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Accueil du site > Tribune Libre > De Gaulle et la « blitzkrieg », un mythe français

De Gaulle et la « blitzkrieg », un mythe français

 

Dans l'exploitation de la science par le politique, la science de l'Histoire est une des plus maltraitée. Instrument idéal de justification, de légitimation du présent, la conscience du passé est distillée dans l'esprit des masses sous forme de simplifications outrancières et trompeuses. S'il est difficile voire impossible d'établir « la vérité » en matière historique -comme en toutes choses- il est néanmoins tout à fait possible de démasquer le faux.

Histoire particulièrement politique, les origines de la défaite française de 1940 est un sujet qui garde une certaine vigueur dans le grand public.

Parmi les idées qui circulent dans les esprits, celles concernant Charles de Gaulle ont une place de choix. Le présent article se concentrera sur la réfutation d'un petit nombre d'entre-elles, qui, si elles ne sont pas les plus sophistiquées, restent notoirement d'actualité. Le point central sera l'ouvrage de de Gaulle, vers l'armée de métier, paru en 1934, qui sert de justification à plusieurs idées reçues, qui s'échelonnent de la position raisonnable au délire complet. Ainsi, selon le degré de vénération que certains portent à la mémoire du général, l'auteur et l'ouvrage se voient attribuer des qualités extraordinaires.

De Gaulle serait un visionnaire, qui aurait théorisé la guerre mécanique moderne dans son ouvrage, en particulier l'usage des chars. Ce livre aurait été ignoré par des Français incrédules et retardataires, privant la France de l'arme qui fît la victoire des Allemands. Certains vont plus loin, en affirmant que ces Allemands, qui traduisirent l'oeuvre, en auraient tiré toutes les leçons, et auraient systématiquement appliqué ses recommandations. Dans les visions les plus romanesques, c'est tout l'état-major du Reich, et Hitler lui-même, qui s'initient à l'art de la guerre moderne grâce à la sublime parole du (alors) lieutenant-colonel de Gaulle. Ils en auraient tiré les enseignements tactiques qui formeront le cœur d'une forme de guerre totalement nouvelle, révolutionnaire, qu'on appellera « blitzkrieg », guerre-éclair.

Or, à divers degrés, tout est faux dans cet énoncé. De Gaulle n'a rien de spécialement visionnaire. Son ouvrage est indigent au plan tactique, ce n'est d'ailleurs pas directement son objet. Il contient sur ce point des lacunes impardonnables. C'est sur le plan politique, dans le contexte de l'époque, qu'il faut plutôt porter le regard.

Un article de FigaroVox de 2020 [1], détruisant une autre légende gaullienne (La bataille de Montcormet), résume très bien la faiblesse du contenu tactique :

Il y avait composé un vibrant plaidoyer pour la constitution d’un puissant corps de bataille cuirassé, fort de 100 000 hommes, tous des soldats professionnels. De Gaulle y reprenait, pour l’essentiel, les idées développées au début des années 1920 par le général Estienne, mais sans réellement en maîtriser les aspects tactiques et pratiques. L’auteur utilisait en effet des formules vagues, qui ne donnaient jamais le « mode d’emploi » du char. Il énonçait quelques caractéristiques comme : « l’arme blindée s’avance à la vitesse du cheval au galop » ou encore « les tanks gravissent des talus de trente pieds de haut ». Jamais il ne rentrait dans les détails techniques et logistiques. Surtout, De Gaulle n’y abordait que très superficiellement le rôle de l’aviation et des transmissions. Vers l’armée de métier, tenait ainsi plus de l’essai littéraire, que de la définition précise du concept d’emploi du char au combat.

En effet, très peu de pages, principalement le début du chapitre « composition », donnent une description des unités blindées qu'il propose, et leur emploi, développé dans le chapitre suivant, n'aborde aucune question de logistique, ni concernant le carburant ou les munitions. De Gaulle nous fait un récit épique de ses unités, devant « agir à l'improviste » en profondeur dans le territoire ennemi, à travers champs, en totale autonomie, sans jamais préciser les conditions de cette autonomie. Dans ses mémoires de guerre, de Gaulle, commentant les réactions françaises à l'ouvrage, regrette que « d'autres critiques usaient de la raillerie » [2], citant la fin d'un article du Mercure de France [3], il se garde cependant d'indiquer l'objet de cette raillerie :

« Ajoutons Deux régiments d'artillerie, par brigade, équipés pour lancer, en un quart d'heure, à 10 km en avant du front de combat, 100 tonnes de projectiles », soit, pour les 6 divisions, 1.000 tonnes de projectiles par quart d'heure. On est gêné pour apprécier, avec la courtoisie qu'on voudrait, des idées qui voisinent l'état de délire.

Autre lacune criante chez de Gaulle, déjà mainte fois relevée, l'aviation. Elle n'existe que sous deux formes dans l'ouvrage, une aviation de reconnaissance, attachée à chacune de ses divisions, et un régiment de chasse pour l'ensemble de la force blindée. Il va plus loin en dénigrant littéralement le bombardier : à la fin du chapitre « Emploi », dernière mention de l'aviation : « Car, les effets produits par l'aviation de bombardement, si terrible qu'ils puissent être, ont quelque chose de virtuel. [...] Il n'existe au sol aucune force capable de s'unir avec les flottes aériennes. [...] Le sol, — le sol, réel objet de la guerre. ». Lacunes piteusement corrigées a posteriori dans une « réédition » du texte en 1944, qui ajoutera à celui de 1934 : 

Mais surtout en frappant elle-même à vue directe et profondément, l'aviation devient par excellence l'arme dont les effets foudroyants se combinent le mieux avec les vertus de rupture et d'exploitation de grandes unités mécaniques

Autre point important, il faut quitter l'idée qu'en 1934, parler de char et de leur doctrine d'emploi a un quelconque caractère visionnaire. La consultation de la « Revue militaire française » est très éclairante sur ce point. Régulièrement, depuis sa parution en 1921, on trouve des articles infiniment plus détaillés sur l'arme blindée, aussi bien d'auteurs français, allemands, britanniques ou américains. Ceux-ci ne font pas l'impasse sur la coordination avec l'aviation et sur les difficultés de la logistique. Tous les ingrédients de l'offensive de 1940 y sont détaillés, même si tout le monde reste circonspect sur les difficultés d'organisation que cela implique. A titre d'exemple, la revue commente en 1930 [4] l'ouvrage Further aspects of Mechanization, par le brigadier général H. Rowan ROBINSON :

Ce livre complète l'exposé des idées que l'auteur avait commencé dans son ouvrage précédent « Some aspects of mechanization » voit dans l'emploi hardi et quasi exclusif d'unités motorisées et blindées le point de départ d'une ère nouvelle de mobilité et d'offensive. Aussi les manœuvres de 1928, à la suite desquelles ce livre a été écrit, ont-elles déçu un partisan aussi entier des chars, par leur timidité et par l'incapacité du commandement à s'adapter aux conditions nouvelles de l'emploi d'une arme nouvelle. D'où les échecs des chars et les succès fallacieux des armes anciennes, infanterie, cavalerie, artillerie.

L'auteur s'efforce de montrer, dans un intéressant exposé historique, que le temps des Grandes Armées est passé, que l'armée appartient à des forces réduites entièrement mécanisées dont on utilisera à plein la rapidité, la mobilité, le large rayon d'action. L'infanterie immobile, essentiellement défensive, l'artillerie, même partiellement motorisée, seront manœuvrées et paralysées, si même elles ne sont pas détruites, par un adversaire dont la rapidité sera le plus sûr protecteur.

Un des chapitres les plus hardis est celui où l'auteur étudie les moyens de ravitailler cette force, qui ne peut rester attachée à une base immobile sans perdre sa qualité essentielle, ni étendre indéfiniment une ligne de communication vulnérable. La solution séduisante que l'auteur envisage, le ravitaillement aérien, donne lieu à d'intéressants calculs.

Quelques réserves que l'on puisse faire sur la réalisation dans un avenir rapproché de certaines des idées de l'auteur, on ne peut s'empêcher d'admirer la logique avec laquelle il montre les extrêmes conséquences de la révolution tactique causée par la locomotion automobile et l'invention du char blindé.

De Gaulle recevait cette revue, comme tous les membres de l'état-major.

La France ne manque pas non plus de partisans des chars, et ceux-ci sont bien moins lacunaires que notre, alors, lieutenant colonel. D'ailleurs, dès 1936 sera mis en service le char français SOMUA S-35, qui restera techniquement très compétitif en 1940 face aux blindés allemands, comme la plupard des matériels blindés français d'ailleurs, a l'exeption d'un élément capital, la radio embarquée.

Ajoutons que la future panzerwaffe sera mise à l'étude concrète, secrètement, par un accord avec les Soviétiques, dès 1928 à Kazan, en URSS [5]. Il y est installé un centre d'expérimentation dirigé par les officiers de la Reischwehr, qui sera le berceau à la fois des matériels blindés et de leur technique d'emploi. C'est là-bas qu'ils résoudront en partie les problèmes mécaniques de suspension et de transmission, et développeront, grâce à la filiale allemande Lorenz de l'entreprise américaine ITT [6], les premières radios transportables, suffisamment petites et résistantes aux contraintes de choc et de vibration. C'est la vraie innovation, saut qualitif par rapport aux fragiles postes à cristaux en usage alors, qui sera indéniablement le meilleur avantage des troupes allemandes jusqu'en 1941.

Le manque d'originalité de de Gaulle est également valable pour l'idée d'armée de métier, dont le pionnier reconnu est le général von Seeckt, en charge de la Reichswehr, l'armée allemande réduite autorisée par le traité de Versailles. Chose que les commentateurs allemands de l'ouvrage de de Gaulle ne manqueront pas de noter. En effet, le général allemand commence dès 1919 à théoriser une armée de spécialiste, et sera beaucoup discuté, en particulier son dernier ouvrage de 1929 [7], qui sera au coeur du développement de la Werhmacht.

L'ouvrage de de Gaulle ne passera pourtant pas inaperçu, contrairement à une légende encore vivace. En témoigne le site internet general-de-gaulle.fr (dont j'ignore qui sont les protagonistes). Ceux-ci affirment :

1934 : la droite et la gauche traitent de Gaulle par la dérision[...] De l’Humanité à l’Action française, on traite de Gaulle par la dérision.

Vérification faite, le journal l'Action Française en date du 1er juin 1934 [8] consacre une publicité en plus d'un article élogieux sur l'ouvrage, qui se conclue par :

« Vers l'armée de métier, cet ouvrage remarquable, rédigé dans un style très élégant, trouve sa place aussi bien dans la bibliothèque des militaires que des civils qui ne sauraient le lire sans un vif intérêt. »

Le journal de référence d'alors, « Le temps », ne consacre pas d'article spécifique au livre, mais contient une publicité à la date du 30 mai 1934, et cite l'ouvrage et l'auteur dans plus d'une dizaine d'articles consacrés à la réforme de l'armée, toujours en termes élogieux. Par exemple le 10 septembre 1934, on peut lire :

« L'adoption de l'armée de métier, préconisée par le colonel de Gaulle, dans un livre dont la vigueur de style a déjà, et à juste titre, fait l'objet d'élogieuses appréciations... » 

Même teneur dans un article du 8 mai 1934 de la publication « La Liberté », ou dans le quotidien « Paris-midi » du 19 septembre 1934, dans « la revue des deux mondes » de septembre 1934, et dans une poignée de publications mineures.

« La revue militaire française », déjà citée, consacre également une publicité et nomme très régulièrement de Gaulle dans les articles ayant trait à l'organisation de l'armée.

Les rares occurrences d'articles négatifs ont également la particularité de s'intéresser aux aspects tactiques, tandis que l'intégralité des autres n'aborde que le sujet de la réforme de l'armée. « Le mercure de France », déjà cité, à qui de Gaulle fera les honneurs d'une référence dans ses mémoires, ainsi que le mensuel « Notre temps » d'octobre 1934, qui note l'absence de détails concernant le franchissement des cours d'eau, et conclue plus généralement que de Gaulle ne prend simplement pas en compte la riposte de l'ennemi dans les descriptions épiques de ses unités au combat.

Nos thuriféraires du général poursuivent [9] :

Au moment où est publié « Vers l’armée de métier », Charles de Gaulle parcourt les rédactions des journaux, rend visite aux parlementaires. Manifestement, son comportement n’est plus celui d’un militaire, car opposé à la doctrine officielle qui prévaut alors dans le domaine militaire.

Un homme répond à sa sollicitation. Paul Raynaud tente de réagir à l’Assemblée nationale, mais ni Léon Blum, alors Président du conseil, ni le Général Maurin, Ministre de la guerre, ne saisissent l’occasion. Léon Blum reste enfermé dans sa doctrine de gauche [...]

Léon Blum reçoit une nouvelle fois le Lieutenant-Colonel de Gaulle le 14 octobre 1936 pour lui réitérer ce qu’il a déjà écrit dans le Populaire le 16/12/34 afin de condamner l’armée de métier en raison même de son efficacité présumée : « On ne voit pas comment serait réservé le temps pour le jeu des instances internationales et pour la détermination de l’agression… 

Le fameux article de Blum, très courtois dans la forme, aura lui aussi l'honneur d'une citation dans les mémoires du général [10]. Or, wikipédia [11] aura pour une fois le mérite d'apporter beaucoup plus précisément le point de vue de Léon Blum :

« La réaction du pouvoir politique fut, à l'exception notable de Paul Reynaud, très négative : Léon Blum et les partis de gauche reprochèrent à de Gaulle de sortir de son rôle et de vouloir constituer une armée pour un coup d'État : dans sa critique, Léon Blum parle de "néoboulangisme" en faisant allusion aux tentatives de coup d'état du général Boulanger »

Rappelons la situation politique en France, en 1934. Le 6 février, suite à la célèbre affaire Stavisky, une manifestation dégénère, devant le bâtiment de l'assemblée nationale, les troupes tirent au fusil mitrailleur sur la foule, pour repousser à ce qui ressemble à une tentative renverser la république. Dans la manifestation, plusieurs groupements politiques puissants et hostiles au régime sont représentés. « Croix de feu » du colonel de la Rocque, Action Française, Jeunesses Patriotes etc. C'est aussi l'année de la fondation de la Cagoule. Bref, il y a prolifération en France d'organisations, plus ou moins putschistes, plus ou moins fascisantes. La situation est délétère, et la sociale démocratie, de gauche ou de droite, compte ses alliés. Les milieux militaires sont réputés criblés de partisans de « l'ordre nouveau ».

Or, « mystérieusement » dédaignées par les commentateurs modernes, les toutes dernières pages de « vers l'armée de métier », remettent en cause tout l'ouvrage, en tout cas l'intention de l'ouvrage. Elles jettent pourtant un éclairage précis sur la réception de l'oeuvre par les politiques. Ces pages sont trop importantes pour que je ne les reproduise pas intégralement. Toute cette réforme de l'armée, cette constitution de l'armée de métier, est, dit de Gaulle, conditionnée par un unique élément, qui n'est pas militaire, mais politique, une réforme de l'État qui passe par une unique solution.

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C'est un appel sans équivoque à la dictature, à la liquidation du parlementarisme, donc de la république. Comment s'étonner que l'oeuvre n'ait pas été accueillie avec enthousiasme chez Blum ? Il semble que les propos de conclusion de de Gaulle n'aient pas échappé à son attention... D'autant que le militaire « qui sort de son rôle », qui « parcourt les rédactions des journaux, rend visite aux parlementaires » est le protégé du maréchal Pétain. Si en 1934, il reste une ambiguïté sur la personne à qui de Gaulle pense lorsqu'il réclame un « maître », apte à faire advenir « le redressement, l'ordre nouveau, l'autorité », leur brouille, quelques années plus tard, laisse à penser que l'ambition déjà très remarquable du lieutenant-colonel éclaircit ce point...

 

Passons maintenant à la réception du livre en Allemagne. Il est tout à fait vrai que l'ouvrage, traduit en Allemand, a suscité un nombre significatif de commentaires dans les revues et journaux allemands. De Gaulle dira dans ses mémoires de guerre : « Je fus bientôt avisé que lui-même [Hitler] s’était fait lire [avant la publication de la traduction] mon livre dont ses conseillers faisaient cas... » [12] Ceci est tout à fait vraisemblable. Les zélotes biographes du général disent [13] : 

Condamné par la majorité des généraux français, et par les socialistes qui craignent la suppression du service militaire [sic], le livre attire en revanche l’attention du général Guderian, créateur de la force mécanique allemande.

Là encore, on cherche à attirer l'attention vers le contenu militaire de l'ouvrage, le (alors) colonel Guderian étant le partisan le plus ardent des chars en Allemagne, en ignorant toute dimension politique, et sans élaborer sur la faiblesse technique de l'ouvrage.

Quelle est la situation de l'Allemagne, nouvellement national-socialiste, en 1934 ? Hitler n'est pas encore dictateur, bien qu'en août, suite au décès du président Hindenburg, il cumule les rôles de président et de chancelier. La grande affaire politique de l'époque, c'est le dernier acte de la « conférence pour la réduction et la limitation des armements » dite conférence de Genève. Celle-ci vise à interdire un certain nombre d'armes offensives et de limiter drastiquement les forces armées mondiales. Dès avant Hitler, la principale revendication allemande est la parité militaire avec la France, donc l'abolition des clauses restrictives du traité de Versailles. Fin 1932, elle obtint un accord de principe sur la question de l’égalité de traitement. Le traité de Versailles est donc déjà « cliniquement mort ». L'année suivante, les Britanniques proposent le « plan MacDonald » qui entérine les demandes allemandes, contre les exigences françaises. [14] Au cours de ces années, dans la propagande et les déclarations publiques, les Allemands se font les champions du pacifisme. Hitler dira en 1933 : « On m'insulte en continuant de répéter que je veux la guerre. Suis-je fou ? La guerre ? Mais elle ne réglerait rien ! »[15]

Il est clair que cette attitude a pour but d'obtenir la levée des restrictions, puis, comme ce sera le cas dans les années suivantes, commencer un réarmement massif, déjà préparé de longue date et bien avant Hitler. Il y a donc un double enjeu politique pour les dirigeants allemands : légaliser le réarmement au plan international pour éviter des sanctions, la dépendance de l'économie et de l'industrie allemande aux fournisseurs étrangers étant déjà un facteur important, et au plan intérieur, faire accepter ce réarmement à la population, et pour ce faire, insister sur sa nécessité. Ajoutons un enjeu personnel pour Hitler, faire accepter sa dictature et celle du Parti national-socialiste aux masses allemandes.

La traduction en allemand paraîtra en 1935. Mais celle-ci est une version fortement réduite de l'ouvrage, passant de 211 pages dans sa version originale à 91 dans la version germanique, et pourvue d'une longue préface signée du traducteur « Gallicus ». La majorité des commentaires techniques ont été retirés, ainsi que les références historiques trop françaises pour le public allemand. L’historien Jacques Binoche, dans une étude de 1972 de « La revue historique » note :

« Ce qui frappe au premier abord, dans cette floraison de commentaires, c'est le peu d'intérêt qu'accordent les Allemands aux réflexions strictement tactiques du lieutenant-colonel de Gaulle »,

Une chronique de 1935 du journal « Deutsche Wehr » dit :

« Le traducteur Gallicus a bien fait d'écourter les chapitres strictement militaires et de mettre l'accent sur les pages qui jettent une lumière caractéristique sur l'état d'esprit des cercles français quant à l'Allemagne » 

« C'est une véritable peur de la méchante Allemagne qui a dicté ce livre ».

Le journal « Bücherkunde der Reichsstelle zur Förderung des deutschen Schrifttums » commente :

« La lecture de ce livre est édifiante. Mais ce qu'il faut surtout en retenir, c'est l'attitude actuelle des milieux militaires français vis-à-vis de l'Allemagne d'aujourd'hui ».

C'est bien l'hostilité française envers l'Allemagne qui est mise en avant dans les commentaires, et la parole d'un obscur officier français est avant tout considérée par le fait qu'il est un proche du maréchal Pétain.

« Le lieutenant-colonel de Gaulle était chef de cabinet du maréchal Pétain, c'est pourquoi il faut attacher à ce travail une importance toute spéciale »

Dira la revue militaire « Militärwissenschaftliche Mitteilungen ». Sur le fond de l'ouvrage, la professionnalisation de l'armée, la préface de la traduction note :

« C'est le général von Seeckt au chapitre, « Armées modernes » de son livre Gedanken eines Soldaten [1929], traite des mêmes questions, et a visiblement beaucoup influencé de Gaulle ».

Comment ne pas comprendre dès lors pourquoi l'ouvrage de de Gaulle a pu susciter l'intérêt de Hitler ?

Il y a validation implicite de la parité militaire avec l'Allemagne, la Reichswehr étant limitée, de par le traité de Versailles à 100 000 hommes, chiffre de l'effectif de l'« armée de métier » de de Gaulle. Hitler et la propagande allemande y trouvent un exemple de bellicisme français tourné contre l'Allemagne, qui justifie son effort de réarmement. Enfin, de Gaulle fait l'apologie d'un dictateur comme condition préalable au redressement. Nul doute que Hitler ait, non seulement apprécié, mais pousser pour que publicité soit faite à l'ouvrage.

[1] https://www.lefigaro.fr/vox/histoire/montcornet-une-victoire-en-trompe-l-oeil-20200515

[2] p.15

[3] Mercure de France du 15 septembre 1934, p. 608.

[4] https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k123848c.r=ROBINSON?rk=21459 ;2

[5] The Secret School of War : The Soviet-German Tank Academy at Kama, Ian Johnson, The Ohio State University (2012)

[6] idem.
[7] Gedanken eines Soldaten, general von Seeckt, 1929.

[8] https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k765622j/f6.item

[9] http://general-de-gaulle.fr/de-gaulle-et-petain-les-freres-ennemis-face-a-lhistoire

[10] p.15.

[11] https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Vers_l%27armée_de_métier

[12] p. 12.

[13] https://www.charles-de-gaulle.org/announcement/1934-vers-larmee-de-metier/

[14] https://library.cqpress.com/cqresearcher/document.php?id=cqresrre1933100900

[15] F. de Brinon, propos recueillis en 1933


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36 réactions à cet article    


  • Clark Kent Séraphin Lampion 30 décembre 2020 11:01

    Entretien De Gaulle/Beuve-Méry :

    - Moi, qui ne suis pas convenu d’appeler un rigolard… savez-vous ce que je fais quand j’ai envie de rire ?

    - …

    - Eh bien ! Je lis… Le Monde !


    • troletbuse troletbuse 30 décembre 2020 11:11

      @Séraphin Lampion
      L’Immonde, le torche-cul qui appartient à Vaccinator !


    • troletbuse troletbuse 30 décembre 2020 11:11

      @troletbuse
      Et pourtant, ils nous ont bien dit : 0 papier.


    • binary 30 décembre 2020 13:19

      Je pense que le prochain article sur DeGaulle, nous expliquera que contrairement à ce qu en dit la « légende », en fait, il mesurait moins d 1,50 m.


      • Clark Kent Séraphin Lampion 30 décembre 2020 15:15

        @binary

        Non, tout le monde sait bien qu’il avait répondu « Regardez devant vous » quand il était aux urinoirs à côté de Malraux qui venait de lui dire en levant les yeux : “Belle pièce mon Général !”


      • Daniel PIGNARD Daniel PIGNARD 30 décembre 2020 19:39

        @Séraphin Lampion
        Je la raconte avec Pompidou.


      • Daniel PIGNARD Daniel PIGNARD 31 décembre 2020 09:02

        @Séraphin Lampion
        Pompidou, regardez devant vous !
        https://www.blagues-et-dessins.com/la-belle-piece-de-de-gaulle/


      • JulietFox 30 décembre 2020 15:23

        Les pauvres avions d’assaut français, Bréguet 693, Loire Nieuport LN 401 furent jetés dans le brasier, de la terrible « Flack » -DCA allemande

        Flack qui accompagnait tout convoi, toute troupe, où qu’elle soit.

        Jusqu’à la fin de la guerre, elle fut la hantise des chasseurs bombardiers, et de tout avion allié.


        • Clark Kent Séraphin Lampion 30 décembre 2020 15:34

          @JulietFox

          il a fallu que les anglo-américains changent de camp et que le pacte germano soviétique soit rompu pour que les nazis soient vaincus
          il faut quand même beaucoup de moyens pour éradiquer la vermine
          ça aurait dû dissuader les généreux mécènes de refaire de l’élevage de rats, mais manifestement, ils sont en train de remettre ça, sous une autre forme : maintenant, les rats ont la peste pas brune, mais noire


        • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 30 décembre 2020 16:17

          @JulietFox
          Çà sera pour le prochain article. Cependant, le matériel c’est une chose, s’en servir, c’est autre chose. Le stuka, c’est 10 ans de travail, des années d’entrainement à la coordination avec le sol... Toujours pas au point en Pologne, et finalement opérationnelle en 1940. La pauvre poignée de contre-façons françaises LN 401 avait 6 ans de retard sur l’expérience allemande, même sans flack, elle n’aurait pas fait de miracles. 


        • generation désenchantée 30 décembre 2020 23:59

          @Opposition contrôlée
          Le front populaire avait financer la modernisation d’usines d’aviation US et des commandes des derniers modèles conçu et en développement

          Il y avait des chasseurs , des chasseurs bombardiers , des bombardiers ....

          Les allemands ont tester leurs armes sur le terrain durant la guerre civile espagnole , sacré terrain de test grandeur réel


        • titi titi 30 décembre 2020 16:30

          @l’auteur

          Il est toujours aisé de prédire le temps qu’il a fait la veille.

          La personne de De Gaule n’échappe pas à la règle.

          Il est « évident » 90 ans plus tard que De Gaule et sa vision de l’arme blindée était la bonne, ainsi que son discours pour l’armée de métier.

          Il est à noter qu’une des raisons invoquées pour la défaite de 1870, c’est la faiblesse des effectifs de l’armée française, armée qui était à l’époque une armée de métier, alors que l’armée prussien était une armée de conscription.

          Il était donc « évident » à l’issue de cette guerre que l’armée de métier était une erreur.


          • Zevengeur Zevengeur 30 décembre 2020 16:43

            Il est toujours délicat, voire même risqué, de s’attaquer à un personnage de la dimension de CDG.

            Ensuite il n’est pas aberrant de considérer que l’historiographie aie quelque peu enjolivé les choses à l’issue de cette période noire pour la nation que fut 1940/44.

            Je ne rentre pas dans l’exégèse de l’article (sourcé) mais en relisant l’extrait de l’ouvrage « vers l’armée de métier », on pourrait l’interpréter comme une critique du système de la 4e République et un plaidoyer pour un futur système tel que celui mis en place 25 ans plus tard.


            • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 30 décembre 2020 17:23

              @Zevengeur
              Merci pour votre commentaire.

              Il est toujours délicat, voire même risqué, de s’attaquer à un personnage de la dimension de CDG.

              C’est ça qui est drôle, s’attaquer à Macron par ex. aujourd’hui, c’est trop facile ! Mais à vrai dire, je ne m’attaque pas vraiment à de Gaulle. Ce que je note, c’est que des écrits totalement délirants, telle la biographie du général par Philippe Barrès, servent encore de « référence » dans des publications émises par des gens qui sont censé être des professionnels. Ce que je voudrais pointer du doigt, c’est plutôt cette sale habitude française à refuser la « réalité » ou tout du moins la complexité des faits. « Rien compris, rien appris », il ne faut pas venir pleurer quand on est le dindon de la farce internationale.

              Ensuite il n’est pas aberrant de considérer que l’historiographie aie quelque peu enjolivé les choses à l’issue de cette période noire pour la nation que fut 1940/44.

              C’est le moins qu’on puisse dire. Cependant, pour que la nation aille de l’avant, il faudrait déjà avoir compris les erreurs du passé. Le trucage de l’histoire officielle n’y aide pas.

              un plaidoyer pour un futur système tel que celui mis en place 25 ans plus tard.

              Effectivement, on peut voir la Vème république et son président élu au suffrage universel préfigurés par le texte, mais aussi (ce n’est pas dans l’article) la décolonisation (et la politique algérienne). Malgré tout, dans le contexte de 1934, je doute que c’est ce à quoi pensait de Gaulle. Quoi qu’il en soit, je reste convaincu que cette réforme constitutionnelle, quand on la replace dans l’Histoire des institution, reste la seule et la meilleure chose qui soit à l’avantage du peuple vis-à-vis des classes dominantes, je ferai un article, si j’en ai le courage, sur le sujet.


            • OliV59 30 décembre 2020 18:31

              D’accord, donc ça me rassure, je ne suis pas le seul à avoir trouvé « Vers l’armée de métier » peu convaincant, notamment par son manque de prévision de ce que l’aviation représenterait.

              Le compagnon de cellule de De Gaulle pendant la Première Guerre Mondiale, Toukhatchevski, a, lui, présenté à la même époque une idée bien plus moderne, la doctrine de la « bataille en profondeur », qui a permis à l’URSS de vaincre le IIIe Reich, et qui a même été reprise, plus tard, par ... les Etats-Unis eux-mêmes, puisque cette pensée militaire soviétique des années 30 se retrouve dans les plans de l’opération Tempête du Désert en 1991.


              • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 30 décembre 2020 19:22

                @OliV59
                Pourquoi pas. Mais ce que j’essayais de dire aussi dans l’article, c’est que les théories militaires c’est une chose, les mettre en oeuvre, c’est autre chose.


              • mmbbb 30 décembre 2020 19:04

                J ai lu avec intérêt votre article . Il est vrai que Macron a inaugure en grande pompe la " bataille de Montcormet 

                " . Une bataille qui n etait pas ou si peu signalee dans les livres d histoire. Une mise en scene héroique qui est tapageuse Quoi qu il en soit ce n est pas de Gaulle qui est responsable de la défaite de 1940 mais Lebrun et Gamelin, Ce sont eux qui avaient en charge la stratégie . Une armee francaise dont les effectifs etaient éparpillés derrière cette fameuse ligne Maginot puisque ces responsables n avaient pas pense que les allemands passeraient pas les Ardennes . Ceux -ci empruntèrent les routes en 14 18 de la Belgique , pays pourtant neutre . Ce n est pas aussi ce colonel de Gaulle qui etait en charge du renseignement ; Celui ci , c est le moins qu on puisse dire etait nul. .

                Je ne suis pas un gaulliste beat , mais cette guerre a demontre toutes les lacunes des politiques , des militaires concernant non seulement la strategie et aussi de la logistique Une même erreur répétée avec la crise du COVID 19 Le professeeur Perronne l a dit ! Les francais on un mental défaillant les allemands reussissent economiquement , ce n est pas une grande surprise .

                Vous mentionnez Blum , rétif a une armee de metier qui aurait pu permettre a De Gaulle de devenir un putschiste , en parallèle , les bourgeois etaient aussi retif a arme le soldat en 1870 ! . Ils preferaient une armee de Godillot

                En 1870 , nous utilisions encore des canons en bronze alors que les allemands utilsaient des canons en acier moule Décidément on cumule !


                • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 30 décembre 2020 19:53

                  @mmbbb
                  Le parallèle avec 1870 est pertinent, ce que je vois surtout de défaillant dans « le mental » français, c’est cette culture d’un « art de vivre » de sa bourgeoisie, qui est et reste un « art de vivre » sur le dos des autres. Encore aujourd’hui, nulles « grandes écoles » en Allemagne, tout le monde va à l’université, point barre.

                  La culture des officiers de la Wehrmacht en 1940, c’est la culture prussienne : austérité, humilité, efficacité... Et « humilité », pas dans le sens que l’institution militaire française continue de propager : il ne s’agit pas, à force d’humiliation, d’adhérer à un groupe par renoncement à son individualité, mais bien de ne pas chercher à se mettre en avant quand on sait qu’on a pas raison...


                • mmbbb 30 décembre 2020 20:20

                  @Opposition contrôlée je suis d accord ! j ajouterais qu Hitler avait d excellents ingenieurs : le turbo propulseur , l aile en forme delta , la fusee V1 V2 , le crpytage des données le sous marin de derniere generation en 1944 que les Anglais ne pouvait plus detecter et dont les plans ont permis aux Amerloques de concevoir le Nautllus et je dois en publier ,Nous aurions encore plus souffert si Hitler n avait pas commis des fautes notamment retarder l operation Barbarossa , et s il ne s etait pas tant disperser dans certains projets Meme faute strategique de notre elite lorsque celle ci a decide de liquider notre industrie à partir de 1990. L Allemagne maintiendra son rang malgre sa faible demographie selon les etudes prospectives economiques , nous nous serons a la 10 ou 11 eme place .
                  Je fus interne , la mentalite francaise, je l exècre , une mentalite de débiles mentaux !! 


                • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 30 décembre 2020 20:21

                  @ Opposition contrôlée

                  Bonsoir, pour la question des chars évoquée par de Gaulle dans son ouvrage, un militaire de métier vous dira certainement qu’une guerre ne se gagne pas avec des chars, des blindés, souvent trop lourds ou mal adaptés aux terrains, mais plutôt avec une armée de fantassins très bien entraînés et équipés en fonction des conditions atmosphériques et du terrain. L’aviation joue un grand rôle aussi.

                  Les chars ont leur utilité, certes, mais n’oublions pas qu’ils évoluent en aveugle, malgré toutes les technologies de pointe qui les équipent. 

                  Je pense que de Gaulle a voulu controverser sur l’utilité des chars déjà remise en cause pendant la première guerre mondiale. Il avait ses lubies, et la suite ne lui a pas nécessairement donné raison.

                  Chars ou pas, la France a perdu définitivement la guerre, non pas à cause du matériel engagé, mais à cause du moral des troupes qui en 1940, n’était pas au mieux. Du courage devant les Allemands, elles manquaient pas, mais il y avait eu la première guerre mondiale, un carnage, et les enfants des anciens combattants, ressentaient toujours la grande blessure ouverte de cette abominable entreprise par les banques et les industriels pour affaiblir définitivement la France, dès 1914/1918. Le reste a suivi lamentablement, comme il fallait le prévoir. Aujourd’hui, elle n’existe pratiquement plus, dépecée, vendue à l’encan. 

                  En 1939, les socialistes de l’époque, toujours dans la traîtrise, après avoir usé l’armée française, pourtant valeureuse, ont fini pour la plupart dans la collaboration avec leurs complices de la droite de l’époque. 


                  • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 31 décembre 2020 08:55

                    @Nicole Cheverney
                    Disons que concernant l’opération de 1940, l’historiographie « grand public » focalise trop l’attention sur les chars. En particulier en France, surement du fait que ça sert de validation au mythe gaullien du « il avait tout prévu ». Ce sera l’objet d’un prochain article.


                  • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 31 décembre 2020 11:16

                    @Opposition contrôlée

                    Bonjour, merci pour votre réponse.
                    1940, année fatidique de la défaite définitive de la France, a joué un rôle déterminant sur la suite des événements. Devant l’Allemagne et Hitler, la 3eme république extrêmement concussionnaire, corrompue, n’avait pas du tout l’intention de se dresser devant la menace allemande. Pour des questions purement idéologiques des socialistes de l’époque, il y a eu toute une période de démoralisation de l’armée française, avec notamment le silence lors de la violations de plusieurs traités par Hitler. Il y a eu aussi un empêchement de mieux équiper l’armée française pour la rendre encore plus opérationnelle, devant la menace.
                    Et je résume cela par la phrase terrible de Charles Péguy, (mort en 1914), 
                    « Mère, voici vos fils faibles et saugrenus. Qu’ils ne soient pas jugés sur leur basse fatigue ». Cette citation s’applique pleinement à la déconfiture de 1940, dont nous payons aujourd’hui, plus que jamais, à cause de la bassesse des dirigeants de l’époque dirigés en sous-maints par les sociétés secrètes et leurs maniaque de l’ombre et de l’occulte, toujours à la manoeuvre pour désagréger les nations souveraines. Ils étaient hier ce qu’ils sont encore aujourd’hui. 


                  • Olivier 31 décembre 2020 17:21

                    @Cheverney : oui le problème du moral des troupes a été le point fondamental du succès allemand. A Sedan le 12/13 mai (armée Corap) les troupes se sont complètement débandées et ont ouvert une brèche où les panzers ont pu s’engouffrer. Mais le haut commandement non plus n’a jamais pu réagir avec force (voir l’effondrement du Général Georges qui était au coeur du dispositif français, et la passivité criminelle de Gamelin nominalement généralissime).

                    Pour les chars, c’est la tactique et l’entraînement allemandes infiniments supérieurs qui expliquent la défaite de mai/juin 1940 : la plupart des chars français ont été utilisés « en bouchon » comme forteresse mobile et pas du tout comme un ensemble cohérent. Lorsqu’il y a eu contre-attaque de chars, comme celle de de Gaulle à Montcornet, c’était avec des moyens insuffisants, sans coordination d’artillerie et d’aviation ni troupes motorisés pour exploiter le succès initial, qui n’a pas dépassé quelques kilomètres. Même chose pour la contre-attaque anglaise à Arras.


                    • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 31 décembre 2020 20:39

                      @Olivier

                      Bonsoir, merci de m’avoir répondu. En quelques lignes on ne peut pas développer en détail, les raisons multiples qui ont causées la défaite drançaise, que Jacques Chastenet, historien a intitulé : « le Drame final ». D’abord, le plan allemand a déjoué les prévisions du haut commandement français qui avaient garni de troupes, le secteur jouxtant la plaine belge qui n’était pas sécurisée par des ouvrages de défense. Nous, nous misions sur la ligne Maginot ! Les Allemands, ont misé sur le passage en Belgique, plan tardif fin septembre 1939. Après la campagne de Pologne. Bien que l’Oberkommando était dans l’expectative. Mais Hitler, pressé, pense à « occuper après des attaques massives le terrain belge, hollandais, faire en même temps une guerre aérienne et navale contre l’Angleterre et de former un glacis couvrant l’accès du bassin de la Ruhr ». 

                      L’Oberdommando élabora donc un plan inspiré du plan Schlieffen  1914  La seule différence, c’est qu’avec ce plan, ce mouvement tournant engloberait cette fois, la Belgique et les Pays-Bas. Après diverses controverses sur ce plan par le haut-commandement allemand, (Généraux Manstein et Guderian), ce plan est adopté, avec modifications, ainsi que les directives d’Hitler. Ce sera la grande percée en direction de Sedan, mais elle ne sera pas exécutée isolément et avec toutes les forces cuirassées ; 7 Panzedivisionen seulement, sur 10, lui seront affectées. Opération conjointe à travers la Hollande et la Belgique, pour pousser vers l’Ouest. Mais les Ardennes sont un terrain difficile et très forestier.
                      Pendant que se met en place ce plan ambitieux, nous avons, en France un général Gamelin qui veut imposer l’adoption d’un plan où s’opérera la jonction de l’armée française avec l’armée belge et néerlandaise, ce que prévoyait exactement Hitler. 
                      Les forces en présence : 
                      En France : 95 divisions, dont 86 d’infanterie, 3 de cavalerie portée, 3 légères mécaniques et 3 cuirassées. Les Anglais ont 9 divisions d’infanterie et 1 division légère mécnaique. 3 groupes d’armées disposées entre la mer du Nord et la frontière des Alpes. 

                      En face, Les forces allemandes : 2 750 000 hommes, 117 divisions dont 10 cuirassées (Panzerdivisionnen), leur dispositif est du nord au sud avec Groupe d’armée B, (Von Bock), groupe d’armée A (Von Runstedt), Groupe d’Armée C (Von Leeb). 

                      En face d’eux, une « faible charnière de forces alliées », où les Français ont à leur disposition 11000 pièces allant du 75 au 280. Seulement, le haut-Etat-Major français misait, comme en 14/18, sur un front stabilisé (front continu). Les Allemands, eux, sont extrêmement mobiles et se déplacent à grande vitesse. Hitler veut un guerre totale et il n’a pas lésiné sur les moyens. 

                      Question armement, les ateliers français ont travaillé depuis quelques mois seulement :
                      et ont fabriqué 2285 chars (dont 1593 d’infanterie et 692 de cavalerie), les britanniques en ont 289 (légers) soit un total de 2574. Les Allemands en ont 2600 opérationnels immédiatement. 

                      De Gaulle préconisait 500 chars, alors que nous en possédions 180 par division, éparpillés un peu partout sur le territoire. L’entraînement est rudimentaire. La France, par contre misait sur son aviation. 
                      Ce chiffre de 500 étant lui-même dérisoire face à la force en face.

                      Ce qui a pu faire la différence, c’est la main-mise d’Hitler sur l’armée allemande, (il détestait la caste arrogante des officiers supérieurs issus de l’Aristocratie), l’autorité est concentrée en presque totalité entre ses mains. La toute puissance qu’il s’est octroyée dès le début, lui permettra d’avoir toutes les cartes en mains. 

                      En France, nous avions les éternels militaires de haut-rang, qui ne manquaient pas d’intelligence, pas d’intuition, mais fuyants, et terriblement dépendant de la caste parlementaire occupée non pas à fourbir les armes devant le danger que représentait Hitler, mais à consolider leur petit confort politique. Il faut être très sévère sur le jugement que nous devons pouvons porter sur ces hommes-là. Et nous en avons eu de beaux exemples de pleutrerie, d’abord Gamelin, puis Weygand qui ne fut pas le pire, mais au-dessus de lui, la politique le rattrapait. Non, le combat ne pouvait être égal.
                      Cordialement. 


                    • Christian 31 décembre 2020 18:44

                      L’utilisation des chars est un vaste problème, essentiellement lié à la notion de défense ou d’attaque ainsi qu’au relief.

                      Si vous décidez une attaque avec des chars, vous n’avez pas à vous préoccuper de détruire des ponts, entre autres. Ce fut le cas des Allemands. C’est tout autre en défense. Si vous possédez des chars, ce qui fut le cas de l’armée française et en nombre, vous vous souciez à ce qu’ils puissent se déplacer. Ainsi vous hésiterez donc à détruire ponts et autres infrastructures qui resteront disponibles....à l’ennemi.

                      La supériorité allemande s’est manifestée par la technologie radio ITT à disposition, merci les Américains.

                      L’idée de la toute puissance des blindés est surfaite en pays montagneux. Par exemple dans le cas de la Suisse il était bien plus efficace de posséder une infanterie dotée d’armes anti chars, ainsi que de barrages en bétons et destructions de ponts que de posséder des blindés.



                      • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 31 décembre 2020 20:42

                        @Christian

                        Bonsoir, comme je l’explique dans mon commentaire au-dessus, la mobilité des chars est dépendante des contraintes de terrain, et les Allemands n’ont pas échappé à ces aléas, surtout dans les Ardennes, terrain accidenté, difficile.
                        Cordialement.


                      • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 31 décembre 2020 23:21

                        Bonsoir Philippe Huysmans

                        Je cite l’historien : « terriblement difficile... en raison de l’inexistence de bonnes routes dans les Ardennes, de l’épaisseur de la forêt et de l’escarpement de la Meuse ».

                        Mais Guderian a confiance en son plan. 

                        Particularité des chars allemands : vitesse 40 km /H, vitesse uniforme, capacité de réservoirs plus grande, outillage en moyens de transmission et de commandement bien mielleur (que les Français), et l’emploi tactique supérieur.

                        Et c’est là que nous arrivons à l’épisode de la percée de Sedan.

                        Je cite encore l’historien : « Dans les Ardennes, les chars d’assaut allemands, profitant des moindres sentiers et écrasant l es troncs d’arbres, se sont frayé route à travers la forêt. Plusieurs unités d’infanterie portée les précèdent. Des camions sont chargés de canots pneumatiques et de matériel de pont. Ordre a été reçu de franchir la Meuse dès le lendemain. 

                        Les défenses françaises : 

                         »La ligne de résistance française suit la rive gauche du fleuve. Les éléments de cavalerie qui tenaient sur la rive droite se replient, laissant Sedan au pouvoir de l’ennemi. 

                        « Toute la nuit, le Panzerdivisionen, véhicules presques joints, feux allumés pour gagner du temps, roulent vers la Meuse. Elles en approchent quand le soleil se lève. Sous un ciel imperturbablement bleu, la journée du 13 mai va être, pour la France, la première d’une série de journées noires. ».

                        Effectivement, @ Philippe Huysmans, vous avez raison, ils sont rentrés en France comme dans du beurre.

                        Cordialement et meilleurs voeux.


                        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 1er janvier 2021 00:03

                          @Nicole Cheverney
                          le grand défaut pour moi aura été l’absence de l’aviation française qui aurait due se concentrer sur la logistique allemande en arrière. Plus d’énergie , plus de chars . En avaient t’ils les moyens ?


                        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 1er janvier 2021 00:13

                          @ㄈϤ尺Цら

                          En tahitien , bienvenue dans la nouvelle année : Ia orana ite mata ite api .


                        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 1er janvier 2021 00:21

                          @Aita Pea Pea

                          merde...iti api ...


                        • Iris Iris 1er janvier 2021 00:50

                          @ㄈϤ尺Цら

                          Cyrus toujours sur le pont.... la meilleure année possible à toi l’artiste, et à tous les autres cinglés d’agoravox, amour et paix.


                        • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 1er janvier 2021 11:16

                          @ Alta Pea Pea

                          Bonjour, elle n’a pas été absente, mais il faut avouer que nous étions bien moins équipés que l’aviation allemande. La France disposait de 1648 avions (219 de bombardement, 946 de chasse, 483 de reconnaissance). L’Angleterre disposait de 800 avions sur son propre territoire. 

                          L’Allemagne dispose de 3227 (126 chasseurs, 1120 bombardiers, 342 stukas, 501 appareils de renseignement), sans compter d’un coté comme de l’autre, des stocks en cours de construction.

                          Arithmétiquement, c’est très inégal. puisque du côté allemand en état de voler, 3227, et du côté allié 2900. 

                          Le grand tort de la France est d’avoir considéré l’aviation comme une simple auxiliaire qui n’était pas organisée ni équipée pour « livrer une bataille de masse à l’aviation ennemie ». 

                          Les Allemands disposaient de deux flottes aériennes et d’une escadre de réserve, tandis que nous avions éparpillée nos escadres, pour les mettre à disposition des différentes armées. 

                          Les Anglais ont aussi des failles quant à l’usage de leur aviation, pour le transport des troupes et le parachutage de matériel. 

                          Les Allemands notamment sur le front de l’Est avaient compris tout l’enjeu de leur flotte aérienne, n’ayant jamais négligé la question de la liaison entre les forces aériennes et les forces cuirassées. Ce qui leur assurera la victoire pour la campagne de France. 

                          Si l’on prend en compte, le moral des troupes allemandes remontées comme une horloge depuis des années, par la propagande très intensive d’Hitler, et leur envie d’en découdre pour venger l’humiliation du traité de Versailles, si l’on prend en compte, leur arsenal très fourni, si l’on prend en compte la brochette d’incapables du gouvernement en France devant leur avancée, nous avons là un véritable cas d’école de « l’Art de la Guerre ». 

                          Ce qui est à souligner, c’est aussi l’apparition dans l’arsenal allemand des stukas. 

                          « Pour semer la mort, ces montrueux insectes fondent du ciel en sifflant ». Lorsque les Français ne disposent que d’un matériel démodé, et de trop peu nombreux appareils dernier cri sortant des ateliers de fabrication, comme le Potez 63 de reconnaissance. 

                          Un crochet par l’armée de terre, après ces précisions sur l’aviation :

                          les documents de l’époque nous montrent une armée française disposant d’un armement obsolète comme le canon 75 qui ne pourra rien contre les armes

                          terribles mises en service par les Allemands. 

                          Que penser des Français qui continuent à patrouiller à cheval le long de la Meuse, offrant à l’aviation allemande des cibles idéales ? Pendant que nous voyons les troupes allemandes guoguenardes, réjouies, au pas de charge. 

                          Pour terminer, les Allemands avaient aussi misé sur les transport motorisés avec les motocyclistes mobiles, très maniables, pouvant transporter deux personnes dans leur side-car. 

                          En fait, nos godillots à la tête du gouvernement de l’époque et les généraux de l’armée, n’avaient pas tout à fait compris que le visage de la guerre changeait du tout au tout, et qu’elle serait « radicalement nouvelle ». 

                          Cordialement et meilleurs voeux.


                        • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 1er janvier 2021 11:25

                          @Nicole Cheverney
                          Non, aucun consensus sur les chiffres de l’aviation. 


                        • Nicole Cheverney Nicole Cheverney 1er janvier 2021 16:08

                          @Opposition contrôlée

                          Qu’entendez-vous par « aucun consensus » ? 


                        • Opposition contrôlée Opposition contrôlée 2 janvier 2021 09:01

                          @Nicole Cheverney
                          Selon les sources, on trouve une armée de l’air française entre 40% et 120% de l’effectif de la Luftwaffe.


                        • Ecureuil66 1er janvier 2021 23:00

                          moi j’aimerais bien voir tous ces gens qui parlent du mauvais moral des troupes dans une tranchée avec un casque et un fusil face à un char ennemi qui leur fonce dessus !

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