Covid, une tragédie française
Covid, une tragédie française
Les statistiques sont impitoyables, l’épidémie est terminée et notre pays se réveille parmi les plus touchés au monde.
Laurent Mucchielli et quelques autres fournissent des données démographiques et économiques décapantes.
Covid ; combien de morts ?
Si l’on s’en tient au bilan officiel, celui-ci a fait 28 802 victimes (dont 18 455 à l’hôpital et 10 347 en « établissements sociaux et médico-sociaux », dont les EHPAD), à la date du 31 mai 2020 . A ce chiffre, il faudrait ajouter les morts survenues à domicile qui ne sont pas comptabilisées officiellement. Fin avril, le président du syndicat de médecins généralistes MG France estimait le nombre de ces dernières à quelque 9 000. L’épidémie aurait donc causé plus de 38 000 décès.
nombre de décés par million d’habitants
Dans certaines régions la mortalité est sous évaluée : là ou des personnes âgées n’ont pas pu être hospitalisées et où elles sont mortes en Ehpad ou à domicile. C’est le cas en Ile de France où les plus de 80 ans ne représentent que 52% des décès hospitaliers contre 66% en Paca et 59% en France.
La France plus ou moins touchée que les autres ?
Chaque pays est tenu de déclarer à l’OMS, les causes de décès. Par convention, le nombre de décès (dans lesquels le covid-19 a été impliqué) est rapporté à la population totale et exprimé par millions d’habitants (tableau 2, ci-dessous).
Écartons d’emblée une objection souvent entendue : certains pays « dissimuleraient » une partie de la mortalité en enregistrant des décès sous d’autres rubriques (par exemple : arrêt cardiaque, AVC, etc). En fait, dans tous les grands pays, les statistiques démographiques sont réalisées par des organismes indépendants de qualité qui suivent les mêmes conventions en la matière. A l’inverse, en France il règne pas mal de flou autour de la mortalité hors structures hospitalières. En fait, le chiffre de 441 morts par million – généralement publié dans la presse – ne porte que sur le nombre de décès enregistrés dans les hôpitaux et les EHPAD. Si l’on intègre une estimation de la mortalité à domicile et dans les maisons de retraite, le covid-19 a été associé en France à au moins 38 000 décès, soit 580 morts par millions d’habitants. La mortalité française est donc comparable à celle enregistrée en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne et n’est dépassée que par celle de la Belgique.
En revanche, la mortalité française pour covid-19 a été 4 à 5 fois plus élevée qu’au Portugal ou en Allemagne ; deux fois et demie plus élevée qu’en Suisse ou au Canada. L’Allemagne a un budget santé comparable à la France ; c’est un pays nettement plus vieux qui devrait donc avoir une mortalité plus élevée.
La mortalité en France est 100 fois supérieure à celle de la Corée du Sud et du Japon.
Le covid, une simple grippette pour laquelle on a tué l’économie ?
Il n’est ni le premier et ne sera pas le dernier mais les scientifiques n’ont les moyens de repérer un coronavirus que depuis quelques années ? Auparavant on parlait de mauvaises grippes et surtout de pneumonies que les médecins soignaient depuis plusieurs décennies avec des antibiotiques pour combattre les complications bactériennes.
La surmortalité liée au Covid 19 est équivalente à celle d’une mauvaise grippe. En France la crise est plus sérieuse ainsi que dans les pays qui n’ont pas su gérer, pas en Allemagne .
Autre différences, les cas graves sont plus nombreux avec 20% de décès parmi les hospitalisés ? mais de 12 à 25% selon les traitements pratiqués . Le nombre de décès parmi les malades (taux de létalité ) varie de 0,5% à 2 ou 3% chez les mauvais élèves. Il n’est pas de 0,5% partout, malheureusement ….
L’économie française a-t-elle été protégée ?
http://www.touteconomie.org/dossier/covid-19-quels-impacts-economiques_15020
La comparaison internationale est éloquente : la France est un des pays les plus touchés économiquement car le dirigisme y a été le plus fort au monde après la Chine. Le confinement est intervenu plus tard, il a été plus fort et dure plus longtemps qu’ailleurs…
Même si l’activité économique revenait intégralement à son niveau d’avant crise dès le mois de juillet, le PIB français diminuerait de 8 % sur l’année 2020, or un retour aussi rapide à la normale semble peu réaliste. La chute du PIB au premier trimestre est d’autant plus marquée que les mesures de confinement ont été strictes Variation trimestrielle du PIB au premier trimestre 2020 (en %).
Selon cette note de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui étudie l’impact du Covid-19 sur le mois d’avril, moment où de nombreux pays ont confiné leur population, l’économie mondiale a connu ce mois-là une récession de 19%, tandis que le commerce mondial a chuté de 25%. « L’Espagne, l’Italie et la France font partie des pays les plus affectés » avec une chute de leur valeur ajoutée « de plus de 30 points », détaille l’OFCE, organisme indépendant de recherches.
À l’inverse, les États-Unis (-22 points) ou l’Allemagne (-24 points) s’en sortent un peu moins mal, tandis que les économies émergentes résistent mieux à ce stade (-15 points).
La présidente de la Banque centrale européenne (BCE) a indiqué s’attendre à une baisse de 8,7% du PIB de la zone euro en 2020 en raison de la crise sanitaire
Dans le troisième projet de loi de finances rectificatif pour 2020, qui sera présenté par Bruno Le Maire et Gérald Darmanin en Conseil des ministres mercredi 10 juin, l’hypothèse d’évolution du PIB a été fixée à – 11 %, du jamais vu en temps de paix.
Tout ça pour rien ? La peur et le dirigisme plutôt que la prévention et le traitement
Or le confinement en Allemagne ou au Portugal a été moins strict et moins long qu’en France. La comparaison est également éclairante avec la Corée et le Japon. Comme l’Allemagne, le Japon est nettement plus âgé que la France, pourtant les bars et les restaurants sont restés ouverts pendant toute la crise, les écoles n’ont été que très brièvement fermées, l’économie a fonctionné normalement et… le nombre des décès pour covid-19 a été presque 100 fois plus faible qu’en France.
Un peu de benchmark serait intéressant pour comprendre comment dans d’autres pays le taux de mortalité a été finalement bien plus bas, par exemple en Allemagne ou au Portugal sans parler du cas de pays asiatiques, tels Taiwan, le Japon ou la Corée du sud. Curieusement, ces derniers semblent plutôt servir de repoussoir. Notre presse y guette d’abord les signes de reprise de l’épidémie, continuant à privilégier la peur et le dirigisme, sans lequel toute prévention ou traitement serait impossible.
Un confinement inefficace ? Trop tardif en tous cas et qui dure trop longtemps, donc à contre temps. Des décisions prises pour pallier au manque de tests et de masques et maintenues pour que perdure une logique de peur dans la population.
Taux de mortalité : des différences incompréhensibles entre les départements
Partout en France, l’hospitalisation pour covid-19 s’est principalement faite lorsque le patient présentait des difficultés respiratoires graves et, théoriquement, le traitement a partout été le même. Dès lors, on s’attendrait à ce que la mortalité à l’hôpital soit à peu près semblable dans tous les départements. Pour l’ensemble du pays, ce taux est de 18,4 %. Curieux mais Paris avec tous les spécialistes sans doute trop occupés par la télévision, se situe au-dessus de la moyenne, de la Seine Saint Denis e du Val de Marne
Sous mortalité surprenante dans les Hauts de Seine, le Rhône, les Bouches du Rhône …
La surmortalité à l’hôpital suit une ligne continue traversant la France d’est en ouest, des Ardennes à la Charente-Maritime en passant par la Moselle, la Meurthe et Moselle, les Vosges, la Haute-Saône, la Côte-d’Or, la Nièvre, le Cher, l’Indre, la Vienne, les Deux-Sèvres mais elle touche également l’Eure, l’Oise ou la Somme. Au sud est on trouve le Var isolé.
Les explications habituelles sont complètement fausses
Plutôt qu’en Seine-Saint-Denis, on cherchera dans ces départements les indices de l’inégalité face à la maladie : vieillissement mal accompagné, appauvrissement d’une partie de la population mais aussi défaillances du système médical. Dans la grande presse, on a souligné l’existence de « déserts médicaux » en citant le Lot, le Cher, l’Indre, les Deux-Sèvres, la Nièvre voire les Vosges, mais l’Eure, l’Oise, la Meurthe-et-Moselle ou la Côte d’Or, qui ont connu des mortalités proches de ces départements, ne sont pas des « déserts médicaux »…
Certains établissements ont été débordés par l’afflux des malades et la qualité des soins s’en serait ressentie ?
Pour au moins la moitié des départements, il n’y a aucun lien entre le nombre d’hospitalisés et la mortalité. Au pic de l’épidémie des départements comme l’Oise, la Corse du Sud, la Meurthe et Moselle, ont un taux d’hospitalisation comparable (6 pour 10 000h) et un taux de mortalité de 24 % . Les Bouches du Rhone, avec un même taux d’hospitalisation connaissent un taux de mortalité deux fois plus faible.
La position des Bouches-du-Rhône avec une mortalité attendue inférieure de 38 % à celle de Paris, est inférieure de 30 % à la valeur attendue (équivalente à la Seine-et-Marne) et pratiquement deux fois moindre que celle de l’Oise. Avec un pic épidémique à peine supérieur, le Rhône (Lyon) a une mortalité 20 % supérieure à celle des Bouches-du-Rhône.
De nombreux commentaires ont également mis l’accent sur la gravité des cas, affirmant que, dans certains départements – où les hôpitaux n’étaient pas saturés – on aurait accueilli des cas moins graves que dans les départements au cœur de l’épidémie où les services de réanimation étant saturés, les cas moins graves n’auraient pu être traités.
Il devrait exister une relation entre le pourcentage de patients en réanimation au moment du pic épidémique et le taux final de mortalité à l’hôpital.
Et bien ça ne marche pas : il y a des départements qui comptent 25% de patients en réa comme Paris et le Bas Rhin et 20% de mortalité et les Bouches du Rhone avec un pourcentage de réa comparable et 12% de mortalité seulement .
De même les Hauts de Seine et les Yvelines s’en sortent bien mieux que le Val d’Oise ou la Moselle dans des situations de gravité des malades comparables…
Enfin, on peut penser qu’une circulation précoce du virus peut expliquer ces différences de mortalité à l’hôpital. Il s’agissait d’affronter une maladie largement inconnue. Il semblerait logique que la mortalité ait été plus forte dans les premiers départements qui ont affronté la vague épidémique, les suivants bénéficiant d’une meilleure connaissance et d’une meilleure maîtrise des traitements possibles.
C’est très exactement le contraire qui est observé ; des départements précocement ,durement, massivement touchés connaissent des taux de mortalité hospitalier moins élevés que d’autres, comme si la fatalité ou des directives rigides pénalisaient la qualité des soins.
Une politique sanitaire ultra dirigiste ?
En effet, les autorités françaises se sont posées en « chefs de guerre » face à l’épidémie. Elles ont eu recours à un « confinement » général extrêmement dur pour tenter de ralentir la diffusion du virus dans le pays. De plus, les autorités ont mis sur la touche la médecine de ville, interdit aux médecins de prescrire certains médicaments et aux pharmaciens de les délivrer ; elles ont levé le secret médical et obligé les médecins à transmettre à l’administration le nom des patients atteints de covid-19. Elles ont édicté une réglementation « sanitaire » tatillonne
L’affaire hydroxychloroquine se déclenche alors à la suite de la révélation du protocole hydroxychloroquine-azithromycine
Mais, l’exigence et la rigueur opposées à l’hydroxychloroquine contrastent terriblement avec les libertés accordées à d’autres médicaments. La différence de traitement est saisissante.
En premier lieu, remarquons que le vaccin attendu, censé protéger contre cette maladie, est déjà promu, vendu, dans les médias ; pourtant, nous n’avons encore aucune donnée validée et vérifiable sur son rapport bénéfice/risque : sur ladite preuve clinique réclamée avec insistance, et c’est peu dire, à l’équipe marseillaise.
De nombreux autres médicaments sont régulièrement mis sur le marché, parfois selon une procédure accélérée devenue de plus en plus fréquente, alors qu’ils n’apportent rien de nouveau ; alors que le rapport bénéfice/risque n’est pas suffisamment évalué. Certains de ces produits sont même plus dangereux qu’utiles.
Oui, ce qui est refusé à l’IHU de Marseille est permis, toléré, accepté pour d’autres.
Faut il préciser que les molécules interdites étaient sur le marché depuis 81 ans, il ne s’agissait pas de nouveaux médicaments !
Une autre question, d’ordre éthique, se pose : un médecin, qui bénéficie d’une indépendance professionnelle dans l’exercice de son art, doit-il respecter ce filtre académique incertain de façon absolue et quelles que soient les circonstances ?
La loi doit elle limiter le droit du médecin à prescrire ? La France , avec les décrets Véran s’est placée dans une position unique en son genre ? Raoult n’a pas été et de loin la seule victime. Les médecins généralistes et en particulier ceux de Lorraine sont poursuivis par l’Ordre pour prescrire de l’azithromycine et du zinc.. ?
Mais le traitement spécial réservé à l’IHU de Marseille diffère de la souplesse habituelle accordée à d’autres ; et les comportements ciblant la personne de Didier Raoult nous semblent inappropriés.
Les statistiques révélatrices de fautes graves.
Les pays qui ont obtenu les meilleurs résultats face à l’épidémie, ont adopté une attitude exactement opposée : prévention (spécialement protection spécifique pour les personnes à risques), dépistage systématique (particulièrement du personnel soignant), mise à l’écart des malades et soins précoces (souvent avec des traitements comparables à ceux interdits en France). Ces pays ont fait confiance au corps médical et aux citoyens. Ils se sont bien gardés de mettre entre parenthèse les libertés publiques et ils n’ont pas plongé leur économie et leurs assurances sociales dans une crise sans précédent.
Les inégalités départementales en France même révèlent des pratiques différentes face à la maladie et la résistance aux directives a permis de mieux soigner…
Dans un demi-siècle peut-être se trouvera-t-il un historien pour étudier les « performances des différents hôpitaux en fonctions des traitements mais les statistiques par hôpital sont pour le moment inaccessibles et on peut comprendre pourquoi.
Comment expliquer que les malades hospitalisés pour covid-19 sont morts 2,5 fois plus à Paris qu’à Toulouse ou qu’en outre-mer ? Pourquoi est-on mort deux fois plus dans les hôpitaux mosellans, ou de Meurthe-et-Moselle, que dans ceux du Var ou des Bouches-du-Rhône ? Ou encore 1,6 fois plus dans la région parisienne que dans les Bouches-du-Rhône ? Pourquoi une différence de près de 50 % de mortalité entre des départements voisins comme le Var et les Alpes-Maritimes ? Voire de 1 à 3 entre la Haute-Corse et la Corse-du-Sud ? Pourquoi la mortalité à Paris est-elle significativement plus élevée que dans le reste de l’Ile-de-France et dans la plupart des départements de province, alors que les hôpitaux parisiens sont richement dotés et que les plus grands spécialistes y travaillent ?
Quel a été l’impact du protocole Raoult suivi dans les Bouches du Rhône, dans les Hauts de Seine à Garches, ou encore au CHU de Nice (AdeHP) ?
La liberté encore laissée aux généralistes au début de l’épidémie n’explique-t-elle pas de meilleures réussites ?
Les mauvais résultats de Paris sont-ils indépendants de l’hostilité des mandarins locaux à Raoult ?
BIBLIOGRAPHIE
Covid-19 : ce que nous apprennent les statistiques hospitalières
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4498146?sommaire=4473296
Sociologue, directeur de recherches au CNRS (Laboratoire Méditerranéen de Sociologie), www.laurent-mucchielli.org France
Amine Umlil est pharmacien hospitalier, responsable du Centre territorial d’information indépendante et d’avis pharmaceutique, au centre hospitalier de Cholet. .
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