Covid-19 : que penser des essais cliniques avec groupe placebo en période d’épidémie ?
Depuis plusieurs semaines le citoyen entend beaucoup parler des essais cliniques. Nous amener à réfléchir à cette méthodologie médicale est un des grands mérites du Professeur Raoult qui propose un traitement contre le Covid-19. Ce traitement associe un antibiotique de la famille des macrolides (l’azithromycine) et l’hydroxychloroquine[1][2]. Dans ce traitement on parle beaucoup de l’hydroxychloroquine, on ne semble voir que l’hydroxychloroquine[3][4][5].
Dans les grandes lignes, un des grands reproches faits au Professeur Raoult est de ne pas faire d’étude clinique randomisée avec un groupe contrôle placebo.
Une étude randomisée implique un tirage au sort du patient pour savoir à quel groupe il appartient : groupe recevant la molécule testée (ou une des molécules testées si il y en a plusieurs) ou groupe recevant un placebo par exemple[6]. Différentes variantes existent : en aveugle, en double aveugle…
Le travail du Professeur Raoult ne présente pas de groupe placebo[7][8][9]. Associé à un antibiotique (Azithromycine) qui passe complétement sous les radars[10], il intègre l’hydroxychloroquine très controversée[11]. Dès lors les critiques fusent car il ne respecte pas la méthodologie académique dominante.
Lorsque l’on voit Karine Lacombe (chef de service du pôle maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint Antoine) associée au premier ministre [12] on serait tenté de parler de méthodologie officielle. Elle affirme que le travail mené à l’IHU de Marseille « est en dehors de toute démarche éthique » [12][13]. Parallèlement on trouve des sources indiquant qu’elle aurait par le passé touché des dizaines de milliers d’euros des sociétés pharmaceutiques qui produisent le kaletra et le remdesivir, médicaments en concurrence avec l’hydroxychloroquine mise en avant par le Professeur Raoult[13][14][15]. Faut-il y voir un conflit d’intérêt ? La méthodologie dominante est-elle très déontologique ? Espérons que nos gouvernants ne se font pas mener en bateau…
En termes de déclarations, on peut recenser d’autres prises de paroles étrangement proches des discours officiels. Ainsi le 23 mars 2020, dans l’émission « C dans l’air », Bertrand Guidet (chef de service du pôle réanimation médicale de l’hôpital Saint Antoine) est interrogé sur la pénurie nationale et déjà réelle de masques à l’hôpital[16]. Il déclare « […] pour l’hôpital on a des masques, […] on a les casaques, les calottes, les masques, on a ce que l’on demande ». Il devrait aller discuter face à face avec tous les auxiliaires paramédicaux : aides-soignants (qui n’ont plus le temps de faire des toilettes mortuaires décentes), infirmières qui manquent de surblouses ou qui doivent faire avec des surblouses friables[17], infirmiers de Belfort qui dans l’urgence inventent des masques filtrant à partir de masques de plongée[18], les manipulateurs en électroradiologie médicale qui sont en grève depuis des mois[*], dans le même hôpital par exemple[19]… Et tant d’autres. Les hôpitaux eux-mêmes en sont réduits à envisager la fabrication de blouses à partir de sac poubelles[20]. Au sujet des masques le 13 avril 2020 Emmanuel Macron faisait son mea culpa…
Revenons à nos pangolins…
On peut toujours énoncer quelques remarques concernant l’étude clinique du Professeur Raoult[8].
Cette étude présente des résultats concernant l’hydroxychloroquine seule et l’hydroxychloroquine associée à l’azithromycine. Clairement l’impact de l’azithromycine seule manque[4][21].
Certains lui reprochent d’avoir fait glisser discrètement sa proposition thérapeutique de la combinaison chloroquine/ azithromycine vers la combinaison hydroxychloroquine/ azithromycine [22].
On peut également se demander si la volonté très louable de proposer des thérapies impliquant du repositionnement de molécules existantes [23][24] n’induit pas de centrer exagérément la bithérapie sur l’hydroxychloroquine.
Certes l’étude ne présente pas de groupe placebo. Toutefois les protocoles d’études cliniques peuvent être de différents types [6][25][26]. Si l’idéal (« gold standard ») afin de minimiser les biais serait une étude de type randomisé avec un groupe contrôle placebo, son étude présente néanmoins un groupe contrôle[8]. La présence d’une comparaison est nécessaire pour pouvoir tirer des conclusions et leur attribuer une certaine validité. Ce n’est pas spécifique des études cliniques. C’est juste de la science. La notion de comparaison est vaste et recouvre les comparaisons historiques, géographiques, avec une autre étude, avec un groupe placebo… [6][23][24][25][26]. Tous les types de comparaisons et de groupes contrôle n’ont bien évidemment pas la même valeur en terme de biais introduits dans l’étude [26]. On peut bien évidement critiquer le groupe contrôle constitué, mais il est présent. On peut aussi également critiquer la constitution du groupe sur lequel les résultats sont établis.
Le dogme des études randomisées est controversé[27]. Il faut attirer l’attention sur le fait que le dogme est l’ennemi de la science. On peut se demander si depuis la seconde moitié du 20ème siècle, la « science » officielle n’est pas en train de devenir dogmatique. Et les politiques appuient leur décisions sur la « science »…
Est-ce utile de rappeler que nous sommes en pleine pandémie ? Est-ce utile de rappeler que les services de réanimation de certains hôpitaux sont saturés à tel point qu’il a fallu transférer des patients en cours de réanimation vers d’autres hôpitaux ? Faut-il tout savoir avant de traiter réellement ? Ne peut-on pas voir ce travail comme un premier jet en pleine période d’épidémie ?
Une démarche similaire est également appliquée par Moussa Seydi au Sénégal[28]. Ce médecin traite ses patients à l’aide de la chloroquine. Il déclare au sujet des travaux du Professeur Raoult « Cette étude a des failles et des imperfections mais j’ai trouvé ses résultats intéressants malgré tout. […] Nos patients sont suivis comme dans un essai clinique. […] Cette démarche […] est de l’ordre de l’urgence médicale. […] nous allons démarrer une étude, mais nous allons même faire une analyse rétrospective. À ce moment-là nous pourrons discuter et analyser les résultats. Nous pourrons aussi définir si les améliorations constatées sur les patients après l'injection du traitement à la chloroquine sont dues à l’effet placebo ou non ».
L’IHU résume clairement sa position [29][30] : « […] il n’est pas éthique de donner un placebo à un patient dont la vie est en danger […] Au vu de ces données de la littérature, les équipes médicales de l’IHU, comme médecins s’étant engagés à respecter le serment d’Hippocrate, ont pris la décision de poursuivre le traitement des patients atteints de COVID19 avec le protocole hydroxychloroquine+azithromycine, en l’attente de nouveaux résultats. »
La même remise en cause du dogme dominant est également exprimée par Moussa Seydi : « Pour ma part, j’ai des malades dans les hôpitaux de mon pays et j’ai un traitement que je peux utiliser, qui n’est pas nocif, alors je l’utilise. Ces patients sont sous ma responsabilité. Je suis professeur à l’université et chercheur mais je suis médecin avant tout. » [28].
Par dogme, devons-nous refuser le droit à un médecin de ne pas essayer de traiter ?
On peut remarquer que le remdesivir retenu par l’étude discovery[31] a déjà fait l’objet d’un essai clinique[23][24][30][32]. L’essai ne comporte pas de groupe placebo et n’est pas randomisé. Toute notion de comparaison avec une référence semble absente[23][24][30]. Et pourtant ce travail fait l’objet d’une publication dans le très prestigieux New England Journal of Medicine. Que devons-nous dès lors penser de la méthodologie officielle de conduite d’un essai ? L’ironie du sort est que cette molécule pressentie par l’académisme dominant semble présenter un taux d’effets secondaires de 60%.
Cette discussion sur le dogme actuel du « gold standard » est loin d’être spécifique à l’épidémie du Covid-19. Elle concerne entre autres une autre épidémie que l’humanité subit : le diabète de type 2[33][34]. Lors d’une conférence à l’Ohio State Université, le Dr. Sarah Hallberg (Indiana University Arnett) explique passionnément sa conduite d’études médicales qui ne suivent pas le « gold standard »[35][36]. Elle traite. Pourtant l'évolution du diabète de type 2 chez un patient donnerait le temps de faire du "gold standard". On peut remarquer au passage que la médecine et les médias dominants communiquent bien peu (doux euphémisme) sur le caractère réversible du diabète de type 2, en particulier via un simple changement de régime alimentaire, en adoptant le régime cétogène[37][38]. Peut-être la nutrition n’a plus le droit d’être une science car elle est déjà devenue un dogme…
La création d’un groupe placebo est depuis longtemps une question centrale des études cliniques [39].
Sur l’utilisation d’un groupe placebo en pleine épidémie du Covid-19 le Professeur Christian Perronne s’est récemment exprimé[40]. Ce médecin applique déjà le protocole azithromycine/hydroxychloroquine sur des patients « dès qu’il y a un début de pneumonie ou des signes de gravité moyenne ». En équipe « […] ses collègues et lui ont décidé d’appliquer ce protocole pour respecter leur serment d’Hippocrate […] ce n’est pas éthique de proposer de faire un tirage au sort sur des gens qui risquent de mourir […] Je ne suis pas contre les études randomisées quand on peut évaluer tranquillement les choses. Là, on est dans une médecine de guerre avec des centaines de morts par jour ». Concernant ceux qui ne voient que la méthodologie dominante, il affirme que les résultats définitifs et les certitudes arriveront après la fin de l’épidémie. Ses propos sont tranchés : « Qu’est-ce qu’on en a à faire d’avoir un placebo, un groupe témoin, si on guérit beaucoup de gens ? Là, on est dans une situation de guerre. […] La médecine devient folle. ».
Pour le Professeur Perronne Tout ce qui n’est pas évalué selon le standard méthodologie en vigueur « n’existe pas. Et toute cette méthodologie n’améliore pas la vie des malades. Avant tout ça, la médecine marchait très bien, cela fonctionnait par comparaison d’écoles, ça fonctionnait ainsi jusque dans les années 70, 80. Ce mode de comparaison contre placebo a été imposé par l’industrie pharmaceutique pour faire enregistrer leurs médicaments dans les agences internationales et pour vendre leurs produits. Ce qui est désolant là-dedans, c’est que tout ce qui n’a pas été évalué selon cette méthode, pour beaucoup de mes collègues, n’existe pas. La médecine est tombée sous la coupe de l’industrie. Regardez en Allemagne, les médecins sont libres […] ».
Plus simplement un médecin hospitalier témoignait de son choix personnel d’appliquer la bithérapie azithromycine/hydroxychloroquine déclarant « C’est ça ou rien » ?[41]
Que penser des témoignages off de médecins défenseurs de l’étude discovery qui seraient tombés malades et qui se seraient soignés par la bithérapie proposée par le Professeur Raoult ?[40]
Que penser des recommandations thérapeutiques du haut conseil de la santé publique qui recommande : « Que tout praticien soit fortement incité à inclure tous les patients atteints de Covid-19 dans les essais cliniques. » ?[42][43]
Que penser de ces médecins généralistes qui cherchent simplement à lutter contre l’épidémie ? [3][4]
Que penser des essais cliniques avec groupe placebo en période d’épidémie ?
Notre président est en guerre.
Le Professeur Christian Perronne est en guerre.
Si c’est la même guerre, ce n’est pas le même combat.
* : En ce qui concerne les manipulateurs radios, ils sont en grève depuis des mois pour une meilleure reconnaissance de leur métier. Depuis des années les hôpitaux leur font faire la cotation des examens de radiologie qui est un acte médical, donc normalement à la charge d’un médecin[43]. Depuis des dizaines d’années ils sont exclus des primes de type Veil, alors que leurs cadres les perçoivent[44]. Bien qu’entrant dans le champ d’application de la prime Buzyn pour les urgences depuis décembre 2019[45], certains hôpitaux bloquent les versements à tel point que les questions à l’assemblée nationale deviennent nécessaires [46], puisqu’on ne peut plus discuter. Mais ceci est une autre histoire…
Sur la thématique du Covid-19, par le même auteur :
Covid-19 : et si la France faisait confiance à ses généralistes ? [3]
Covid-19 : Azithromycine testé en préventif. Et si en pleine période de pandémie la France faisait du curatif ? [4]
[1] https://www.mediterranee-infection.com/pre-prints-ihu/
[3] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/covid-19-et-si-la-france-faisait-223334
[4] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/covid-19-azithromicyne-teste-en-223380
[5] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/des-medecins-ont-trouve-un-223202
(voir commentaires)
[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Essai_clinique#%C3%89tude_contr%C3%B4l%C3%A9e,_ou_comparative
[7] https://www.mediterranee-infection.com/actualite-du-traitement/
[9] https://www.agoravox.fr/commentaire5731944
[10] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/des-milliers-de-francais-sont-223201
[11] https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/hydroxy-chloroquine-et-si-on-222675
[12] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/elements-d-information-a-connaitre-223346
[14] https://www.agoravox.fr/commentaire5731830
[15] https://reseauinternational.net/interessant-mais-pas-surprenant/
[16] https://shows.acast.com/cdanslair/episodes/la-vague-arrive-les-critiques-aussi-23-03-2020
[18] https://www.youtube.com/watch?v=bLGq-ORBl3o
[21] https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/didier-raoult-s-est-sans-doute-223082
[23] https://www.mediterranee-infection.com/coronavirus-recul-de-lepidemie-a-marseille/
[24] https://www.youtube.com/watch?time_continue=6&v=5gMj6r9t-F4&feature=emb_logo
[25] https://www.eupati.eu/fr/developpement-et-essais-cliniques/methodologies-des-essais-cliniques/
[26] https://www.cerin.org/etudes/essais-cliniques-nutrition-groupe-controle-choisir/
[29] https://www.agoravox.fr/commentaire5731944
[30] https://www.mediterranee-infection.com/actualite-du-traitement/
[31] https://fr.wikipedia.org/wiki/Discovery_(essai_clinique)
[32] https://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMoa2007016?articleTools=true
[33] https://www.diabete.fr/comprendre/diabete/le-diabete-dans-le-monde
[35] https://www.virtahealth.com/blog/dr-sarah-hallberg-type-2-diabetes-reversal
[36] https://www.youtube.com/watch?time_continue=1096&v=JUuHrBwsJ2s&feature=emb_logo
[37] https://eatfat2befit.com/inverser-le-diabete-de-type-2-grace-a-la-cetose-nutritionnelle
[38] https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fendo.2019.00348/full
[39] https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_d%27Helsinki
[40] https://www.nexus.fr/actualite/entretien/perronne-hydroxychloroquine/
[41] https://www.vosgesmatin.fr/sante/2020/04/06/chloroquine-le-bilan-tres-positif-d-un-praticien-lorrain
[42] https://www.agoravox.fr/commentaire5731565
[44] : https://www.emploi-collectivites.fr/prime-infirmiere-specifique-veil-blog-territorial
[46] : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2019-2020/20200137.asp
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