avait du fuir en Gambie, à la suite de sa suspension par le gouvernement... On le voit, on a bien assisté à une passe d’armes et à un règlement de comptes mêlant les politiques et l’armée. "Des observateurs de la scène politique bissau-guinéenne n’excluent pas l’hypothèse que l’assassinat du chef d’état-major, ainsi que du président de la République soit un ménage effectué ou ordonné par des parrains de la drogue, en établissant une liaison entre les assassinats de Bissau au décès du fils de l’ancien président guinéen, Ousmane Conteh, passé à table la semaine dernière au sujet du trafic des narcotiques dans la sous-région." Affirmait la presse, en, tablant comme beaucoup sur le décès du fils de l’ancien président. Drogue et Etat, intimement liés. En 2006, 674 kg de cocaïne saisis par l’Etat de Guinée-Bissau avaient disparu mystérieusement du Trésor public...

Le pays est cette fois bien secoué : le ministre des Télécoms, l’ancien ministre de l’intérieur et de la Sécurité, mais aussi l’ancien Directeur national de la police routière, et surtout le directeur Général de l’Office de lutte anti-drogue en personne, Bakary Thamit Mara, sans oublier le chef de la Brigade de répression du banditisme, Victor Traoré, sont aussi arrêtés : tous ont participé au trafic : c’est bien une gangrène générale à la tête du pays ! Et la situation rappelle par trop celle de la Colombie au temps d’Escobar, désormais ! Michael Bernardo Vieira soutenait ouvertement le trafic. La présence du responsable de l’anti-drogue et de la brigade anti-banditisme explique facilement les interceptions ratées et la drogue qui se fait la malle en trois jours. Mais ce n’est pas cela qui explique un autre phénomène tout aussi inquiétant., qui démontre à quel point les rouages du pays sont bloqués.

 Car dans toute l’histoire, et dans toutes les personnes incarcérées, il manque un personnage important. Carmelo Vicente Vázquez Guerra, l’un des trois pilotes arrêtés, qui n’est autre que le propre frère du pilote du fameux DC-9 de Ciudad del Carmen, dans l’Etat du Campeche, Miguel Vicente Vázquez Guerra, celui de SkyWay et de Royal Sons Motor Yacht Sales déguisé en avion gouvernemental ! Le DC-9 lesté de 5,5 tonnes de coke ! C’est bien là l’un des grandes surprises de ce nouvel arrivage, qui relie directement ces affaires à de plus anciennes, dont nous nous étions déjà fait l’écho ici-même. On tourne autour de la même mafia, celle qui a Miami comme plaque tournante et Mohammed Atta comme visiteur régulier ! Et comme d’habitude dans ce genre d’affaires, certains, comme Atta, vont se faire la belle, incognito. Car Carmelo Vicente Vázquez Guerra va bénéficier d’un coup de main inattendu en la personne du juge guinéen, Gabriel Djedju. Celui-ci, en aout 2009 va lui accorder la liberté provisoire, à lui et à ses deux complices qui ne se font pas prier pour quitter le pays et partir vite fait direction le Malawi. Le juge est aussitôt limogé, mais notre pilote et ses compagnons sont ibres ! Comme son célèbre frangin, celui qui a franchi les rangs de l’armée mexicaine incognito (nous y reviendrons !). Incroyables histoires, qui sentent toutes le versement de gros bakchichs ! Incroyable !! Tous au dessus des lois, quel que soit le pays !   

Heureusement, on avance un peu et on apprend par exemple lors de l’enquête menée comment se passaient les transferts. Parfois les avions n’allaient pas jusque là côte et s’arrêtaient dans l’archipel des Bijagos, juste en face de la Guinée Bissau, où se touve une minuscule bande d’atterrissage, utilisé à une époque par un antique Antonov-2 pour faire le trajet vers l’île deBujaque. Ou débarquaient plus à l’est, à Cacine. On apprend aussi que le 26 février 2009 encore, trois jours à peine avant l’assassinat de Tagme Na Wai, un avion s’était posé au même endroit que le Gulfstream, le jour où 200 kilos de drogue saisis précédemment avait disparu. On y avait vu des militaires restés fidèles à Joao Bernardo Vieira charger la drogue dans l’avion ! Même chose un peu plus au sud, en Guinée : entre août et Septembre 2009 encore, un petit Cessna monomoteur s’était souvent posé à Faranah dans la ville de Boke, à 268 km au nord de la capitale Conakry, avec à son bord de la drogue : Boke est l’une des villes les plus proches de la Guinée Bissau, et l’avion provenait lui aussi des Bijagos.

Comme épilogue, on apprenait le 16 décembre 2009 que l’avion vé né zué lien retenu de puis juillet 2008, était dé sor mais pro prié té de l’Etat bis sau-gui néen, par un ar rê té signé par le Pro cu reur gé né ral de la Ré pu blique. L’Etat faisait ce qu’avait fait Chavez avec un avion équivalent (à moins que ce ne soit le même !). Mais on constatait aussi un autre phénomène qui explique beaucoup de choses : si l’avion avait été saisi, c’est pour en espérer de l’argent à la revente. Sur les 183 millions de dollars promis par les organisations internationales pour aider la Guinée-Bissau à enrayer le trafic de drogue, en effet, seuls 2 millions avaient été versés en mars 2009 : il n’y a pas que les trafiquants pour freiner la lutte sur place !!! L’Express dressait le bilan fort justement : "pour l’Algérien Saïd Djinnit, représentant du secrétaire général des Nations unies en Afrique de l’Ouest, la tuerie de Guinée-Bissau s’apparente à un avertissement que le reste du monde ne peut ignorer : Les narcotrafiquants ont établi dans tous les Etats côtiers des comptoirs qu’ils peuvent activer à tout moment. Au risque d’embraser la région." En Guinée et en Guinée Bissau, déjà a feu et à sang, on l’a vu, la drogue est un fort mauvais carburant social, on le sait. Mais un excellent incendiaire pour provoquer l’intervention de pays extérieurs au nom du devoir d’ingérence... les avions apporteraient-ils ce carburant ? Les deux pays s’enfoncent, en tout cas.

Et le bilan est lourd, pour la Guinée notamment : "bien que l’on ignore la quantité exacte de drogue qui circule via la Guinée, Sakho Moussa Camara, le nouveau directeur de l’OCAD, a expliqué à IRIN que plus de 1 000 kilos avaient été saisis dans le pays, en 2007. Le bureau, a-t-il ajouté, a également saisi 7 499 kilos de drogue entre le 19 août et le 15 septembre 2008. " L’accroissement du tonnage inquiète, mais ce qui inquiète bien plus c’est la corruption : « Je me bats non seulement contre les trafiquants de drogue, mais aussi contre certains membres de la police et de l’armée guinéennes, qui s’enrichissent grâce au trafic de drogue », a indiqué à IRIN M. Camara de l’OCAD, ajoutant : « Vous n’imaginez pas à quel point certains barons de la drogue sont bien établis [ici ; ils agissent] sous les yeux des représentants de l’ordre, et [sont] protégés par de hauts responsables ». On ne peut pas être plus clair.

D’autres lieux d’atterrissages sont répertoriés, qui ne sont pas sur la côte mais en profondeur des terres désormais : "Selon le responsable de l’OCAD dont le nom n’a pas été divulgué, la drogue quitte la Colombie à bord de petits avions Cessna, qui volent à une altitude de 2 000 mètres, pour éviter d’être détectés par les radars. Ces avions atterrissent, souvent la nuit, dans des villes comme Faranah, dans le centre de la Guinée, à 455 kilomètres de Conakry, et de là, la drogue est acheminée sous haute surveillance jusqu’à la capitale, où elle est entreposée, a-t-il indiqué. En août et septembre, de petits avions Cessna, chargés de drogue, ont atterri « à de nombreuses reprises » à Faranah, et dans la ville de Boké, 268 kilomètres au nord de la capitale, selon le responsable". Et là encore, on a découvert les mêmes compromissions : "Les habitants de la région ont averti l’OCAD le 4 septembre, lorsqu’un petit avion chargé de drogue a atterri à Boké au milieu de la nuit. L’information a abouti à l’arrestation du gouverneur, du maire, d’un commandant de l’armée, du commissaire central et du contrôleur aérien, selon le responsable du ministère de la Sécurité. Tous sont actuellement détenus à Conakry en vue d’être interrogés". C’est bien une confirmation de gangrène généralisée.

 

Des voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer clairement les liens du pouvoir avec la drogue : "le capitaine Moussa Dadis Camara savait bel et bien que des cartels de la mafia sud américaine fournissaient régulièrement des cargaisons de cocaïne à son ami et frère d’arme, Ousmane Conté. Dadis savait aussi que toutes les livraisons de cocaïne à son “ami“ étaient acheminées vers Conakry sous haute escorte militaire (...) Dadis sait comment se faisait à Boké et à Faranah, l’approvisionnent en kérosène de ces petits avions Cessna bourrés de cocaïne en provenance de l’Amérique latine après la livraison de “la marchandise“ du Parrain" précise adroitement Guineepresse.info, bien au courant des lieux mêmes du trafic. Et mettant en cause "Ousmane Conté, fils de narco-président", selon lui. Le journal termine par une sentence sans appel : "Dès le départ Dadis avait choisit son camp : celui de défendre de la famille du défunt président guinéen Lansana Conté et ses cartels de la mafia sud américaine et nigériane.“ Les deux Guinées de 2010, c’est bien la Colombie des années 70-80. Conséquence première : le 22 janvier 2010, la Guinée Bissau s’en remettait à un autre pays, et signait un accord avec les USA pour rouvrir une ambassade, fermée depuis 1988, et "signé ce jeudi un accord qui va permettre l’envoi d’un procureur américain qui va travailler conjointement avec le ministère public dans la lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé". Est- ce la bonne solution ? D’une certaine manière, c’est l’abandon d’une forme de souveraineté. Incapable de régler le problème, le pays s’offre à un autre. Ça tombe bien, il n’attend visiblement que ça...

Conclusion : dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, ce sont les narco-trafiquants qui font aujourd’hui la loi, et même pas la junte au pouvoir, qui ne peut que composer avec.quand elle ne se déchire pas entre militaires. La région, c’est simple, est devenue l’Amérique du sud des années de Pablo Escobar, avec la même violence endémique. On retourne quarante ans en arrière. Un trafic énorme a été mis en place, et personne n’arrive à l’endiguer. Les années terribles du Cartel de Medellin recommencent, dans d’autres pays : en Afrique cette fois.


Moyenne des avis sur cet article :  2.67/5   (24 votes)




Réagissez à l'article

2 réactions à cet article    


  • jaja 23 février 2011 18:34

    C’est passionnant vos articles, derrière tous les trafics il y a les Etats et surtout un Etat
    stop aux ventes d’armes !


    • morice morice 24 février 2011 00:36

      stop aux ventes d’armes !


      EXACTEMENT !

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès