COVID-19 : l’effondrement du monde d’avant
Le confinement nous amène à réfléchir. Nous avons collectivement, des revendications qui se précisent, et souvent convergent. Après plusieurs semaines de réflexion, cet article apporte une vision un peu différente de celui publié le mois dernier. Les enjeux sont toujours les mêmes, nous sommes avides de changement, mais force est de constater que les responsables de la crise ne sont pas prêts à lâcher prise.
Le risque sanitaire lui aussi, est un effet secondaire du néolibéralisme.
Depuis quelques semaines, la guerre du COVID masque le combat climatique. Il est pourtant stupéfiant de voir à quel point l’état d’urgence sanitaire a des similitudes avec l’état d’urgence climatique.
Tout d’abord, il semble avéré que l’origine de la contamination est en rapport avec la dégradation du climat, de l’environnement et des conditions de vie que nous impose le néolibéralisme. Car c’est bien cette dérive du capitalisme qui est au cœur de la dérive climatique. Je vous invite pour vous en assurer, à revoir le documentaire « l’âge de l’anthropocène, des origines aux effondrements », actuellement confiné sur la Youtube.[1] De la même manière que le développement de DAESH a pu être attribué à la désertification de territoires syriens qui a mené toute une population à la précarité, on estime que les conditions de vie indécentes que subissent certaines populations, les conduisent parfois à se nourrir de singes, de chauves souris ou de pangolins, sans que ceci n’ait jamais fait partie de leur culture. Après le terrorisme religieux, le terrorisme viral est la nouvelle menace née des tréfonds de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Si la maladie trouve ici son terreau tout en bas de l’échelle sociale, la propagation est quant à elle favorisée par le commerce, le transport, la mondialisation. Avec l’aide de quelques traités de libre échange, de cadeaux fiscaux donnés aux multinationales du e-commerce, et d’un trafic aérien en plein essor, le virus est un peu comme une souris dans une cave à fromage. Et comme la consommation est un vice qu’affectionnent les pays les plus riches, ils se retrouvent en première ligne. Ainsi, sous l’impulsion du gouvernement chinois, c’est une grande partie du monde occidental qui s’est finalement retrouvé confinée.
Au rang des entreprises les plus polluantes, les multinationales de la distribution en ligne font choux gras du confinement. D’autres, comme celles de l’énergie, des transports, de l’aviation, qui n’ont pas bénéficié de la crise, seront sans doute les premières à disposer des aides de l’état, agitant sans scrupule, la menace du plan de licenciement. Ce sont pour certaines, celles qui distribuaient des dividendes à tour de bras, juste avant le confinement. En clair, quand elles gagnent de l’argent, elles redistribuent aux plus riches, quand elles en perdent, elles jettent les plus précaires à la rue.
Le confinement nous a permis de conscientiser cette injustice. On a pu aussi appréhender l’urgence climatique sous un nouvel angle. Les mécanismes de la crise sanitaire, sont les mêmes que ceux de du réchauffement climatique. La crise sanitaire comme la crise climatique, sont des effets secondaires de la mondialisation, tout comme l’extinction de masse des espèces animales. Sans aucun doute, le confinement favorise la réflexion, la perception de ce qui nous manque, mais aussi du superflu.
Que voulons-nous après tout ?
Inspiré du fameux outil pour aider au discernement de Bruno Latour [2], on pourrait énumérer quelques activités héritées du confinement, qui nous semblent à développer pour le « monde d’après » :
- Le télétravail s’est imposé en quelques jours, à une partie d’entre nous. En contrepartie, nous avons testé l’absence totale de voiture en ville, le blocage drastique du transport et des importations. Et même si l’économie va au ralenti, le télétravail fait tourner la boutique dans pas mal de secteurs. On aura beau pointer les défauts du télétravail, le confinement c’est l’absence totale de bouchons, la résorption d'une partie de la pollution urbaine, une meilleure qualité de l’air...
- De même, la visio-conférence se révèle un outil souvent pertinent. Il nous oblige à être plus attentif, à respecter les tours de paroles, à s’organiser de manière démocratique. Là encore, on pourrait décider de prioriser son usage, contre celui des meetings et colloques, qui obligent à passer des heures dans les transports, dans l’avion et les aéroports.
- Le confinement a mis en œuvre un rêve des militants d’ANV COP21, l’interdiction des véhicules personnels, pour donner la ville aux piétons et aux cyclistes ! Des pistes cyclables fleurissent partout en France, comme s’il fallait que la ville de « l’après » ne soit plus celle du transport et de la pollution.
- Et comme le transport nous évoque la mondialisation, voilà que la relocalisation de la production s’impose comme un enjeu majeur pour le jour d’après. Au delà des avantages en terme politique (autonomie alimentaire de la population, sécurité sanitaire, indépendance économique), il se trouve que la relocalisation, est une des revendications majeures pour lutter contre le réchauffement climatique. Les circuits courts de l’alimentation constituent par exemple une première forme de relocalisation de l’agriculture. S’il faut injecter des milliards dans l’agriculture ou l’industrie, n’a-t-on pas intérêt à imposer des contraintes de localisation de la production ? Comment peut-on accepter que des fabriques françaises de masques FFP aient été stoppées au profit du marché chinois ?
Va-t-on revenir au monde d’avant, en injectant des milliards pour sauver l’automobile et l’aéronautique ? Ne serait-il pas plus sage de penser à une reconversion massive des emplois vers la transition ? S’il faut investir, faisons des choix pérennes pour nos enfants. Nous ne pouvons pas décemment financer les entreprises polluantes, l’agriculture productiviste, les sociétés qui délocalisent et exploitent les salariés ou encore financer directement ou indirectement les énergies fossiles. C’est le moment de tourner la page, de lancer enfin la transition énergétique, écologique, de se tourner vers un monde meilleurs pour tous. Il y a des choses essentielles que chacun a à l’esprit désormais. Nous voulons les milliards de l’évasion fiscale, les dividendes des grandes entreprises, l’argent des autoroutes et des aéroports. Ces milliards, nous voulons les investir massivement dans le bien commun, l’école de nos enfants, la retraite pour nos parents, l’hôpital pour tous, et une alimentation saine, produite en circuit court et sans pesticides.
On ne va pas pouvoir tout changer sans rien changer
Les discussions qui émanent du web semblent toutes converger vers un point : ne pas revenir au jour d’avant. Comprendre : « ne pas relancer la machine capitaliste qui favorise les inégalités sociales, tue l’environnement, entraine les effondrements, qu’ils soient sanitaires, climatiques, environnementaux, économiques, politiques ou sociaux. »
Mais personne n’est dupe, on ne va pas pouvoir tout changer sans rien changer. Passer vers un autre mode de vie, consommer moins, plus local, plus sain, plus équitable, c’est ce que proposait le GIEC il y a 2 ans, en nous disant qu’on avait 2 ans pour lancer l’affaire. Mais rien de concret n’a été mis en place par nos gouvernements, pourquoi ces mêmes dirigeants seraient-ils crédibles aujourd’hui ?
Ils ne le sont pas et ils le savent. Le programme sera donc de sauver l’entreprise, en demandant des sacrifices aux salariés. Notre gouvernement s’acharne à défendre un programme pour lequel il n’a pas été mandaté, celui d’enrichir les plus riches, en défendant une hypothétique théorie du ruissellement. Cette démarche ne peut faire débat et il s’est résolu à l’imposer, quitte à faire usage de violence policière comme il l’a fait pendant 2 ans. Ainsi, voyant que les plaignants du confinements se bousculent aux portillons des tribunaux, le gouvernement Macron a enclenché une auto-amnestie préventive en sortie de crise sanitaire.[3] La démocratie libérale serait-elle en train de plagier la dictature ? Pas sûr que le monde d’après soit un paradis retrouvé.
Il y a fort à parier que nos dirigeants poursuivent l’œuvre entreprise dans « le monde d’avant » et profitent de la situation pour aider les grandes entreprises à mieux gérer les crises futures, tout en asservissant les salariés tant que faire se peut encore.
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