Dans le joli bois du muguet
À lui.
C’est un joli matin, un de ceux qui vous enchantent le cœur. Le soleil accompagne ce début de printemps, le muguet est en avance dans ce joli petit bois. Lui, l’âme en peine, avait l’habitude d’y venir avec son père, ramasser ces fleurs, symbole du renouveau et des luttes syndicales. C’est ainsi qu’il a grandi, s’est forgé une personnalité forte mais tourmentée.
Ce sont ses démons tout autant que ses souvenirs qui l’ont conduit là. Il souffre, depuis trop longtemps pour lui, de ce mal étrange que des spécialistes ont étiqueté : « Bipolarité ». Un terme qui ne rend pas compte de toutes ces frayeurs intérieures qui peuplent son esprit, ses peurs, ses angoisses, ses doutes et dans le même temps ses fulgurances, ses certitudes qui le rendent soudainement indestructible.
Terrible illusion du moment, le bilboquet des sentiments risque tôt ou tard de mener au désespoir. C’est là, vidé, las de cette épuisante existence qu’il décide de mettre en suspens sa vie. Il a choisi un arbre, un arbre sur lequel les feuilles pointent. La nature reprend des droits auxquels, lui, ne peut plus aspirer. D’un saut, il rend son dernier souffle. Il a tiré se révérence !
Le choc passé, il appartient d’être présent auprès des siens. Les mots sont de si peu de secours dans pareil cas. Pourtant, c’est à travers eux qu’il convient de compatir, de partager une si modeste part du fardeau. Alors, il faut se lancer, écrire, écrire en état de sidération, rédiger un message qu’on qualifie pompeusement de condoléances. C’est si dérisoire ...
À vous …
La terrible nouvelle est tombée. Chacun espérait une issue heureuse alors que nous avions tous une sourde inquiétude. Le terrible mal qui le rongeait était de nature à le pousser à l’irréparable. Pourtant, nous osions croire à une simple fugue, un moment délicat pour lequel il avait besoin de s’isoler.
Il l’a fait au-delà du souhaitable, laissant ainsi un vide terrible, incompréhensible tout autant. Nous avons tous le sentiment que nous n’avons pas fait assez pour l’aider, même si ce qui le rongeait était sans doute plus fort que les modestes signes amicaux que nous pouvions lui offrir.
Mais qu’est notre chagrin au regard de celui de ses proches, de sa famille qui connait-là la pire épreuve qui soit pour des parents. On dit souvent qu’il n’existe pas de mot équivalent à « Orphelin » pour désigner ceux qui perdent ainsi un enfant. C’est sans doute le plus grand cataclysme qui soit et face à cette tragédie, nos pensées, nos marques de sympathie sont de bien pauvres secours.
Nous pensons encore à sa compagne pour qui se referme l’espoir d’une vie commune qu’elle avait envisagée tout en sachant combien il était complexe de partager ses démons. Elle se retrouve face à un destin brisé. Que lui dire sinon qu’elle est jeune et que le temps pour elle sera le plus sûr remède ?
Nous ne pouvons que nous associer à votre deuil, le partager à notre mesure qui ne sera bien évidemment jamais la vôtre. Ce départ a été voulu, l’expression aujourd’hui me semble plus absurde encore : « Se donner la mort ! » c’est plutôt une confiscation, une dérobade, une privation affreuse de vie que Théo a décidé dans ses tourments d’accorder à tous ceux qui l’aimaient et qui l’aimeront toujours au-delà de son absence.
Des esprits religieux diront qu’il est désormais en paix. Que cette quiétude de l’esprit paraît dérisoire en rapport aux ravages que fait sa décision dans tous les cœurs. Cette paix lui était sans aucun doute indispensable, ce n’est qu’en acceptant son geste que nous parviendrons à dépasser la tragédie sans jamais l’oublier.
Je vous adresse, de manière si maladroite, toutes mes pensées affectueuses colorées hélas d’une profonde tristesse. Acceptez ce message comme l’expression d’une compassion qui avait besoin de mots pour exprimer ici ce qui ne se peut admettre. Courage à vous en cette odieuse épreuve.
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